Accueil > AVIS publiés

Avis et communiqués

« Par ses avis et les actions de formation qu’il mène ou auxquelles il participe, le COMETS attire l’attention des personnels de recherche et de direction sur les dimensions éthiques et sociétales de toute recherche. Ce faisant, il vise à éclairer l’exercice de la liberté de recherche en regard des devoirs et responsabilités que ces personnels ont vis-à-vis du CNRS et plus généralement de la société. »

Avis n°2023-45 - Les campagnes d'opportunité : des partenariats éthiques pour la recherche ?

Approbation le 14 septembre 2023

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Le COMETS a été saisi par le PDG du CNRS en vue de formuler des recommandations sur les conditions éthiques dans lesquelles des personnels de recherche du CNRS peuvent poursuivre des « campagnes d’opportunité », c’est-à-dire bénéficier de moyens logistiques publics ou privés qui ne sont pas destinés à la recherche – avions de ligne, bateaux de commerce, de croisière ou de plaisance, bâtiments de la marine nationale…– pour y embarquer des instruments et collecter des données scientifiques ou pour y embarquer eux-mêmes et conduire un projet de recherche.

Cette saisine intervient après que le CNRS a été interpellé publiquement par le collectif « Scientifiques en rébellion » à propos d’un type particulier de campagnes d’opportunité proposées par une compagnie touristique, la Compagnie du Ponant, qui organise des croisières aux pôles et fait de la présence de chercheurs et de projets de recherche à bord un argument commercial à l’intention de ses clients. Ce modèle, qui renouvelle sensiblement la notion classique de campagne d’opportunité, s’inscrit dans un mouvement plus général initié par des opérateurs de tourisme qui organisent des voyages dans des milieux « uniques » ou difficiles d’accès (pôles, lagons, etc.).

Dans son avis, le COMETS replace ces cas de figure dans une analyse globale des campagnes d’opportunité, en étant attentif à l’ensemble des dimensions qu’elles mettent en jeu (apports de connaissances, impact sur l’environnement et sur les populations, financement privé de la recherche, etc.). Il estime que, de manière générale, les campagnes d’opportunité peuvent indéniablement fournir des données scientifiques dont il serait dommage de priver la recherche. Il considère toutefois qu’elles deviennent potentiellement problématiques quand elles sont l’accessoire d’un tourisme qui impacte négativement l’environnement et, plus encore, quand elles servent d’argument pour cautionner voire promouvoir un tel tourisme.

C’est pourquoi le COMETS recommande, face à l’offre de telles campagnes associées à des activités touristiques dans des espaces fragiles (régions polaires, espaces protégés, lagons, grands fonds, espace…), d’être particulièrement attentif à faire la balance entre, d’une part, l’apport scientifique de la campagne, et, de l’autre, l’impact environnemental et socio-culturel de l’activité à laquelle elle se rattache, ainsi que les répercussions de la campagne sur l’image du CNRS et de la recherche en général.

En l’occurrence, le COMETS exprime une profonde réserve à l’égard des campagnes d’opportunité actuellement proposées par la Compagnie du Ponant sur le navire brise-glace Commandant Charcot en Arctique et en Antarctique. En comparaison avec d’autres opérateurs de tourisme aux pôles, cette entreprise témoigne certes d’une démarche relativement vertueuse concernant les enjeux environnementaux et propose aux chercheurs et aux chercheuses qu’elle accueille des contrats respectueux pour la recherche. Toutefois, ces campagnes ne présentent qu’un intérêt scientifique modeste au regard de leur impact sur l’environnement et sur les sociétés humaines, tout en faisant de la présence de scientifiques à bord un argument promotionnel en faveur du tourisme polaire, activité d’autant plus contestable du point de vue éthique qu’elle prend une ampleur inégalée et soumet les pôles à une pression croissante. 

Plutôt que de laisser les personnels de recherche décider seuls de s’engager ou non dans ce type de partenariats et les délégations régionales négocier ces derniers au coup par coup, le COMETS recommande au CNRS :

– d’adopter un positionnement public clair sur les critères d’acceptabilité des campagnes d’opportunité et autres partenariats avec des entreprises et fondations ; pour le COMETS, devraient systématiquement être pris en compte l’intérêt de la campagne au plan scientifique, son impact environnemental, son impact social et culturel, ses répercussions sur l’image du CNRS et de la recherche en général ; ce positionnement devrait identifier clairement les « lignes rouges » et les actualiser périodiquement face à une offre de campagnes en constante évolution ;   

– de se doter d’un cadre applicable à la conduite de celles des campagnes d’opportunité qui seront in fine considérées comme acceptables ; ce cadre devrait notamment assurer que les campagnes se déroulent dans le respect des intérêts de la science, de l’indépendance et de l’impartialité de la recherche, et des obligations professionnelles des personnels de recherche. Devraient en particulier être respectés les points suivants : règles de cumul d’activités ; projet scientifique évalué par les pairs, clair et de qualité ; démonstration de ce que la campagne d’opportunité permettra de recueillir des données utiles au projet proposé ; rapport de campagne circonstancié ; évaluation ex post du projet ; propriété des résultats et des données collectées au profit du CNRS ; publication et accès aux résultats sans restriction possible par l’opérateur privé ; attention particulière à la possibilité de réutiliser les jeux de données collectés pour d’autres recherches (les principes de la science ouverte encouragent à ce que les données de la recherche soient « réutilisables », ce qui est particulièrement souhaitable lorsque les données ont été obtenues en milieu fragile, afin de ne pas multiplier les campagnes). 

 

Avis n°2023-44 - Entre liberté et responsabilité : l'engagement public des chercheurs et chercheuses

Approbation le 23 juin 2023

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Que des personnels de recherche s’engagent publiquement en prenant position dans la sphère publique sur divers enjeux moraux, politiques ou sociaux ne constitue pas une réalité nouvelle. Aujourd’hui toutefois, face aux nombreux défis auxquels notre société est confrontée, la question de l’engagement public des chercheurs s’est renouvelée. Nombre d’entre eux s’investissent pour soutenir des causes ou prendre position sur des enjeux de société – lutte contre les pandémies, dégradation de l’environnement, essor des technologies de surveillance, etc. – selon des modalités variées, de la signature de tribunes à la contribution aux travaux d’ONG ou de think tanks en passant par le soutien à des actions en justice ou l’écriture de billets de blog. Par ailleurs, le développement des médias et des réseaux sociaux a sensiblement renforcé l’exposition publique des chercheurs engagés.

Dans le même temps, de forts questionnements s’expriment dans le monde de la recherche. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les modalités de l’engagement public, son opportunité et son principe même. Ils se demandent si et comment s’engager publiquement sans mettre en risque leur réputation et les valeurs partagées par leurs communautés de recherche, sans déroger à la neutralité traditionnellement attendue des chercheurs, sans perdre en impartialité et en crédibilité. Ce débat, qui anime de longue date les sciences sociales, irrigue désormais l’ensemble de la communauté scientifique.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent avis. Fruit d’une auto-saisine du COMETS, il entend fournir aux chercheurs des clés de compréhension et des repères éthiques concernant l’engagement public.

Le COMETS rappelle d’abord qu’il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre, d’un côté, l’engagement public du chercheur et, de l’autre, les normes attribuées ou effectivement applicables à l’activité de recherche. C’est notamment le cas de la notion de « neutralité » de la science, souvent considérée comme une condition indispensable de production de connaissances objectives et fiables. Si on ne peut qu’adhérer au souci de distinguer les faits scientifiques des opinions, il est illusoire de penser que le chercheur puisse se débarrasser totalement de ses valeurs : toute science est une entreprise humaine, inscrite dans un contexte social et, ce faisant, nourrie de valeurs. L’enjeu premier n’est donc pas d’attendre du chercheur qu’il en soit dépourvu mais qu’il les explicite et qu’il respecte les exigences d’intégrité et de rigueur qui doivent caractériser la démarche scientifique.

Si diverses normes applicables à la recherche publique affirment une obligation de neutralité à la charge du chercheur, cette obligation ne fait en réalité pas obstacle, sur le principe, à la liberté et à l’esprit critique indissociables du travail de recherche, ni à l’implication du chercheur dans des débats de société auxquels, en tant que détenteur d’un savoir spécialisé, il a potentiellement une contribution utile à apporter.

Le COMETS estime que l’engagement public doit être compris comme une liberté individuelle et ce, dans un double sens :

— d’une part, chaque chercheur doit rester libre de s’engager ou non ; qu’il choisisse de ne pas prendre position dans la sphère publique ne constitue en rien un manquement à une obligation professionnelle ou morale qui lui incomberait ;

— d’autre part, le chercheur qui s’engage n’a pas nécessairement à solliciter le soutien de communautés plus larges (laboratoire, société savante, etc.), même si le COMETS considère que donner une assise collective à une démarche d’engagement présente de nombreux avantages (réflexion partagée, portée du message délivré, moindre exposition du chercheur, etc.).

S’il constitue une liberté, l’engagement nécessite également pour le chercheur de prendre conscience qu’il met en jeu sa responsabilité, non seulement juridique mais aussi morale, en raison du crédit que lui confère son statut et le savoir approfondi qu’il implique. En effet,  en s’engageant publiquement, le chercheur met potentiellement en jeu non seulement sa réputation académique et sa carrière, mais aussi l’image de son institution, celle de la recherche et, plus généralement, la qualité du débat public auquel il contribue ou qu’il entend susciter. Le chercheur dispose d’une position privilégiée qui crédite sa parole d’un poids particulier. Il doit mettre ce crédit au service de la collectivité et ne pas en abuser. Le COMETS rappelle dès lors que tout engagement public doit se faire dans le respect de devoirs.

Ces devoirs concernent en premier lieu la manière dont le chercheur s’exprime publiquement. Dans le sillage de son avis 42 rendu à l’occasion de la crise du COVID-19, le COMETS rappelle que le chercheur doit s’exprimer non seulement en respectant les règles de droit (lois mémorielles, lois condamnant la diffamation, l’injure, etc.) mais aussi  en offrant à son auditoire la possibilité de mettre son discours en contexte, au minimum pour ne pas être induit en erreur. A cet effet, le chercheur doit prendre soin de :

  • situer son propos : parle-t-il en son nom propre, au nom de sa communauté de recherche, de son organisme de rattachement ? Quel est son domaine de compétence ? Est-il spécialiste de la question sur laquelle il prend position ? Quels sont ses éventuels liens d’intérêts (avec telle entreprise, association, etc.) ? Quelles valeurs sous-tendent son propos ? ;
  • mettre son propos en perspective : quel est le statut des résultats scientifiques sur lesquels il s’appuie ? Des incertitudes demeurent-elles ? Existe-t-il des controverses ?

