Sport : comment s’explique la trajectoire en zigzag de balles lancées sans rotation ?

Résultat scientifique Mécanique des fluides

Dans certains sports de balle, comme le football, le volleyball ou le baseball, il arrive que certaines balles lancées sans rotation suivent une trajectoire en zigzag. Cet effet rare recherché par les sportifs pour brouiller le jeu de leurs adversaires a été décrypté par des chercheurs du Laboratoire d'hydrodynamique (LadHyX) et du Laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes (PMMH). Cette étude fait l’objet d’une publication dans la revue New Journal of Physics. 

En sport, les effets aérodynamiques sont souvent recherchés par les joueurs pour tromper leurs adversaires. Les trajectoires dites « flottantes » face auxquelles sont confrontés les gardiens, receveurs et batteurs de balles s’effectuent généralement sur une dizaine de mètres avec des déviations latérales de quelques diamètres de balles. Si les coutures des balles couplées à une légère rotation sont mises en cause pour un sport comme le baseball 1 , elles ne parviennent néanmoins pas à expliquer les trajectoires en zigzag observées avec des balles lisses retrouvées dans les sports comme le football (cf. Fig. a) ou le volleyball. Par ailleurs, un tel scénario ne peut prédire les trajectoires flottantes majoritairement constatées dans une gamme de vitesse modérée.

Des chercheurs du Laboratoire d'hydrodynamique (LadHyX, CNRS/École polytechnique), en collaboration avec le Laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes (PMMH, CNRS/ESPCI/UPMC/Univ. Paris Diderot), ont alors envisagé un autre facteur, celui des fluctuations des forces latérales sur la trajectoire des balles. Lorsqu’une balle se déplace à grande vitesse dans un fluide, comme l’air, l’aspect instationnaire de l’écoulement du fluide autour de la balle (cf. Fig. b et c) engendre sur elle des forces qui dépendent également du temps.

L’étude a consisté dans un premier temps à élaborer une machine à frapper des balles sans rotation afin de reproduire des trajectoires en zigzag au sein du laboratoire, analysées en aval grâce à des caméras rapides. Après avoir résolu numériquement l’équation du mouvement d’une sphère lisse, en considérant la dépendance temporelle des forces latérales mesurées en soufflerie, les chercheurs ont montré que les trajectoires flottantes produites expérimentalement étaient semblables à celles prédites par résolution numérique. Mais si toutes les sphères lancées sans rotation subissent des forces latérales fluctuantes, pourquoi n’observe-t-on pas plus souvent des trajectoires flottantes, et dans tous les sports ?
Pour répondre à cette question, l’équipe de recherche a numériquement estimé la longueur d’onde du zigzag pour chaque balle de sport ainsi que l’amplitude des écarts latéraux. Constat : l’observation d’un zigzag exige que la balle soit lancée dans une gamme particulière de vitesse initiales pour laquelle les fluctuations de force sont les plus importantes. Cette plage de vitesse appelée crise de traînée (quand la couche limite de l’écoulement englobant la balle subit une transition entre un régime laminaire et turbulent) varie d’une balle à l’autre, même pour un sport donné.

Image retirée.
© LadHyX
Ces résultats permettent de prédire comment l'instationnarité des forces latérales parvient à produire un zigzag et avec une amplitude suffisante pour perturber les joueurs. Ces critères sur la vitesse, ainsi que l’absence de rotation initiale, expliquent la rareté de ces balles flottantes.

Voir aussi : Un ticket pour les sciences autour du sport pendant les JO 2016 partenariat CNRS/RATP)

 

 

Références :

 

Physics of knuckleballs
B. Darbois Texier, C. Cohen, D. Quéré, and C. Clanet
New Journal of Physics 18, 073027 (2016)
DOI:10.1088/1367-2630/18/7/073027

 

  • 1Le knuckleball, « balle papillon » en français, est un type de lancer utilisé au baseball avec très peu de rotations ce qui rend la trajectoire difficile à évaluer par le frappeur.