L’impact environnemental d’une ancienne cité gauloise pour la première fois décrypté

Situé près de Clermont-Ferrand, l’oppidum 1   de Corent fut la capitale des Arvernes, puissant peuple gaulois du Massif central. Si les campagnes de fouilles menées ces dernières années permettent de mieux cerner l’occupation spatiale et chronologique de ce territoire occupé par l’homme au moins depuis le troisième millénaire av. J-C, l’influence de ces premières structures urbaines sur le milieu naturel est encore peu documentée. En croisant l’analyse de grains de pollen prélevés à la fois dans une zone humide située au sein de l’ancienne cité des Arvernes et dans des niveaux archéologiques du site, une équipe pluridisciplinaire est parvenue à retracer son impact environnemental au fil de son histoire. Ses résultats 2  ont été publiés le 8 avril 2015 dans la revue Plos One.

  • 1Ville fortifiée d’Europe occidentale et centrale à l’époque gallo-romaine. Souvent située sur une colline ou un plateau, cette cité disposait de défenses naturelles renforcées par l’homme.
  • 2Ces travaux ont bénéficié du soutien financier du Conseil régional d’Auvergne.

L’oppidum de Corent s’apparente à un promontoire naturel d’une superficie de 60 hectares. Bien que ce plateau qui domine la plaine de la Limagne soit désormais dévolu à l’agriculture, il n’en a pas toujours été ainsi. Occupé par l’homme dès le Néolithique, le site a ensuite connu plusieurs phases successives d’occupation. Elle atteint son paroxysme avec l’agglomération gauloise, entre le IIe et le Ier siècles av. J-C, lorsque l’oppidum devient la capitale des Arvernes. Pour la première fois, des paléoenvironnementalistes du laboratoire GEOLAB (CNRS/Université Blaise Pascal/Université Limoges) et de la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand associés à des archéologues des unités de recherche ARAR (CNRS/Universités Claude Bernard Lyon 1 et Lumière Lyon 2) et TRACES (CNRS/Université Toulouse Jean Jaurès/EHESS/Inrap) sont parvenus à déterminer l’impact de ces premières formes d’urbanisation sur le milieu naturel environnant. « Le site archéologique de Corent se prête tout particulièrement à ce genre d’analyse car il abrite une petite zone humide dont les dépôts sédimentaires ont enregistré les vicissitudes de cette longue occupation humaine », souligne Yannick Miras, palynologue au laboratoire GEOLAB et co-auteur de l’étude.

En analysant les grains de pollen d’une carotte de sédiments prélevée sur cette zone humide, les scientifiques sont parvenus à dresser un portrait de l’environnement naturel du plateau de Corent entre 4000 av. J.-C. et 100 ans après J.-C. Ils ont ensuite recoupé ces informations avec celles issues de plusieurs vestiges archéologiques (citernes, caves, latrines, etc.) témoignant des périodes de forte occupation humaine du site. Les chercheurs ont ainsi mis au jour une dynamique paléoenvironnementale très particulière associée à l’existence d’agglomérations protohistoriques. Vers la fin de l’âge du Bronze final, entre 1050 et 900 ans av. J.-C., une première tendance à la fermeture du milieu naturel apparaît en même temps qu’un déclin de l’agriculture. Elle s'accompagne d'une augmentation de la biodiversité des plantes liées à une perturbation du milieu et de celle des végétaux non indigènes. « Le fait de retrouver des grains de pollen appartenant à des espèces méridionales telles que le châtaignier ou le platane pourrait signifier que l’agglomération avait établi, dès cette époque, des échanges avec le bassin méditerranéen », explique Paul Ledger, co-auteur de ces travaux et actuellement palynologue à l’Université d’Aberdeen (Ecosse). Entre le Ier et le IIe siècle avant J.-C., à l’apogée de l’urbanisation du site, l’équipe retrouve ces mêmes particularités, l'agriculture ayant même semble-t-il cette fois-ci déserté le plateau de Corent. Pour confirmer cette hypothèse, les scientifiques souhaitent maintenant étudier les sédiments d’un ancien lac situé au pied de l’oppidum. Ils espèrent ainsi recueillir des indices montrant que l’activité agricole s’est déplacée en zone péri-urbaine sous l’effet de la pression urbaine grandissante de la capitale des Arvernes.

 

Références :
The palaeoenvironmental impact of prehistoric settlement and proto-historic urbanism: tracing the emergence of the Oppidum of Corent, Auvergne, France, par Paul M. Ledger, Yannick Miras, Matthieu Poux et Pierre-Yves Milcent, publié le 8 avril 2015 dans Plos One
DOI: 10.1371/journal.pone.0121517

 

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