Mobilité entre générations et fluidité sociale en France. Le rôle de l’éducation

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Contrairement à certaines idées reçues et à des thèses que la sociologie a parfois développées, la société française est caractérisée par plus de fluidité sociale aujourd’hui qu’hier. En d’autres termes, les positions sociales des individus nés dans les années 1970 dépendent un peu moins de leur milieu social d’origine que ce n’était le cas pour ceux nés dans les années 1930. Ce mouvement est dû en grande partie au double phénomène d’expansion scolaire et de démocratisation de l’éducation. C'est ce que tend à démontrer Louis-André Vallet, sociologue à l’Observatoire Sociologique du Changement (OSC, UMR 7049, CNRS / Sciences Po Paris), dans un article publié dans la Revue de l'OFCE.

Entamée il y a plus de 20 ans, l'étude de Louis-André Vallet vise à mesurer les liens entre origine sociale, diplôme et position sociale et leur évolution. Les cinq enquêtes « Formation – Qualification Professionnelle », réalisées par l’INSEE entre 1970 et 2003, ont été utilisées pour suivre les destins sociaux de plus de 110 000 hommes et femmes actifs, appartenant à six générations, de la plus ancienne (1906-1924) à la plus récente (1965-1973). Un constat s’impose : au fil des générations, la mobilité sociale est devenue plus fréquente, dans un sens ascendant, mais aussi descendant. Cette évolution est surtout due aux transformations de la structure des emplois, mais elle traduit aussi le fait que le lien entre milieu social d’origine et position sociale atteinte s’est affaibli, pour les hommes et, encore plus, les femmes. Le même lien s’atténue également au fil de la carrière professionnelle, mais davantage pour les premiers que pour les secondes.

Comment expliquer l’accroissement de la fluidité sociale ? Le même constat d’affaiblissement est aussi établi pour la relation entre origine sociale et diplôme obtenu : il y a donc eu « démocratisation scolaire » effective, mais surtout pour les générations nées entre le milieu des années 1930 et le milieu des années 1950. Dans le même temps, avec la « massification scolaire », le lien entre diplôme obtenu et position sociale atteinte s’est également affaibli, réduisant donc l’avantage relatif que procure le diplôme dans l’accès aux positions sociales. Mais la massification scolaire a pu avoir aussi un effet positif. En effet, au fil des générations, elle a accru le poids relatif des groupes plus diplômés pour lesquels le lien entre origine et position sociales est effectivement plus faible.

À l’aide de nouvelles méthodologies, il est possible d’évaluer la contribution de ces différents facteurs à l’accroissement de la fluidité sociale. L’expansion scolaire et la démocratisation de l’éducation ont joué le rôle principal. Ainsi, comparativement aux précédentes, la génération 1945-1954 a bénéficié d’un important effet de « démocratisation scolaire ». Pour les générations suivantes (1955-1964 et 1965-1973) qui ont connu la généralisation de l’accès à la classe de sixième, c’est surtout la massification de l’enseignement qui a contribué à augmenter la fluidité sociale.

Ce travail sera poursuivi en intégrant les générations plus récentes observées dans l’enquête « Formation – Qualification Professionnelle 2014-2015 » prochainement disponible.

 

Références :

« Mobilité entre générations et fluidité sociale en France. Le rôle de l’éducation », Louis-André Vallet, Revue de l’OFCE, n° 150, 2017

Chapitre d’ouvrage à paraître, sous la direction de R. Breen, R. Luijkx et W. Müller, (titre provisoire : Education and Intergenerational Social Mobility in the 20th Century: A Comparative Study) chez Stanford University Press.

 

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Louis-André Vallet