Le COMETS a conscience de la difficulté pratique à mettre en œuvre certaines de ces normes (temps de parole limité dans les médias, espace réduit des tribunes écrites, etc.). Leur respect constitue toutefois un objectif vers lequel le chercheur doit systématiquement tendre. Ce dernier doit également réfléchir, avant de s’exprimer publiquement, à ce qui fonde sa légitimité à le faire.

En second lieu, les savoirs sur lesquels le chercheur assoit son engagement doivent être robustes et reposer sur une démarche scientifique rigoureuse. Engagé ou non, il doit obéir aux exigences classiques d’intégrité et de rigueur applicables à la production de connaissances fiables – description du protocole de recherche, référencement des sources, mise à disposition des résultats bruts, révision par les pairs, etc. Le COMETS rappelle que ces devoirs sont le corollaire nécessaire de la liberté de la recherche, qui est une liberté professionnelle, et que rien, pas même la défense d’une cause, aussi noble soit-elle, ne justifie de transiger avec ces règles et de s’accommoder de savoirs fragiles. Loin d’empêcher le chercheur d’affirmer une thèse avec force dans l’espace public, ces devoirs constituent au contraire un soutien indispensable à l’engagement public auquel, sinon, il peut lui être facilement reproché d’être militant.

Afin de munir ceux qui souhaitent s’engager de repères et d’outils concrets, le COMETS invite le CNRS à élaborer avec les personnels de la recherche un guide de l’engagement public. Si de nombreux textes existent d’ores et déjà qui énoncent les droits et devoirs des chercheurs – statut du chercheur, chartes de déontologie, avis du COMETS, etc. –, ils sont éparpillés, parfois difficiles à interpréter (sur l’obligation de neutralité notamment) ou complexes à mettre en œuvre (déclaration des liens d’intérêt dans les médias, etc.). Un guide de l’engagement public devrait permettre de donner un contenu lisible, concret et réaliste à ces normes apparemment simples mais en réalité difficiles à comprendre ou à appliquer.

Le COMETS recommande au CNRS d’envisager l’élaboration d’un tel guide avec d’autres organismes de recherche qui réfléchissent actuellement à la question. Le guide devrait par ailleurs être accompagné d’actions sensibilisant les chercheurs aux enjeux et techniques de l’engagement public (dont des formations à la prise de parole dans les médias).

Le COMETS s’est enfin interrogé sur le positionnement plus général du CNRS à l’égard de l’engagement public.

Le COMETS considère que de manière générale, le CNRS ne devrait ni inciter, ni condamner a priori l’engagement des chercheurs, ni opérer une quelconque police des engagements. En pratique :

– dans l’évaluation de leurs travaux de recherche, les chercheurs ne devraient pas pâtir de leur engagement public. L’évaluation de l’activité de recherche d’un chercheur ne devrait porter que sur ses travaux de recherche et pas sur ses engagements publics éventuels ;

– lorsque l’engagement public conduit à des controverses, la direction du CNRS n’a pas vocation à s’immiscer dans ces questions qui relèvent au premier chef du débat scientifique entre pairs ;

 le CNRS doit en revanche intervenir au cas où un chercheur contreviendrait à l’intégrité ou à la déontologie (au minimum, les référents concernés devraient alors être saisis) ou en cas de violation des limites légales à la liberté d’expression (lois mémorielles, lois réprimant la diffamation, etc.) ; de même, l’institution devrait intervenir pour soutenir les chercheurs engagés qui font l’objet d’attaques personnelles ou de procès bâillons.

 au cas où un chercheur mènerait des actions de désobéissance civile, le CNRS ne devrait pas se substituer aux institutions de police et de justice. Il ne devrait pas condamner ex ante ce mode d’engagement, ni le sanctionner en lieu et place de l’institution judiciaire. A posteriori, en cas de décision pénale définitive à l’encontre d’un chercheur, le CNRS peut éventuellement considérer que son intervention est requise et prendre une sanction.

Plus généralement, le COMETS encourage le CNRS à protéger et à favoriser la liberté d’expression de son personnel. Il est en effet de la responsabilité des institutions et des communautés de recherche de soutenir la confrontation constructive des idées, fondée sur la liberté d’expression.

Si le CNRS venait à décider de s’engager en tant qu’institution, c’est-à-dire s’il prenait publiquement des positions normatives sur des sujets de société, le COMETS considère qu’il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent, etc. Cette prise de position de l’institution devrait pouvoir être discutée sur la base d’un débat contradictoire au sein de l’institution.

 

Avis n°2022-43 - Intégrer les enjeux environnementaux à la conduite de la recherche – Une responsabilité éthique

Approbation le 5 décembre 2022

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Le COMETS a été saisi par le PDG du CNRS de la question de l’impact environnemental de la recherche scientifique. Cette saisine s’inscrit dans un contexte d’interrogations profondes, au sein du monde de la recherche, sur la responsabilité de ce secteur à l’égard des défis environnementaux. Un très large accord se fait jour sur la nécessité que la recherche, comme toute activité, participe à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Après avoir établi son bilan carbone, le CNRS travaille ainsi à la mise en place d’un plan de transition. Mais des divergences notables s’expriment quant aux directions concrètes à suivre. Faut-il désormais s’interdire toute recherche qui a ou peut avoir un impact environnemental négatif – terrain éloigné, expérimentation énergivore, intrusion dans un milieu fragile ? Comment articuler l’enjeu environnemental avec les injonctions a priori contradictoires « d’excellence » et de compétitivité de la recherche ? Faut-il que l’éthique de la recherche s’enrichisse désormais d’une « éthique environnementale » ? Cette orientation n’entraverait-elle pas la capacité de la recherche à produire des connaissances et des solutions innovantes, y compris pour répondre aux dégradations de l’environnement ? C’est parce qu’elle suscite de multiples questionnements sur les valeurs de la recherche, sa finalité et sa place face à un sujet majeur pour la société que la question de l’impact environnemental de la recherche, qu’il soit positif ou négatif, doit être appréhendée non pas seulement sous un angle scientifique ou politique, mais aussi sous un angle éthique.

Dans son avis, le COMETS estime d’abord que la prise en compte des impacts environnementaux de la recherche doit être considérée comme relevant de l’éthique de la recherche, au même titre que le respect de la personne humaine ou de l’animal d’expérimentation. Parce que l’éthique de la recherche, comme la notion de « recherche et innovation responsables », conduit à penser les effets de cette activité sur la société, il est de la responsabilité collective des personnels de recherche de prendre en compte sa dimension environnementale.

Le COMETS comprend cette responsabilité de manière large : celle-ci impose de réfléchir aux moyens de limiter l’empreinte des pratiques de la recherche « au quotidien » (acheter mieux et moins, optimiser les usages du numérique, limiter les déplacements et les missions, améliorer la performance énergétique des bâtiments) ; mais elle doit aussi conduire à s’interroger sur l’empreinte environnementale des sujets de la recherche ainsi que des voies pour les traiter, et ce pour deux raisons. D’abord, une démarche de limitation de l’empreinte carbone, indispensable, est insuffisante au regard des enjeux de préservation de la biosphère (lutte contre l’effondrement de la biodiversité ou contre la pollution chimique, préservation de la santé des écosystèmes, etc.). Ensuite, si la recherche doit, comme toute activité, limiter l’empreinte de ses pratiques, sa finalité spécifique, qui est de produire des connaissances au service de la société, lui confère la responsabilité particulière de s’interroger aussi sur les usages qui pourront être faits de ces connaissances (notamment leur transformation en innovations) et sur la manière dont ces derniers peuvent répondre aux problèmes que rencontre la société ou au contraire les pérenniser voire les aggraver. Le monde de la recherche doit ainsi se demander dans quelle mesure le fait d’utiliser ou de développer tel grand équipement (jumeau numérique, accélérateur de particules, grand calculateur) ou de travailler sur telle thématique (biologie synthétique, édition du génome des plantes) est susceptible d’engendrer des impacts néfastes pour la biosphère, de conforter à moyen ou long terme des modes de production ou de consommation non durables, etc. Inversement, la recherche doit maximiser son rôle moteur pour produire et mettre en valeur des savoirs permettant d’élaborer des solutions face aux bouleversements environnementaux en cours. S’il convient de se garder de trop compter sur le développement de technologies de rupture dans un horizon de temps pertinent, il est nécessaire d’orienter davantage la recherche vers la poursuite de connaissances et de solutions favorables aux transformations de la société (multiplication des programmes de recherche dans ce sens, ponts interdisciplinaires entre recherches appliquées et recherches fondamentales susceptibles de leur venir en appui, etc.).

Le COMETS n’ignore pas que la considération de l’environnement s’impose d’ores et déjà à la recherche (dans des domaines comme la chimie, la biologie, le nucléaire, les expérimentations sont soumises au respect de normes environnementales ; certains appels d’offre subordonnent le financement à l’absence d’impact environnemental ; de nombreux programmes de recherche sont destinés à aider aux transitions écologiques, etc.). Le COMETS n’oublie pas non plus que nombre de personnels de recherche sont et ont été aux avant-postes en mettant en relief la dégradation de l’environnement, en alertant les pouvoirs publics, en recherchant des solutions innovantes. C’est précisément en raison de ce positionnement particulier de la recherche que le COMETS insiste sur l’importance d’inclure l’environnement parmi les enjeux éthiques auxquels les personnels de recherche sont confrontés. Il considère que cette approche, loin d’entraver la recherche dans sa liberté, sa créativité et la qualité de ses productions, est de nature à favoriser le renforcement d’une recherche attentive aux enjeux de société et pertinente aux yeux de la société civile et des personnels de recherche eux-mêmes.

