Pourquoi les pelotes de mer ne se dévident pas

Résultat scientifique Matériaux et structures

Si elles intriguent les promeneurs du bord de mer, les ægagropiles suscitent aussi des interrogations chez les scientifiques. Des chercheurs de l’IRPHE, du LPS et du Laboratoire de physique de l'ENS de Lyon se sont penchés sur la formation de ces pelotes de fibres végétales, un processus qui façonne des matériaux plus résistants qu’il n’y paraît. Ces travaux sont publiés dans la revue PNAS.

Les plages de Méditerranée sont parfois jonchées de boules de fibres végétales de quelques centimètres de diamètre, appelées ægagropiles. Ce nom cache le résultat de la décomposition de la posidonie, une plante aquatique dont les feuilles se présentent sous la forme de fines lanières d’une cinquantaine de centimètres de long. Des chercheurs de l’Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre (IRPHE, CNRS/AMU/Centrale Marseille), du Laboratoire de physique statistique (CNRS/UPMC/ENS Paris/Université Paris Diderot) et du Laboratoire de physique de l'ENS de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS Lyon) ont remonté le fil de la formation de ces pelotes à la résistance surprenante. Ils ont pour cela combiné des observations sur le terrain, des études statistiques et des tests mécaniques, ainsi que de l’imagerie par tomographie à rayons X.


Leurs travaux révèlent que les pelotes sont façonnées en plusieurs phases. Lors de l’agglomération, des fibres détachées de la plante se regroupent en paquets lâches et désordonnés. Ceux-ci se compactent ensuite sous l’effet des vagues et des courants, qui les font rouler et retomber sur le fond marin. Ce mécanisme est confirmé par la tomographie qui révèle une structure interne avec une densité croissante du cœur de la pelote vers la périphérie. Cette caractéristique se retrouve dans d’autres situations de compaction d’un objet élastique, par exemple une feuille de papier froissée. Enfin, les déformations appliquées à la boule sont en partie irréversibles. L’effet combiné de l’élasticité et du frottement des fibres permet en effet aux pelotes de garder leur cohésion malgré l’absence de paroi pour les maintenir comprimées. La compréhension de la structure et des propriétés mécaniques de ces amas naturels de fibres ouvre des perspectives pour la conception de matériaux à la fois légers et résistants.

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© Sébastien Moulinet
A gauche : quelques aegagropiles posés sur du papier millimétré.
A droite : coupe équatoriale d’un aegagropile montrant sa structure interne : un cœur lâche entouré d’une croûte plus dense.

 

 

 

Références :

G. Verhille, S. Moulinet, N. Vandenberghe, M. Adda-Bedia and P. Le Gal, « Structure and mechanics of aegagropilae fiber network ». 
PNAS, vol. 114 no. 18 (4607-4612).
Doi : 10.1073/pnas.1620688114
http://www.pnas.org/content/114/18/4607.abstract

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Sébastien Moulinet
Communication CNRS Ingénierie