Du nouveau sur l’origine des premiers Polynésiens

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Qui furent les premiers habitants d’Océanie lointaine, îles et archipels à l’est des Îles Salomon ? Quelle est l’origine des Polynésiens qui peuplèrent, il y a un millénaire, les îles à l’est de Tonga et Samoa ? Quels furent les liens entre ces groupes humains ? Trois questions qui passionnèrent des générations de chercheurs depuis la « redécouverte » de la région par des explorateurs européens au XVIIIe siècle. Suite aux recherches menées par Frédérique Valentin de l’unité Archéologies et Sciences de l'Antiquité 1 , Florent Détroit de l’unité Histoire naturelle de l'Homme préhistorique 2  et Stuart Bedford et Matthew Spriggs de l’Université Nationale Australienne 3 , des résultats publiés courant janvier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, permettent d’en savoir plus aujourd’hui.

  • 1ArScAn, UMR7041, CNRS / Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Paris Ouest Nanterre La Défense / Ministère de la Culture et de la Communication
  • 2HNHP, UMR7194, CNRS / MNHN, Université Perpignan Via Domitia
  • 3ANU, Canberra

De nombreuses théories ont été proposées pour expliquer le peuplement océanien et le contraste morphologique entre les actuels habitants des parties occidentale et orientale du Pacifique. Reconnu depuis les années 1960, le rôle fondateur des groupes humains associés à la culture Lapita, apparue il y a 3000 ans dans le nord de la Mélanésie insulaire, a permis la proposition d’un modèle consensuel depuis les années 1990.

Doté de liens culturel et linguistique avec l’Asie du Sud-Est, leur mouvement migratoire est supposé avoir conduit au peuplement de la Polynésie Orientale, après un temps de métissage/intégration en Mélanésie du nord, peuplée plusieurs dizaines de milliers d'années auparavant, et une pause d’environ 2000 ans en Polynésie occidentale. Or, avant les années 2000 et la découverte du cimetière Lapita de Teouma au Vanuatu, sa composante humaine proprement dite était quasi-inconnue.

Le site de Teouma, découvert en 2004 et fouillé jusqu'en 2010, est étudié dans le cadre d’une collaboration internationale dirigée par Stuart Bedford et Matthew Spriggs alors que l’étude des pratiques funéraires et de la morphologie des squelettes mis au jour est sous la responsabilité de Frédérique Valentin, chargée de recherche au CNRS. Le cimetière de Teouma a livré 68 sépultures révélant des gestes, des traitements et une chaîne opératoire funéraire très particulière, ayant abouti à un prélèvement des crânes et, dans neuf cas, à leur re-dépôt sur le site dans des contextes remarquables. Ces crânes, déterminants pour comprendre la morphologie de cette population pionnière, ont été reconstitués et analysés en collaboration avec Florent Détroit, et fournissent pour la première fois une indication directe sur les affinités biologiques des premières populations d’Océanie lointaine et sur l’origine des Polynésiens.

Les résultats obtenus sur les cinq crânes les plus complets indiquent pour chacun d’eux une absence d’affinités avec les populations australo-mélanésiennes, contrairement à ce qui était attendu dans le cadre du modèle consensuel. Ils démontrent, en revanche, une relation biologique quasi-exclusive avec les populations asiatiques anciennes et récentes, plaidant en faveur d’une contribution Lapita au patrimoine génétique des populations polynésiennes.

Dans ce contexte, les observations récurrentes de similitudes morphologiques entre individus immédiatement post-Lapita et populations australo-mélanésiennes s'expliqueraient par l’arrivée, encore inenvisagée par les modèles de peuplement, de nouveaux migrants en Océanie lointaine à la fin de la période Lapita.

Image retirée.
Exemple de sépulture en jarre du cimetière Lapita (3000 BP) de Teouma, Vanuatu © Frédérique Valentin

 

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Exemple de sépulture du cimetière Lapita (3000 BP) de Teouma, Vanuatu
© Frédérique Valentin
 

 

Référence :

Valentin F., Détroit F., Sprigg M. J. T., Bedford S., 2016. Early Lapita skeletons from Vanuatu show Polynesian craniofacial shape: Implications for Remote Oceanic settlement and Lapita originsProceedings of the National Academy of Sciences

 

 

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