Le COMETS aborde ensuite la façon dont doit s’exercer, en situation concrète, la responsabilité du monde de la recherche à l’égard de l’environnement. Il ne lui revient pas d’arbitrer et d’estampiller comme « éthiques » ou « non éthiques » au regard de leur impact environnemental, les choix souvent complexes à opérer au nom de cette responsabilité (comment articuler la préservation de l’environnement avec d’autres impératifs de toute nature – santé humaine, formation des jeunes, souveraineté scientifique…– ? Faut-il privilégier le temps proche en s’interdisant une recherche polluante, ou le temps lointain en misant sur ce que cette recherche peut apporter de résultats potentiellement utiles à la préservation de l’environnement ?). C’est au monde de la recherche lui-même d’ouvrir en son sein un large débat sur ces questions. Pour le COMETS, il s’agit là d’une exigence première, bien avant toute mise en place d’instances ou de critères d’« évaluation environnementale » des projets de recherche, lesquels sont loin d’être inutiles mais pourraient contribuer à routiniser un questionnement qui exige avant toute chose d’être constitué en réflexion collective approfondie. Ce qui est en jeu, c’est en effet la sensibilisation des personnels mais aussi : le partage d’expériences novatrices entre laboratoires ; la recherche d’un bon équilibre entre frugalité des pratiques de recherche et trop plein d’exigences administratives ; l’échange entre des communautés de recherche dont les impacts sur l’environnement, les besoins et les objectifs sont très différents et entre lesquelles il convient de prévenir tout risque de stigmatisation et de clivage ; une réflexion d’ensemble sur les orientations de la recherche et la manière dont elles peuvent répondre à une demande croissante de justification par la société civile ; in fine, l’adoption de lignes de conduite.

Le COMETS recommande que ce débat soit autant que possible équipé d’outils, de méthodologies, plus généralement d’un cadre théorique scientifiquement solide et partagé au sein du monde de la recherche. Dans cette perspective, il insiste d’abord sur l’importance que présente la mesure des impacts, et, à cette fin, la constitution des connaissances relatives à ces impacts, essentielle à une discussion éclairée et à l’identification d’indicateurs et de leviers d’action. Le COMETS n’ignore pas les difficultés que soulève une telle mesure, surtout lorsqu’elle porte sur l’impact des sujets de recherche (les méthodes disponibles sont limitées, le décalage temporel entre le choix d’une thématique et son éventuel impact sur l’environnement rend complexe toute appréciation ex ante…). Il observe toutefois que les travaux portant sur la mesure des impacts environnementaux et sur la contribution de la recherche à ces impacts se sont multipliés et il insiste sur la nécessité de considérer ce chantier comme un véritable domaine de recherche à développer.

Le COMETS invite en outre à aborder l’impact environnemental de la recherche dans une perspective de proportionnalité. S’il relève de la responsabilité éthique de la recherche de se préoccuper systématiquement de cet impact, tout constat ou perspective d’impact néfaste ne constitue pas pour autant un obstacle de principe à la conduite d’une recherche. L’impact environnemental négatif doit en effet être mis en balance avec ce que cette recherche peut par ailleurs apporter de positif, à l’environnement lui-même ou à d’autres valeurs (santé humaine, capacité des jeunes chercheurs à travailler en réseau, géopolitique scientifique, etc.), y compris si c’est à moyen ou à long terme. Face aux forces diverses qui poussent à exagérer les bénéfices attendus, la proportionnalité implique de définir, expliciter et justifier les raisons pour lesquelles une pratique, une thématique ou un équipement de recherche est envisagé, et l’ensemble des conséquences attendues.

Le COMETS a bien conscience des difficultés opérationnelles que ces préconisations soulèvent mais il estime que face à l’ampleur des défis à relever, le monde de la recherche ne peut faire l’économie d’une telle démarche.

Recommandations à l’adresse de la direction du CNRS et des personnels de recherche

A l’issue de son analyse, le COMETS invite à :

1. Reconnaître que la prise en compte de l’environnement fait partie intégrante de l’éthique de la recherche; affirmer à ce titre la responsabilité des acteurs et actrices de la recherche de penser leur activité au regard des enjeux environnementaux ; cette responsabilité concerne non seulement l’empreinte des pratiques de recherche mais plus généralement l’impact environnemental négatif ou positif que le choix de tel ou tel sujet de recherche et de telle ou telle voie pour le traiter peut engendrer pour l’environnement au sens large, à court, moyen ou long terme.

2. Multiplier les espaces de discussion permettant à l’ensemble des personnels de recherche de débattre des enjeux et contours de cette responsabilité.

Les laboratoires de recherche apparaissent comme les lieux naturels pour conduire ce débat ; le COMETS soutient à cet égard la demande formulée par le PDG du CNRS et la CPU, devenue France Universités, de nommer une personne référente pour le développement durable dans chaque unité de recherche.

Le débat devrait être également mené dans des enceintes plus larges que les laboratoires, à l’échelle des communautés scientifiques locales, nationales ou internationales (instituts du CNRS, autres organismes de recherche, départements universitaires, groupements de recherche, communautés scientifiques partageant l’usage de grands équipements de recherche, etc.) mais aussi entre ces communautés (Académies et sociétés savantes, conseils scientifiques).

3. Outiller le débat d’un cadre méthodologique scientifiquement solide et partagé au sein du monde de la recherche; ce cadre devrait a minima s’appuyer d’une part sur un principe de mesure des impacts, fondé sur la constitution des connaissances relatives à ces impacts, d’autre part sur une logique de proportionnalité qui, au cas par cas, en considérant les particularités de chaque situation, mette en balance l’ensemble des impacts négatifs et positifs d’une recherche. S’agissant de la mesure des impacts, le COMETS:

– soutient les initiatives prises pour constituer les connaissances relatives aux impacts de la recherche sur l’environnement (bilans GES des laboratoires, du CNRS et de ses instituts, des équipements de recherche) ;

– encourage à poursuivre cette évaluation et recommande que les tutelles aident les laboratoires dans ce sens, par exemple en simplifiant la réalisation du bilan pour les laboratoires multi-tutelles ;

– recommande que le CNRS et les instances de prospective scientifique soutiennent et entreprennent des recherches permettant une meilleure mesure des impacts environnementaux (gaz à effet de serre, pollution, atteintes à la biodiversité, etc.) liés à de nouveaux champs de recherche ou à la poursuite des recherches en cours ;

– souligne l’intérêt de développer une « culture de l’impact » au sein de la communauté scientifique, en proposant, entre autres, des formations et des écoles thématiques interdisciplinaires sur ce sujet.

4. Plus spécifiquement à l’adresse de la direction du CNRS, le COMETS :

– recommande que le CNRS pérennise et renforce les moyens qu’il met en œuvre pour évaluer l’impact du CNRS sur l’environnement, afin de favoriser l’apprentissage organisationnel et l’acquisition d’une expérience consolidée ;

– souligne l’intérêt de reconnaître et favoriser la capacité des laboratoires à apporter des solutions innovantes pour une conduite de la recherche respectueuse de l’environnement ; invite à soutenir des approches prenant appui sur les expériences locales des laboratoires ; recommande que le CNRS constitue une base ouverte des innovations de toutes sortes développées par ces derniers et la rende accessible, notamment au sein des organismes de recherche ;

– encourage les services de formation : à sensibiliser et former les personnels à la dimension environnementale de l’éthique de la recherche ; à recruter des personnels pour organiser et animer des ateliers collaboratifs et développer une « culture interdisciplinaire de l’impact environnemental » ; à poursuivre leur démarche permettant aux personnels de recherche, quel que soit leur statut, de consacrer du temps, dans le cadre de leur métier, à la question de l’intégration des enjeux environnementaux dans la recherche ;

– recommande d’accompagner les personnels de recherche désireux de réorienter leurs activités vers des pratiques et thématiques susceptibles de contribuer à une meilleure préservation de l’environnement.

Dans ses relations avec les décideurs publics et privés, le CNRS devrait davantage soutenir et mettre en valeur tout ce qui, dans les productions des personnels de recherche (recherches, expertises, alertes), est de nature à informer les débats et à stimuler les actions en faveur de l’environnement.

5 – Le COMETS encourage :

 les instances chargées de la programmation et du financement de la recherche ;

 les instances chargées de l’évaluation des chercheurs et chercheuses ;

– les instances du Comité national de la recherche scientifique chargées d’établir la prospective de leurs domaines de recherche

à mener une réflexion sur la manière dont elles peuvent mieux prendre en compte l’impact environnemental de la recherche dans le cadre de leur action.

 

Avis n°2021-42 - Communication scientifique en situation de crise sanitaire

Approbation le 25 juin 2021

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Le COMETS traite, dans cet avis, des multiples formes prises par la communication scientifique dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19, due au SARS-CoV-2. Le recul de près de deux ans de crise permet de dresser un premier bilan des forces et faiblesses de cette communication. Nous examinons tout d’abord de quelle manière la crise a impacté la communication au sein de la communauté scientifique. Puis nous montrons combien la pertinence de la communication offerte au public par l’entremise de diverses sources d’informations a été déterminante dans la perception que les citoyens ont eu de la crise et dans leur adhésion au discours scientifique. Nous abordons la question de l’articulation entre la mission des experts scientifiques et les impératifs des décideurs. Enfin, nous évoquons les difficultés rencontrées par les scientifiques lorsqu’ils sont confrontés à la défiance des citoyens envers la science et à l’émergence d’un « populisme scientifique ».

L’avis débute par un constat optimiste : les connaissances sur le SARS-CoV-2 et la COVID-19 ont très rapidement évolué grâce à une mobilisation inédite de la communauté scientifique internationale, au partage des données et à une politique éditoriale d’ouverture des publications, toutes initiatives qui sont les conséquences des récentes avancées permises par la Science Ouverte. Mais, le COMETS porte aussi un regard critique sur certaines dérives éditoriales et notamment sur les écarts à l‘intégrité scientifique, à la déontologie et à l’éthique qui ont accompagné la publication de travaux contestables portant sur des traitements de la COVID-19 par l’hydroxychloroquine. D’une manière plus générale, le COMETS déplore le comportement irresponsable de certains chercheurs qui ignorent, ou veulent ignorer, les fondements de la démarche scientifique que sont la rigueur, l’honnêteté, la fiabilité et la transparence des méthodes utilisées et l’évaluation critique des publications par les pairs. Les dérives constatées sont lourdes de conséquences par leur impact sur la santé et parce qu’elles contribuent à la défiance des citoyens vis-à-vis de la science et des scientifiques. Cette défiance est d’autant plus difficile à lever que les connaissances sur le virus et la pandémie étant en constante évolution, toute information, considérée comme vérité un jour, peut se trouver démentie le lendemain. Les diverses sources d’informations — institutionnelles, presse, médias, mais aussi réseaux sociaux — ont été des vecteurs déterminants pour éclairer les citoyens. Le COMETS tient à souligner le souci de partage des connaissances avec le public de l’ensemble de la communauté scientifique et salue le difficile et indispensable travail des journalistes. Cependant, force est de constater que les dérives ont été nombreuses : certains médias de grande écoute ont favorisé une « communication spectacle » volontiers polémique et entretenu la confusion entre vérité scientifique et opinion. Des médias ont également servi de tribune à des scientifiques pour y développer des thèses contestables. Les nouveaux médiateurs de l’information que sont internet et les réseaux sociaux ont aussi contribué à la désinformation du public et à la propagation des croyances complotistes. Le COMETS tente d’analyser les raisons qui ont conduit certains citoyens à adhérer à ces croyances complotistes et comment a pu se propager une vague de « populisme scientifique » dans laquelle l’opinion prime sur le fait scientifique.

Le COMETS s’est aussi penché sur la délicate question de l’articulation entre expertise scientifique et décision politique dans un contexte de crise et in fine sur la recevabilité du message de l’expert lorsqu’il est communiqué aux citoyens.

En conclusion, la communication de crise a mis à jour une crise de la communication scientifique aux multiples facettes et d’une portée générale. L’un des enjeux pour la résoudre est indubitablement d’élever le niveau de culture scientifique des citoyens mais aussi des décideurs politiques, un devoir éthique auquel les chercheurs doivent contribuer.

Avis n°2021-41 - Science, risques et principe de précaution

Approbation le 10 mars 2021

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – La science a considérablement amélioré la condition de l’humanité. Elle a contribué à l’accroissement du bien-être mondial. Elle a aidé à relever les grands défis lancés aux sociétés humaines. Et, il y a tout lieu d’espérer qu’elle continuera à le faire. Pourtant certaines des applications de la recherche induisent des risques graves et irréversibles tant pour les individus que pour la planète et, par conséquent, pour l’environnement dans lequel seront amenées à vivre les générations futures.

Heureusement, les avancées de la recherche contribuent également à identifier et anticiper ces risques et à nous en prémunir. Le principe de précaution vise alors à tirer parti de ces résultats scientifiques pour prendre des mesures conservatoires, sans attendre que l’on soit en mesure de quantifier avec précision l’ampleur des périls qui nous guettent. On se trouve alors dans une tension entre le progrès de la connaissance, les développements technologiques qu’ils induisent et la conscience des risques qu’ils génèrent.

Le principe de précaution est issu de la Charte de l’environnement de 2004, inscrite en 2005 dans la Constitution française. Son application s’est étendue progressivement du domaine de l’environnement à celui de la santé. Ses origines historiques et philosophiques se trouvent dans les concepts de prudence, puis de prévention et enfin de précaution. Toutefois, si la prévention porte sur des risques avérés, le principe de précaution se rapporte, quant à lui, à des risques contrefactuels, non encore prouvés par des faits d’observation mais cependant prévisibles.

L’estimation du risque s’appuie sur les résultats du travail d’experts-chercheurs consultés par les pouvoirs publics avant de prendre une décision. Compte tenu de la marge d’incertitude propre à la recherche scientifique, de la complexité des problèmes traités et de l’importance des enjeux humains, sociaux et économiques, ces experts se doivent d’avoir une approche multidisciplinaire, de procéder en toute transparence, d’éviter les conflits d’intérêts avec les groupes industriels impliqués et, de façon générale, de respecter les règles de l’intégrité scientifique. Par ailleurs, ces chercheuses et ces chercheurs doivent être attentifs aux réactions de leurs concitoyens, qui peuvent parfois éprouver des difficultés à appréhender la réalité des risques potentiels de certaines technologies, et faire un appel excessif au principe de précaution. D’un autre côté certains citoyens peuvent au contraire être les découvreurs avisés de dangers réels non encore identifiés et doivent être entendus.

Nous souhaitons ici appréhender, avec discernement, la responsabilité morale des chercheurs eux-mêmes quant aux risques occasionnés par les applications de leurs travaux. Sans doute est-il parfois difficile d’apprécier les conséquences de certaines recherches novatrices, par exemple dans le domaine de la génétique, du numérique ou de l’intelligence artificielle. En effet, celles-ci comportent souvent des risques encore peu explorés, tant pour nos vies personnelles que pour l’évolution de la société dans son ensemble. Il importe alors de tenir compte tant des aspects scientifiques du principe de précaution que des problèmes éthiques que peut poser son application, qu’ils soient sociétaux, économiques ou politiques.

Enfin, sur le plan juridique, le principe de précaution interroge la responsabilité indirecte des scientifiques lorsque les magistrats requièrent leur expertise. Le statut juridique de la preuve scientifique, en présence d’incertitude ou de débat, devrait alors susciter des réflexions approfondies, auxquelles les scientifiques devraient être plus étroitement associés qu’ils ne le sont aujourd’hui. Le COMETS y voit une occasion de rapprochement entre les chercheuses et les chercheurs d’un côté, les acteurs de la justice de l’autre.

Des recommandations sont présentées, d’une part aux établissements de recherche, d’autre part à leurs personnels.

Avis n°2019-40 - Les publications à l’heure de la science ouverte

Approbation initiale en séance plénière le 8 novembre 2019, définitive le 14 janvier 2020

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – L’ouverture des publications scientifiques laisse entrevoir des perspectives neuves très stimulantes parce qu’elles offrent un accès universel, pour tous, depuis n’importe quel lieu, et à n’importe quel moment, à l’intégralité du savoir humain. Cet avis en décrit les différentes modalités et en examine les conséquences, éventuellement perverses. En effet, si de plus en plus de revues en accès ouvert pratiquent une évaluation par les pairs (peer review), elles se distinguent par le mode de financement des frais occasionnés par la publication. La plupart du temps, ceux-ci donnent lieu au paiement d’« APC » (Article Processing Charges) soit par les chercheurs-auteurs, soit par les organismes dont ils dépendent. Si l’on n’y prend garde, il en résulte un système inéquitable qui non seulement crée des inégalités entre chercheurs mais qui, de plus, génère des profits indus aux maisons d’édition, grâce aux investissements publics et au travail des scientifiques qui, tout à la fois, produisent la recherche et assurent gratuitement son évaluation. À cela s’ajoute la multiplication d’offres éditoriales aux taux d’APC réduits mais sans garantie de rigueur scientifique, ce qui multiplie artificiellement le nombre des publications et suscite la suspicion. Il est difficile de recenser ces revues dont certaines peuvent être qualifiées de douteuses voire de frauduleuses. Par ailleurs, les archives ouvertes, telles que HAL, permettent le dépôt gratuit de documents issus de la recherche sur une plateforme internet ainsi que leur accès immédiat et ouvert à tous. Cette « voie verte » recueille l’assentiment du COMETS qui invite les chercheurs à y recourir pour déposer leurs articles après qu’ils ont été acceptés. Les auteurs peuvent aussi déposer leurs articles sur des serveurs dits en prépublication (preprints en anglais) avant même leur évaluation, les communiquant ainsi sans délai à toute la communauté qui a la possibilité de les discuter ce qui permet de les améliorer. De véritables forums scientifiques peuvent alors se créer. Si les travaux ainsi diffusés ne font pas l’objet d’une évaluation, celle-ci peut néanmoins être organisée par un Peer Community in (PCI). Enfin de nombreux modèles se développent sans paiement d’APC. Les Epi-revues proposent par exemple une publication en accès ouvert reposant sur les chercheurs sans faire appel à des éditeurs privés, avec des évaluations par des experts. La plateforme d’OpenEdition offre une infrastructure complète d’édition électronique en SHS sans paiement d’APC, et avec un accès gratuit aux publications en version html. Cet avis du COMETS recense de nombreuses formules novatrices de publication en accès ouvert. Il relève en préambule les difficultés de l’évaluation par les pairs (peer review) et recherche des alternatives. Enfin il analyse les conséquences des publications ouvertes sur l’évaluation des chercheurs et formule des recommandations afin d’améliorer celle-ci en préservant la « bibliodiversité ». Le COMETS recommande notamment de soutenir les initiatives prises par les chercheurs en vue de promouvoir les publications ouvertes, de renforcer l’interopérabilité des archives ouvertes, en particulier de HAL, avec les autres archives ouvertes internationales, d’appliquer les principes DORA et d’adopter les licences de type Creative Commons.

Avis n°2019-39 - Des liens d'intérêts aux conflits d'intérêts dans la recherche publique

Approuvé le 8 avril 2019

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Le contexte social actuel pousse de plus en plus à pointer les conflits d’intérêts susceptibles d’influencer les décisions concernant la vie publique. Le secteur de la recherche scientifique est directement concerné par cette question dans la mesure où les acteurs de l’Enseignement Supérieur et de la recherche (ESR) participent à des tâches d’évaluation ou d’expertise et bénéficient de contrats soit avec le privé, soit avec l’État, soit encore avec l’Union européenne. De ce fait il apparait nécessaire de préciser les modalités d’appréciation et de traitement des conflits d’intérêts dans l’ESR. Or, aujourd’hui celles-ci relèvent trop souvent du tâtonnement et comportent encore bien des angles morts. Le présent avis du COMETS s’attache d’abord à faire la distinction entre conflits d’intérêts et liens d’intérêts des protagonistes. Ces liens peuvent être de divers, tangibles ou intellectuels, directs ou indirects. L’avis analyse les situations où ces liens doivent donner lieu à des déclarations. Celles-ci sont nécessaires au bon fonctionnement de la recherche et servent à éviter les biais dans les expertises d’intérêt public. Elles ne doivent cependant pas conduire à des situations de blocage par élimination excessive des compétences nécessaires. Les recommandations de cet avis appellent à l’élaboration d’une doctrine lisible pour les personnels de l’ESR en situation d’évaluateurs et d’experts et dans certaines positions de cumul d’activités. Elles suggèrent une clarification des procédures de déclaration des liens d’intérêts, en même temps qu’une harmonisation souhaitable entre les institutions et les agences de recherche. Elles préconisent enfin un maximum de transparence dans l’affichage des liens d’intérêts des chercheurs et des unités de recherche, y compris dans leur communication avec les médias, avec l’objectif de renforcer la confiance du public dans la science.

Avis n°2018-38 - La recherche : un droit mondial

Approuvé le 18 octobre 2018

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

AUTO-SAISINE – La recherche scientifique est nécessaire pour relever les défis que sous-tendent la conservation et le développement des biens publics mondiaux, que ceux-ci concernent la planète comme la biodiversité et le climat, qu’ils touchent à l’humain comme la santé publique et la connaissance scientifique, ou bien qu’ils résultent de politiques globales comme la stabilité du système financier mondial . La recherche scientifique constitue, de plus, à l’échelle mondiale, un facteur de paix . En effet, elle est fondée sur l’échange et sur des valeurs de vérité et d’intégrité. Par ailleurs son universalité et sa neutralité lui donnent une dimension diplomatique, comme le déclare l’UNESCO :« l’importance croissante que les États membres attachent au rôle de la science et de la technologie dans la solution de divers problèmes mondiaux sur un plan international large, ce qui renforce la coopération entre les nations et favorise le développement de celles-ci » et préconise que « les chercheurs scientifiques doivent avoir la responsabilité et le devoir de travailler dans un esprit de liberté intellectuelle à rechercher, expliquer et défendre la vérité scientifique telle qu’ils la perçoivent ». La recherche doit donc pouvoir s’exercer librement : bien évidemment en fonction de la pertinence des questionnements scientifiques mais aussi du contexte socio-économique et des capacités locales.

Or l’actualité des conflits et les situations nouvelles qu’ils engendrent mettent en danger les activités de recherche. Dans certains pays celles-ci sont limitées ou même interdites pour des raisons idéologiques, religieuses ou politiques. De manière plus ou moins radicale le traitement de certains sujets est exclu, les activités de recherche sont bornées, les projets sont contrôlés et les conclusions sont interdites de diffusion. Dans des pays où la religion a un fort impact sur la politique, les recherches non conformes au credo officiel sont menacées. La place des femmes dans l’activité de recherche y fait l’objet de luttes quotidiennes. Même dans des pays démocratiques, certaines activités de recherches peuvent subir des contrôles et subir la pression de lobbies, malgré l’intervention des contre-pouvoirs. Enfin les conflits armés limitent la libre circulation des chercheurs et mettent leur vie en danger. Lorsqu’un pays est en proie à une violence permanente, qu’il s’agisse d’une guerre civile ou de la terreur imposée par des groupes armés de nature politiques ou mafieuse, l’activité de recherche peut être de fait limitée et le chercheur menacé.

Toutes ces situations de contrainte créent de la part des chercheurs une demande de sécurité. Elles posent aussi à la communauté internationale des scientifiques des problèmes éthiques tout particuliers dont le COMETS entend se saisir. Cette auto-saisine se situe ainsi dans le prolongement de l’avis du COMETS sur la liberté et la responsabilité dans la recherche dont elle traite à présent une question spécifique : celle de la sécurité et de la solidarité qu’impose l’activité de recherche dans des situations de non-respect des Droits de l’Homme. Certes les solutions aux problèmes ainsi posés dépassent largement le cadre des institutions de recherche. Toutefois nous pensons que celles-ci, tout particulièrement le CNRS, ont un rôle important à jouer sur la scène internationale face à l’arbitraire pour défendre l’éthique de la science.

Le COMETS s’interroge ici sur le droit pour les chercheurs du monde entier d’exercer une activité de recherche en tout lieu, sans tabou, sans entrave et sans pressions.

Avis n°2018-37 - Quelles nouvelles responsabilités pour les chercheurs à l’heure des débats sur la post-vérité ?

Approuvé le 12 avril 2018

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

AUTO-SAISINE – Post-vérité, vérité alternative, fake news (infox)… Ces termes de plus en plus présents dans le débat public sont apparus récemment dans le vocabulaire de certains politiques et des médias. Par leur fondement basé sur des opinions et croyances, ils s’opposent à la vérité à laquelle la démarche scientifique se réfère.

Qu’on évoque une volonté délibérée de mettre en doute les faits scientifiques pour des motifs économiques, politiques, idéologiques ou religieux, ou qu’il s’agisse plutôt de qualifier une indifférence assumée par rapport aux faits et aux critères de vérité relégués loin derrière l’efficacité des opinions et des discours, ce nouveau régime de « post-vérité » dans lequel nous sommes supposés être entrés interpelle nécessairement les chercheurs. Qu’implique-t-il pour eux ? Cette nouvelle situation ne doit-elle pas les conduire à porter une attention plus soutenue à l’interprétation qui est faite de leurs résultats dans le grand public ? Quelle posture doivent-ils alors adopter, pour affirmer leurs arguments sans pour autant faire preuve d’arrogance ? Quelles sont les modalités d’intervention dans le grand public les plus appropriées pour le chercheur ? Quels nouveaux défis, relatifs à l’éthique de la controverse, à l’entretien de la confiance, aux nouveaux rapports entre politique et science, ou aux enjeux d’une communication scientifique efficace, ce nouveau contexte culturel suscite-t-il ?

Dans un monde où la vérité scientifique peut être détournée à coups d’études alternatives lancées par des « marchands de doute », où la notion même de vérité ne semble parfois plus pertinente dans le débat politique, ni nécessaire comme soubassement des controverses civiques, et où les défiances à l’égard des instances garantes de l’autorité scientifique se diffusent en profitant de la force de frappe des réseaux sociaux, quelles nouvelles responsabilités se dessinent pour les scientifiques ?

Avis n°2018-36 - Le harcèlement sexuel dans les laboratoires : quelques considérations éthiques

Approuvé le 5 mars 2018

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

AUTO-SAISINE – La libération de la parole de plus en plus importante sur les cas de harcèlement sexuel montre qu’il touche tous les pays et tous les milieux. Ceci encourage le COMETS à développer une analyse de ce phénomène dans l’enseignement supérieur et la recherche et à proposer quelques recommandations. Compte tenu des cas qui lui ont été rapportés —intolérables eu égard aux principes éthiques de base de toute activité humaine —, le COMETS se demande si les moyens mis en œuvre aujourd’hui pour s’opposer au harcèlement sexuel dans le milieu de la recherche sont suffisants. Il cherche à explorer de nouvelles pistes pour aider les victimes et espère par-là attirer l’attention sur la gravité de tels faits dans l’enseignement supérieur et la recherche, et tout particulièrement au CNRS.

Le COMETS tient à préciser que les analyses qu’il fait dans cet avis ne visent pas à introduire des consignes de conduite codifiées entre hommes et femmes, limitant la liberté des relations entre les personnes.

Avis n°2018-35 - Libertés et responsabilités dans la recherche académique

Approuvé le 1er février 2018, modifié le 3 mars 2020.

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – À l’occasion de la révision par l’UNESCO en 2016 de sa recommandation de 1974 sur la condition des chercheurs scientifiques il est apparu que l’exercice de la recherche académique avait tant évolué au cours des dernières décennies qu’il était opportun pour le COMETS de conduire une réflexion sur la liberté des chercheurs, envisagée aux plans politique, économique et sociologique, et sur leurs responsabilités face à la société et aux enjeux environnementaux.

Ce rapport présente d’abord les conditions relatives à la liberté de s’informer et d’informer, qui incluent aujourd’hui la libre circulation des données et la libre communication des résultats de la recherche. Il apparaît que ces conditions ont considérablement évolué depuis l’apparition de l’Internet, de la toile, du mouvement de la science ouverte (open science) et de la loi Pour une république numérique de 2016. Elles sont devenues larges pour les chercheurs, y compris dans leur communication avec le public, avec des changements notables qui se font jour.

La liberté du chercheur est ensuite examinée au regard des politiques actuelles de recherche contractuelles, qui se définissent surtout en France et en Europe en termes de défis scientifiques à relever. A rebours, le COMETS avance une défense du libre choix, par le chercheur, de ses sujets de recherche, et du rôle de la recherche fondamentale, moteur principal du progrès de la connaissance mais aussi porteuse de découvertes à très fort potentiel d’application. Il analyse les contraintes qui freinent la créativité des chercheurs, mettant l’accent sur l’importance du facteur temps et de la disponibilité d’esprit, insuffisants à de multiples égards dans l’exercice actuel de la science. Il souligne aussi l’importance de la confiance dont doit bénéficier le chercheur qui développe des projets personnels. Il rappelle enfin que le libre exercice de la recherche suppose le respect des droits moraux de tous les acteurs de la recherche.

Le COMETS s’interroge sur la recherche effectuée dans un cadre international, en particulier dans les pays où règne l’arbitraire, qui ne respectant pas les droits de l’Homme, ou encore dans les pays en guerre. Des freins sont imposés à la circulation des idées et des personnes, des pressions s’exercent pour orienter les recherches en fonction d’a priori d’ordre économique, idéologique ou religieux. Dans ce contexte, comment faire pour poursuivre des recherches sans mettre nos collègues en danger et sans cautionner des régimes en place ? Dans un ordre différent, les stratégies diplomatiques établies par les États en matière de recherche, conduisent parfois à imposer des sujets de recherche qui ne répondent pas aux priorités d’ordre scientifique telles que vues par les chercheurs.

Le COMETS analyse ensuite la liberté des chercheurs au regard de leurs responsabilités, rappelant que les fondements éthiques de celles-ci tiennent non seulement à la probité et à l’absence de nuisances et de malfaisances des recherches, mais aussi à la préservation de l’environnement et des biens publics communs. Est envisagée enfin la responsabilité du chercheur lorsqu’il est invité à jouer le rôle d’expert scientifique qui lui revient dans le débat démocratique. Pour conclure sont affirmés la nécessité et le devoir pour tous les acteurs de la recherche de s’opposer aux contre-vérités qui circulent ça et là, lorsqu’elles contreviennent de façon manifeste et évidente à ce que la science permet d’appréhender.

