Des mousses solides comportant de fines membranes absorbent fortement les ondes sonores

Résultat scientifique Acoustique

Contrairement à une idée répandue, des mousses comportant des pores fermés peuvent atténuer la propagation des sons bien plus efficacement que des mousses avec des pores ouverts. C'est ce qu'ont démontré des chercheurs de l'Institut Jean Le Rond d’Alembert et du Laboratoire Matière et systèmes complexes en collaboration avec l’Institut Charles Sadron et Matelys-Research. Leurs résultats sont publiés dans la revue Applied Physics Letters.

Les mousses solides utilisées pour l'isolation acoustique, notamment en polyuréthane, sont généralement des mousses à cellules ouvertes, jugées plus efficaces pour atténuer les ondes sonores, car elles favorisent les déplacements d'air dans la structure du matériau. Mais cette règle présente des exceptions, comme l'ont montré des chercheurs de l'Institut Jean Le Rond d'Alembert (CNRS/Sorbonne Université), du laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/université Paris Diderot), de l’Institut Charles Sadron et de Matelys-Research. En effet, en mesurant l'absorption acoustique de mousses de polyuréthane dont les pores sont séparés par une fine membrane, ils ont montré que l'atténuation des ondes sonores pouvait être jusqu'à 5 fois supérieure à celle d'une mousse « ouverte » ayant la même taille de pores. Ces mousses aux larges pores (millimétriques) fermées par des membranes pourraient ainsi constituer des alternatives aux mousses classiquement utilisées, qui elles sont « ouvertes » et avec des pores plus petits (centaine de microns).

Les chercheurs avaient constaté, dans une étude précédente, que les mousses liquides (des bulles de savon) sont d'excellents isolants acoustiques. Cette propriété est attribuée aux minces films de savon qui séparent les bulles de gaz, et à leur couplage avec les mouvements de l'air dans la mousse. Cette caractéristique pouvait-elle être transposée dans une mousse solide ?

Pour vérifier cette hypothèse, ils ont utilisé des mousses de polyuréthane dont les pores (0,5 à 3 mm de diamètre) sont séparés par des membranes très fines, de 1 à 5 microns d'épaisseur. Ces échantillons de mousse « fermée », fournis par la société Foampartner, ont été obtenus en supprimant l'étape de fabrication qui normalement permet d'ouvrir les pores. Des mesures comparatives sur des mousses « ouvertes » et « fermées » ont montré que, pour des tailles de pores de 3mm de diamètre et des échantillons de 2cm d'épaisseur, les mousses fermées par des membranes de quelques microns d'épaisseur présentent une absorption quasi parfaite entre 2 et 5 kHz (en l'absence de membrane le coefficient d'absorption ne dépasse pas 0.15 dans cette même gamme de fréquence). Pour des pores de 0,6 mm, le coefficient d'absorption avoisine 1 autour de 2 kHz (autour de cette fréquence le coefficient d'absorption des mousses sans membrane vaut environ 0.2).1
Pour interpréter ces résultats surprenants, les chercheurs ont mesuré la densité effective des mousses « ouvertes » et « fermées », paramètre qui caractérise l'inertie « ressentie » par l'onde acoustique dans le matériau. Résultat : la densité effective de la mousse « fermée » est 5 fois supérieure à celle de la mousse « ouverte » (alors que sa masse supplémentaire est négligeable). Le couplage entre l'air et les fines membranes est à l'origine de ce phénomène, et un travail de modélisation en cours devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes physiques qui sont en jeu. À terme, de nouvelles solutions d'isolation acoustique pourraient émerger, par exemple pour l'automobile et les transports.

 

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© LGC
Clichés de deux mousses de polyuréthane de même porosité (env. 98%) et de même taille de pores (env. 3mm). Sur l'image du haut les pores sont ouverts, sur celle du bas les pores sont fermés par des membranes de quelques microns d'épaisseur.

 

 

Références :

Acoustic absorption of solid foams with thin membranes,
C. Gaulon, J. Pierre, C. Derec, L. Jaouen, F.-X. Bécot, F. Chevillotte, F. Elias, W. Drenckhan, V. Leroy.
Applied Physics Letters (2018)
DOI: https://doi.org/10.1063/1.5025407

  • 1La mesure a été réalisée dans un tube d'impédance, pour des fréquences comprises en 1 et 6kHz, dans lequel l'échantillon d'épaisseur 2 cm a été placé à une extrémité et le coefficient de réflexion, r, a été mesuré. L'absorption est définie comme1-r².

Contact

Communication CNRS Ingénierie
Juliette Pierre
Institut Jean Le Rond d'Alembert
Valentin Leroy
Laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC)