Des chaînes pour stabiliser les tas de grains

Résultat scientifique Mécanique des fluides

La fragilité proverbiale des châteaux de sable illustre bien la grande instabilité des tas de grains. Certaines interactions physiques peuvent aider à les stabiliser, mais sans véritablement les fixer. Des chercheurs de l’université de Mons, des laboratoires Gulliver, Loma et PMMH ont cependant utilisé des chaînes de grains pour obtenir des tas indéfiniment stables. Ces travaux, qui simulent le comportement des polymères, ont fait la couverture de la revue Physical Review Letters.

Particulièrement instables, les tas de grains s’effondrent généralement très vite sous leur propre poids pour former un cône. Si différents phénomènes attractifs peuvent partiellement les stabiliser, comme les interactions capillaires et les forces de Van der Waals ou électrostatiques, leur effet reste limité. Des chercheurs de l’université belge de Mons, du laboratoire Gulliver (CNRS/ESPCI Paris - Université PSL), du Laboratoire ondes et matière d’Aquitaine (LOMA, CNRS/Université de Bordeaux) et du laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes (PMMH, CNRS/ESPCI Paris/Université Paris Diderot/Sorbonne Université), ont cependant produit des tas de grains indéfiniment stables. L’astuce consiste à connecter ces derniers entre eux en des chaînes de grains.

Les chercheurs ont lancé deux séries d’expériences. Dans la première, chaque empilement était composé de chaînes de même longueur, qui changeait pour chaque tas. Plus les chaînes sont longues, plus le système est stable. Dans la seconde phase, les chaînes étaient mélangées à des grains isolés, à des concentrations différentes : une situation qui mime la dilution d’un polymère dans un solvant. Dans les deux cas, les chercheurs ont montré que les liaisons entre les grains d’une chaîne donnée produisent des contraintes pour les autres chaînes. Cela enclenche un mécanisme de frottement autoamplifié, qui aboutit à des points de verrouillage particulièrement résistants à la déformation.

Cette surprenante robustesse des tas de grains permet non seulement de simuler le comportement de polymères denses à l’échelle macroscopique, mais également d’imaginer de nouveaux matériaux comme des textiles, des fibres biologiques ou des matériaux de construction.

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© Pascal Daman, université de Mons

Poids en équilibre déposés à la surface d’un empilement de chaînes granulaires (gauche)
et d’un milieu granulaire composé de billes, c’est-à-dire de « monomères » (droite) 
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© Pascal Daman, université de Mons

Photographies montrant les états finaux d’assemblages de chaînes granulaires denses après l'enlèvement de leur conteneur cylindrique pour différents nombres de billes par chaîne indiqué dans le coin supérieur gauche de chaque photographie.

Pour en savoir plus

Voir les images animées realisées par les équipes de recherche :

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Enlèvement d’un conteneur cylindrique rempli de billes, c’est-à-dire de « monomères ». Le milieu granulaire s'effondre après l'enlèvement du conteneur. 
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Enlèvement d’un conteneur cylindrique rempli de chaînes granulaires. Après l'enlèvement du conteneur, l’assemblage de chaînes est capable de conserver sa forme cylindrique.


Références :

Emergent Strain-Stiening in Interlocked Granular Chains
D. Dumont, M. Houze, P. Rambach, T. Salez, S. Patinet, and P. Damman
Phys. Rev. Lett. 120, 088001 (2018)
DOI : 10.1103/PhysRevLett.120.088001

Contact

Communication CNRS Ingénierie
Sylvain Patinet
Chercheur