Avis n°2017-34 - Réflexion éthique sur le plagiat dans la recherche scientifique

Approuvé le 27 juin 2017

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Cet avis du COMETS propose une analyse des différentes formes que peut prendre le plagiat dans l’enseignement supérieur et la recherche. Le plagiat a de nombreuses variantes plus ou moins vigoureusement condamnées selon les disciplines, mais dans tous les cas il s’agit de manquements à l’éthique, certes de gravité inégale mais qui tous relèvent de la fraude. Le plagiat des textes publiés s’étend de la copie plus ou moins grossière sans crédit approprié, jusqu’à l’emprunt direct ou sous forme de paraphrases. Sa détection à l’aide de logiciels de détection d’homologies largement utilisés par les éditeurs des grandes revues scientifiques et par les universités pour contrôler des thèses avant soutenance, présente toutefois des limites. Relèvent aussi du plagiat l’appropriation des résultats d’autrui, véritable vol de production intellectuelle qui se traduit fréquemment par des conflits de signature, ainsi que le réemploi d’idées figurant dans les projets de recherche que le plagiaire peut avoir eu l’occasion d’expertiser. La notion d’auto-plagiat est également complexe et s’apprécie différemment selon les circonstances. La réutilisation par un auteur du contenu de ses travaux, qu’il fait passer pour nouveaux, fausse son engagement moral implicite avec son lecteur et contrevient aux bonnes pratiques de la profession. L’auto-plagiat s’apprécie différemment selon les circonstances et ne constitue pas toujours une pratique répréhensible. Les répétitions de passages déjà publiés dans des articles successifs peuvent se justifier, par exemple dans un état de l’art, à condition toutefois de faire référence à l’article d’origine. Le découpage d’un même travail en publications qui se recoupent partiellement (salami slicing) peut permettre de prendre rang le plus tôt possible, mais ne doit pas servir seulement à allonger la liste des publications. Le cas de l’auto-plagiat dans la vulgarisation scientifique fait l’objet d’une réflexion particulière. Cet avis évoque aussi des cas de contrefaçon dans le domaine de la recherche qui s’apparentent au plagiat dans un certain nombre de disciplines des sciences humaines et sociales. Les causes du développement du plagiat sont évoquées, ainsi que les préjudices qu’il provoque dans le milieu de la recherche et dans l’opinion que la société se fait des scientifiques. Lorsque le plagiat porte atteinte au respect de la propriété intellectuelle dont bénéficient les œuvres de l’esprit, l’auteur peut alors agir en justice en contrefaçon contre le plagiaire, le terme contrefaçon étant alors entendu au sens juridique. Un certain nombre d’exemples de sanctions ayant fait jurisprudence sont rappelés. L’avis se termine par quelques recommandations destinées aux chercheurs afin de ne pas commettre de plagiat et d’éviter d’être plagiés.

Avis n°2016-33 - Le CNRS face aux écarts à l’intégrité scientifique

Approuvé le 6 juin 2016

Présentation de l’avis

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Cet avis concerne la mise en œuvre par le CNRS des principes énoncés dans la Charte nationale de déontologie  des  métiers  de  la  recherche,  qu’il  a  signée  en  janvier  2015  avec  un  grand  nombre d’institutions de recherche française. Il s’inscrit dans le contexte de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations  des  fonctionnaires,  et  prend  en  compte  la  préoccupation générale pour l’éthique au niveau européen.

L’avis recense les  pratiques  non  conformes à l’intégrité scientifique  qui  sont  de natures  diverses, pouvant aller de la fraude caractérisée par la fabrication ou la falsification des résultats et le plagiat, jusqu’aux  conflits  d’intérêt  non  déclarés. Il pose la question de leur  révélation  lorsqu’elles  sont repérées, ainsi que celle de leur traitement par l’institution. Le COMETS estime que le CNRS doit encourager et faciliter en interne le dépôt des  allégations  fiables de méconduite ou de fraude concernant les personnels de ses unités de recherche. Il suggère que le CNRS aurait intérêt à se doter, à côté du médiateur,  d’un référent–intégrité  qui serait chargé de recueillir les allégations de fraude émanant des laboratoires et d’organiser la réponse, en lien avec les DAS dans les Instituts et avec le CoNRS et en concertation  si nécessaire  avec des référents-intégrité  par grand secteur  disciplinaire. Quel que soit le dispositif mis en place par le CNRS, le COMETS estime particulièrement important que le point d’entrée des allégations de fraude soit bien identifié, unique et facile d’accès. La question de la protection des lanceurs d’alerte est évoquée. Le COMETS exprime le souhait d’une plus grande transparence dans le traitement des cas de fraude par l’institution et dans les sanctions qui en résultent.

Le COMETS revient dans cet avis sur le risque que fait courir à l’intégrité scientifique la pression sur les  publications.  Il  formule  quelques  propositions  pour  infléchir  cette  tendance,  qui  portent  en particulier  sur les pratiques  de l’évaluation  des chercheurs  et des projets.  Il suggère  aussi  que les résultats soient publiés avec les données brutes quand c’est pertinent. Enfin le COMETS affirme la nécessité de mettre en place une formation à l’intégrité scientifique pour l’ensemble des personnels de la recherche au CNRS, en accord avec la Charte de déontologie des métiers de la recherche qu’il s’est engagé à faire respecter en partenariat avec les universités et les autres organismes de recherche.

Avis n°2016-32 - Discussion et contrôle des publications scientifiques à travers les réseaux sociaux et les medias : questionnements éthiques

Approuvé le 5 avril 2016

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – La diffusion des travaux scientifiques subit actuellement une évolution profonde liée à l’usage d’Internet. Le mouvement Open Science désigne tout l’éventail des voies d’accès au travail scientifique apporté par le numérique. Les résultats peuvent être communiqués immédiatement et gratuitement par dépôt sur des archives ouvertes, des sites scientifiques ou encore des revues en libre accès. Toutefois la qualification des publications par les pairs, doublée éventuellement par des critiques constructives (le peer review), est un système aujourd’hui en difficulté. Le volume des articles soumis aux revues augmente constamment, en particulier parce que l’évaluation des chercheurs et des projets repose pour beaucoup sur la longueur des listes de publications. L’accroissement du nombre des revues accompagne celui des articles. La voie dorée de l’Open Access entraîne la multiplication des revues dites « prédatrices » aux comités éditoriaux fictifs. Les chercheurs relecteurs sont de plus en plus sollicités par les éditeurs des revues, avec des délais souvent courts pour remettre leur rapport. Les limites rencontrées par le peer review expliquent que les réseaux sociaux se soient emparés de ces questions pour ouvrir un espace de dialogue entre les scientifiques. Le site Retraction Watch signale un nombre croissant d’articles rétractés par les revues car ils contiennent soit des erreurs soit des falsifications incompatibles avec l’intégrité scientifique. Le site PubPeer, initialement conçu comme plateforme de discussion ouverte d’articles publiés, a pris une dimension nouvelle lorsqu’il a accepté les commentaires anonymes dénonçant des pratiques douteuses dans les publications, telles que des figures d’articles et des données trafiquées, ou encore du plagiat, que le site contribue à révéler. Le COMETS s’interroge ici sur le devoir qui incombe à tout chercheur de révéler les mauvaises pratiques dont il est le témoin, ainsi que sur le bon et le mauvais usage de l’anonymat. Le COMETS est d’avis que les réseaux sociaux scientifiques, ouverts à tous, faciles d’utilisation et interactifs, sont des sources d’information précieuses à la fois pour les maisons d’édition et pour les institutions de recherche. Il recommande au CNRS d’en faire un usage approprié, tout en suggérant de stimuler la diffusion des résultats de la recherche par tous les nouveaux moyens offerts par Internet, en particulier à travers les archives ouvertes HAL. Enfin cet avis souligne la responsabilité des chercheurs dans la communication qu’ils font de leurs résultats aux médias, directement, dans les journaux à destination du grand public, ou via les réseaux sociaux, et formule des recommandations destinées à éviter les annonces trop précoces contraires à la rigueur scientifique et éventuellement dommageable pour l’image de la science dans le public.

Avis n°2015-31 - Les sciences citoyennes

Approuvé le 25 juin 2015

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Les relations de la science avec la société se sont profondément modifiées au cours de l’histoire. A partir des années 70, la notion de progrès est réinterrogée face aux nouveaux défis environnementaux et sanitaires. Ceci met aujourd’hui au premier plan les questions posées par les citoyens aux chercheurs et aux institutions de recherche, ainsi que le besoin des chercheurs de faire comprendre la nature et l’importance de leur démarche à l’ensemble de la société. Le COMETS affirme ici qu’il y a urgence à construire une relation de confiance entre les citoyens et les scientifiques. Deux voies sont abordées : celle des sciences participatives et celle d’un dialogue science-citoyens renouvelé.

La voie des sciences participatives, en grand développement aujourd’hui grâce à internet, associe les citoyens amateurs aux activités scientifiques pour la collecte des données et parfois la co-création ou l’interprétation des résultats. Il en résulte un apport mutuel considérable, d’une part pour l’enrichissement de la production des connaissances, d’autre part pour la formation des citoyens aux méthodes et à l’esprit scientifique. Cette voie encourage les vocations pour les sciences chez les jeunes. Le COMETS formule des recommandations portant sur l’encadrement des pratiques des réseaux amateurs, sur l’importance de la validation des résultats, sur le respect de l’anonymat lorsqu’il s’agit de données privées, enfin sur le statut et la reconnaissance dus aux contributeurs.

Dans un monde secoué de crises successives et traversé par des controverses sur des sujets sensibles, le COMETS est d’avis que les chercheurs et leurs institutions doivent être à l’écoute des questionnements du public sur l’impact de leurs choix. Tout en réaffirmant l’autonomie du champ scientifique, il estime nécessaire d’engager une réflexion sur les formes à donner au débat public autour des questions de recherche. Il souligne fortement l’importance de la diffusion de la culture scientifique et de sa promotion active à tous les niveaux de la société. Il recommande que les expertises exercées par les scientifiques sur des questions ayant un impact sociétal soient menées à l’abri des conflits d’intérêt, dans un cadre interdisciplinaire et si possible international. Il préconise que le CNRS soutienne l’implication d’équipes de recherche dans l’analyse des perceptions des sciences et encourage les initiatives abordant des thèmes sensibles. Il suggère enfin que le CNRS développe une expertise collective mobilisable pour répondre aux sollicitations des décideurs publics et des instances démocratiques.

Avis n°2015-30 - Les enjeux éthiques du partage des données scientifiques

Approuvé le 7 mai 2015

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – Le développement massif d’outils informatiques de collecte, de mesure et de traitement a changé le rôle des données dans la production du travail scientifique. Le mouvement de partage des données scientifiques (data sharing) consacré par les dispositifs internationaux comme la Déclaration de Berlin en 2003 est une réponse au besoin d’échanger le plus rapidement possible les résultats obtenus et de surmonter les obstacles juridiques et techniques à la circulation de ces données. De même les  politiques gouvernementales  et européennes d’ouverture des données (open data) visent depuis quelques années à diffuser largement les données acquises grâce à des fonds publics. Cependant toutes les communautés scientifiques n’ont pas les mêmes contraintes vis à vis de cette ouverture.  De même ces consignes générales peuvent paraître en opposition avec les restrictions légales formulées au nom du respect de la vie privée, du droit d’auteur, de l’obligation de secret ou de la sécurité. Face à la complexité des obligations que rencontrent les chercheurs, cet avis a pour objet de réaffirmer le partage raisonné des données et d’inclure les nouvelles exigences de mise à disposition des données dans l’évaluation de leur travail. La question des données, qu’il s’agisse des verrous à surmonter comme des limites à leur ouverture est devenue une question cruciale  dans la définition des politiques scientifiques.

Avis n°2014-29 - La politique de l’excellence en recherche

Approuvé le 27 mai 2014

Télécharger l’avis

CO-SAISINE – Cet avis du COMETS propose une analyse des différentes formes que peut prendre le plagiat dans l’enseignement supérieur et la recherche. Le plagiat a de nombreuses L’ambition légitime de la recherche financée sur les fonds publics est de se situer à très haut niveau. Elle fait fréquemment référence à l’excellence, une notion qui n’a pas pour origine la communauté des scientifiques eux-mêmes ; elle est issue du monde de l’innovation, qui en use et abuse depuis les années 80. Elle a envahi le lexique de la recherche depuis les années 2000 et tous les pays développés l’invoquent comme critère pour définir leurs politiques dans leur système d’enseignement supérieur et de recherche.

La référence à l’excellence a des fonctions multiples et mal définies. Elle tend aujourd’hui à être détournée de sa signification – un idéal auquel tout chercheur a l’objectif d’accéder – au profit d’une vision plus managériale, qui a son origine dans la politique scientifique des universités européennes. La France s’est aussi engagée dans cette course à l’excellence, avec des conséquences significatives sur le fonctionnement de la recherche.

Dans cet avis, le COMETS analyse, avec l’éclairage de l’éthique, les effets de ces politiques d’excellence sur la recherche.

Nous évoquons d’abord les origines de la stratégie de l’excellence, mise en avant par la Communauté Européenne dans le prolongement de son agenda de Lisbonne de 2000 affirmant le caractère stratégique d’un développement fondé sur l’expansion et l’utilisation des connaissances. La quête de l’excellence s’est imposée dans un contexte de budgets d’enseignement et de recherche contraints. Elle fait le plus souvent référence à une méthode de gouvernance devenant, pour les responsables, la marque d’une bonne gestion, et pour les acteurs de la recherche, une condition nécessaire pour accéder à des moyens plus abondants et évoluer dans la carrière.

Nous analysons ensuite pourquoi le recours prépondérant aux critères de l’excellence comporte des biais et des risques. En effet il influe fortement sur la pratique des métiers de la recherche et, dans tous les cas, introduit des distorsions qui ne sont pas forcément pertinentes entre les acteurs. Les objectifs des directives politiques associent la quête de l’excellence à l’efficience de la dépense publique impliquant la persistance de priorités thématiques. Ceci a des conséquences négatives sur la diversité de la production scientifique. De plus les critères d’appréciation de l’excellence peuvent en eux-mêmes faire l’objet d’une interrogation et les méthodes de son évaluation peuvent être porteuses de dérives éthiques.

Nous nous posons cependant la question des moyens pour susciter et consolider le haut niveau de la recherche, qui reste l’objectif de tous les établissements d’enseignement supérieur. En particulier il existe une pyramide des compétences en recherche dont les chercheurs et les laboratoires dits d’excellence ne constituent que la pointe : nous nous interrogeons sur les relations qui devraient se développer entre la base et le sommet de cette pyramide, dans une perspective d’équité et d’efficacité.

Nous proposons enfin une réflexion sur les bonnes pratiques dans la perspective d’atteindre le haut niveau en recherche, insistant sur l’éthique collaborative et les valeurs partagées. Nous nous posons alors la question de la responsabilité des chercheurs, particulièrement ceux qui sont les mieux reconnus, dans l’élévation des capacités de l’ensemble de la société, supposée progresser grâce à l’intelligence et la connaissance.

Avis n°2014-28 - Problèmes éthiques pour les métiers de la recherche publique en mutation

Approuvé en février 2014

Télécharger l’avis

RÉSUMÉ – La recherche publique est confrontée depuis une vingtaine d’années à de profondes mutations. Si la motivation des chercheurs et enseignants-chercheurs et leur enthousiasme restent généralement intacts, la multiplication des missions et des contraintes associées à l’exercice du métier font que le temps consacré à la recherche proprement dite diminue et que des tensions et disparités peuvent apparaître au sein des équipes. Le temps consacré à la recherche des financements s’est considérablement accru, les tâches administratives et de gestion sont de plus en plus lourdes, les liens croissants avec le secteur privé peuvent entraîner des abus, l’attention croissante portée, à juste titre, aux attentes et préoccupations de la société sont très chronophages. Les procédures d’évaluation, centrées sur les résultats de la recherche, tiennent insuffisamment compte des multiples missions des chercheurs et enseignants-chercheurs. De plus les méthodes utilisées pour l’évaluation elle-même sont parfois critiquables, en particulier par l’usage inapproprié d’indicateurs bibliométriques, le poids excessif   donné  aux  publications   dans  les  « grands »  journaux  dits   « d’intérêt   général »   et l’accentuation des effets de mode dans les choix des sujets, avec diminution de la prise de risque.

Analysant que ces difficultés peuvent être à l’origine de conflits de valeurs ou de conduites non conformes à l’intégrité scientifique, le COMETS formule les recommandations suivantes :

  1. Pour accroître le temps consacré à la recherche sans mettre en péril les moyens des laboratoires, il importe que les directeurs de laboratoire et les responsables d’équipe conduisent une politique raisonnée de réponse aux appels d’offres et qu’ils s’assurent de la cohérence de l’ensemble de leurs demandes par rapport aux thèmes de recherche centraux des équipes.
  2. Afin de ne pas décourager les chercheurs face à la complexité et la lourdeur inhérentes à la constitution et au suivi de certains dossiers de recherche (contrats européens, ANR, ..), de valorisation (rédaction des brevets), d’administration (dossiers  HCERES…), le COMETS  recommande au CNRS  de créer des  supports administratifs et scientifiques qualifiés et appropriés, en nombre actuellement insuffisant.
  3. La prise de risque doit être encouragée. Pour cela il faut veiller à ne pas pénaliser un chercheur présentant un déficit de publications du fait de cette prise de risque, mais s’assurer du bon déroulement de son projet scientifique  par  une  évaluation    Par  ailleurs,  les  dotations  récurrentes  doivent  être suffisamment élevées pour être un outil de politique scientifique et d’incitation à la prise de risque. (Voir l’avis du COMETS de 2010).
  4. L’évaluation qualitative de la recherche par les pairs doit rester la règle. Elle doit être conduite à l’aide de critères qui tiennent compte de la situation du domaine de recherche, du contexte dans lequel elle se déroule et, si c’est pertinent, de son caractère aux interfaces. Aucune évaluation ne doit se fonder exclusivement sur un décompte purement quantitatif basé sur des indicateurs bibliométriques ou sur le comptage du nombre de brevets. De  même,  la  tentation  d’accorder  un  poids  excessif  aux  « grands »  journaux  dits  « d’intérêt général »doit être maîtrisée.
  5. Le COMETS considère que la diffusion et la vulgarisation des connaissances, ainsi que la valorisation visant à développer l’innovation, sont des missions de plus en plus incontournables pour le chercheur. En conséquence, il recommande de ne pas privilégier exclusivement les résultats de la recherche dans les pratiques de l’évaluation et d’intégrer ces missions plus équitablemen
  6. Afin d’éviter les tensions préjudiciables à la collaboration entre chercheurs et enseignants-chercheurs au sein des unités et des équipes, il est indispensable de tenir compte des différences statutaires et d’appliquer aux évaluations un principe d’équité. Reconnaissant que la mission de recherche n’occupe pas une place équivalente dans chacun des métiers, les évaluations devront être réalisées selon des critères adaptés. Dans un contexte de compétition internationale pour la formation aussi bien que pour la recherche, la qualité de l’enseignement doit être considérée dans l’évaluation au même titre que la qualité de la recherche.
  7. Des actions préventives doivent être entreprises pour éviter les tensions liées aux cumuls d’activités et de rémunérations. Les organismes doivent fournir aux agents une synthèse des règles applicables (pourcentage du temps, rémunération maximum) et veiller à leur application. Chercheurs et enseignants-chercheurs doivent indiquer dans leurs notices de titres et travaux, et dans les fiches CRAC pour les chercheurs, leurs différentes activités rémunérées en lien ou non avec l’objet de leurs recherch
  8. Le COMETS recommande que les directeurs d’unité reçoivent une formation leur permettant d’identifier les activités annexes des chercheurs de leur laboratoire autorisées ou non en matière de conseil et d’expertis
  9. Le COMETS  suggère  que  le  CNRS  demande  à  l’OST  une  enquête statistique sur les cumuls de rémunération en fonction des disciplines, des lieux et de la nature des activités.

Avis n°2013-27 - Risques naturels, expertise et situation de crise

Approuvé le 30 septembre 2013

Télécharger l’avis

AUTO-SAISINE – Cette auto-saisine est concomitante avec une alerte de l’INSU suite à la mise en cause de scientifiques italiens après le séisme meurtrier de l’Aquila.

Dans une société minée par l’inquiétude et la peur de l’avenir (crise économique, peur des dangers potentiels de la technologie, changement climatique …) il est devenu très difficile de communiquer sur les enjeux et les risques d’un monde incertain. Ce qui caractérise en effet ces motifs d’inquiétude est la complexité des processus qui les déclenchent et l’absence d’ensemble de preuves déterministes pour établir des éléments définitifs d’aide à la décision.

L’attention des scientifiques et du public a été attirée vers les problèmes de l’expertise dans les situations de crise par la mise en cause judiciaire de géophysiciens italiens dans l’affaire du séisme de l’Aquila du 6 avril 2009. Pour donner quelques éléments sur ce cas particulier, notons que de grands progrès ont été réalisés sur les causes et les effets des séismes qui permettent de proposer des stratégies de minimisation des risques efficaces mais sans permettre de donner des prévisions à court terme de l’occurrence des séismes. Cet état de fait est accepté et reconnu par tous, y compris les plaignants dans l’affaire judiciaire qui a conduit récemment à de très lourdes condamnations.

Rappelons que les faits incriminés se produisent dans un double contexte de phénomènes sismiques inquiétants et de publications de prédictions infondées. Suite à une série de nombreux petits séismes qui font grandir l’anxiété de la population, un groupe de scientifiques est réuni pour officiellement faire le point de la situation. Une déclaration rassurante sera faite par un représentant de la protection civile. Les plaignants reprochent aux scientifiques d’avoir, par cette déclaration, laissé penser que le risque sismique était négligeable. Notons que le niveau de risque de la région, un des plus élevés en Europe, est clairement indiqué dans tous les documents mis à disposition du public par la communauté scientifique italienne[1].

La réunion d’information incriminée dans le jugement, si elle avait eu lieu en France, aurait pu être analysée à la lumière des Chartes de l’expertise disponibles en France. La situation dans laquelle ont été mis les scientifiques italiens était contradictoire avec plusieurs articles (1, 4, 5 et 6) de la Charte Nationale de l’expertise adoptée en France (voir annexe). Dans le cas de la Charte du CNRS, les articles 1 (« Aucune clause de confidentialité ne peut s’appliquer lorsque l’expertise réalisée décèle la possibilité d’un risque, notamment à caractère environnemental ou sanitaire ») et 6 (« Dans le cadre d’une expertise, le CNRS peut éclairer et évaluer les différentes options possibles pour l’action mais n’est pas tenu de faire des recommandations ») auraient pu s’appliquer dans le principe. Les évènements dramatiques de l’Aquila, et leurs suites judiciaires, montrent la nécessité de s’interroger sur le rôle de l’expert scientifique dans les situations de crise et les protocoles d’engagement qui devraient encadrer son action.

Nous vivons une période où la parole des scientifiques est questionnée dans le public. En particulier, le rôle d’expert semble de plus en plus difficile à tenir par les scientifiques face à l’explosion des moyens de communication immédiats. Paradoxalement la vie politique et démocratique semble s’étioler face aux pouvoirs de certains experts. Ceci est particulièrement clair en ce qui concerne le domaine économique dans lequel on assiste à une forme de recul du politique. La part grandissante tenue par le discours de groupes prenant une posture d’experts, au détriment de la représentation démocratique, contribue à une image négative dans un public frustré de ses prérogatives, image qui rejaillit sur nos disciplines.

Dans un sentiment de frustration vis à vis d’experts dont la pertinence n’est pas ressentie comme avérée par les expériences récentes (vache folle, amiante, L’Aquila, crise économique, etc…), de nombreuses voix s’élèvent, s’auto justifiant dans un relativisme qui voudrait que tous les points de vue se valent. Bien sûr tous les points de vue ont le même droit à l’expression dans l’arène sociale, mais il est bon que la parole scientifique se réclame d’un statut particulier lié à la méthode de construction, aux pratiques d’évaluation par les pairs, à des pratiques éthiques bien définies.

Notre perspective est de redonner toute sa valeur aux analyses faites par les chercheurs, qui sont des membres de la société, sans privilèges, et dont le discours ne se justifie que par la pertinence scientifique. Celle-ci ne se mesure pas aux conclusions auxquelles nous pouvons arriver dans un cas particulier mais à la méthode que nous mettons en œuvre. Le sujet de l’expertise a été déjà bien étudié ; les chartes déjà publiées (Charte du CNRS, charte nationale, avis du COMETS) répondent à nombre des questions éthiques posées par une activité d’expertise. Nous nous concentrerons ici sur les questions spécifiques liées à la situation de crise.

Dans une situation de crise face à un risque potentiel, deux éléments peuvent compliquer considérablement la prise en compte des principes exprimés dans les chartes. D’abord la nécessité de prise de décision très rapide de la part du commanditaire, ensuite l’absence de réponse simple à la question posée. Ensuite il faut être conscient que, dans une situation d’incertitude, la position scientifique fondée peut ne pas être apparemment corroborée par les faits, en particulier quand elle s’exprime par des probabilités d’occurrence et donc appeler une critique a posteriori. Les risques naturels, comme illustrés dans la récente affaire des sismologues de L’Aquila, sont un bon exemple des difficultés rencontrées par les experts. Le COMETS a donc porté sa réflexion sur les questions associées spécifiquement aux situations d’urgence, sur la communication d’éléments scientifiques entachés de larges incertitudes et sur le positionnement du scientifique dans le dispositif institutionnel et dans le débat public qui accompagnent les situations d’urgence.

[1] Le lecteur trouvera sur le site processoaquila.wordpress.com de nombreuses informations factuelles et des analyses détaillées réunies par un groupe de géophysiciens italiens (A. Amato, M. Cocco, G. Cultrera, F. Galadini, L. Margheriti, C. Nostro, D. Pantosti , INGV working group for the information on the L’Aquila trial)

 

    Avis n°2012-26 - Nécessité d’une mise en place au CNRS de procédures en vue de promouvoir l’intégrité en recherche

    Approuvé le 24 août 2012

    Télécharger l’avis

    RÉSUMÉ – Le COMETS fait l’analyse que les cas répertoriés de conduite inappropriée dans la pratique de la recherche sont en augmentation et donnent lieu à des situations conflictuelles. L’évolution des métiers de la recherche et les pressions diverses sur les acteurs en sont une des causes. A l’échelle du laboratoire les limites de ce qui est admissible sont mal cernées. Les allégations de déviance par rapport à l’éthique remontant au niveau national sont traitées selon les cas dans l’une ou l’autre des directions du CNRS. La formation à l’éthique n’est pas institutionnalisée. En conséquence le COMETS formule les recommandations suivantes :

    1-         Le CNRS devrait réfléchir aux méthodes adaptées pour répondre aux questions des personnels en matière d’intégrité en recherche et pour traiter les cas litigieux. Avant tout il doit mettre en cohérence les pratiques de ses différentes directions (DAJ, DRH, Instituts thématiques, SGCN, Cellule éthique de l’INSB, médiation, COMETS). Le COMETS recommande la constitution d’un groupe de travail interne au CNRS avec des représentants de ces différentes directions, qui fera le point sur les procédures à appliquer dans les différents situations et définira en particulier leur articulation avec le pénal.

    2-         Sans créer pour le moment une nouvelle structure, le CNRS pourrait désigner une personne responsable qui aurait comme mission d’être le point d’entrée unique, clairement identifié, de tous les dossiers transmis au niveau national relatifs à des questions de nature éthique. Ce délégué à l’intégrité ferait une première analyse de la nature du problème soulevé et orienterait le dossier vers la direction pertinente dans le CNRS. Il aurait un correspondant dans les différentes directions et au COMETS.

    3-         Le CNRS devra définir clairement les procédures à mettre en œuvre pour traiter les cas nécessitant la mise en place d’un comité ad-hoc : constitution du comité, définition de ses missions, mandat pour mener une enquête, obligation de remise des conclusions au délégué à l’intégrité et au COMETS, règlement du problème par la direction concernée dans le CNRS. Le comité ad-hoc comportera un membre observateur du COMETS, comme préconisé par l’avis de 2006 sur la fraude scientifique.

    4-         Le COMETS recommande au CNRS d’instaurer des formations à l’éthique en relation avec les statuts des personnels : séminaires pour les entrants dans chacun des différents Instituts, formations appropriées pour les directeurs d’unité, recommandation d’adjoindre un volet éthique aux ateliers thématiques, etc.

    5-         Le COMETS incite le CNRS à s’impliquer avec d’autres organismes dans la préparation d’un code de déontologie national pour la recherche en France, à faire adopter par le Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur. Ce travail pourrait être mené avec la participation du COMETS en relation avec l’INSERM, qui possède une délégation à l’intégrité et a déjà amorcé des discussions préliminaires en ce sens avec l’INRA.

     

      Avis n°2012-25 - Le libre accès aux publications scientifiques (« open access »)

      Approuvé le 29 juin 2012

      Télécharger l’avis

      RÉSUMÉ – Le Comité d’éthique pour les sciences du CNRS s’est autosaisi sur la question du libre accès aux publications scientifiques (« open access »)[1].

      Les publications scientifiques associent les éditeurs et les communautés de chercheurs. Elles deviennent le lieu d’une forte tension et leurs différents modèles ont une coexistence problématique. Le libre accès aux publications scientifiques est aujourd’hui une recommandation forte des agences de financement françaises ou européennes pour les contrats de recherche sur fonds publics. Le COMETS considère deux principes éthiques : d’une part le partage au plus grand nombre des connaissances scientifiques de base, d’autre part la nécessaire évaluation des résultats par les pairs. Conscient de la grande diversité des pratiques, il formule à l’intention du CNRS les recommandations de portée générale suivantes :

      1 – Cet avis du COMETS a pour objectif premier de convaincre le CNRS de s’impliquer dans une réflexion approfondie sur l’importance des enjeux autour du libre accès aux publications scientifiques. Il est urgent de coordonner cette réflexion avec tous les acteurs : chercheurs, organismes, universités, maisons d’édition scientifique et bibliothécaires, afin d’offrir aux chercheurs les meilleures conditions – intellectuelles et économiques – de diffusion de leurs travaux scientifiques.

      2 – Le système d’archives ouvertes HAL, piloté par le CNRS, devrait être amélioré pour mieux répondre aux demandes des chercheurs. Une archive ouverte, au même titre qu’un journal scientifique, a besoin d’un comité éditorial qui fixe une politique scientifique et qui suive les dépôts. Le dépôt sur les archives ouvertes HAL devrait être fortement encouragé par le CNRS pour l’ensemble des publications scientifiques et des thèses, et ceci pour tous les domaines scientifiques qui en font actuellement inégalement usage. Notons qu’un fonctionnement optimisé de HAL serait de nature à consolider les liens de partenariat du CNRS avec d’autres organismes de recherche sur ce terrain, comme ce fut le cas par exemple avec l’INRIA au démarrage.

      3 – Il est indispensable que le CNRS revoie sa politique de soutien aux revues en préservant la diversité des éditeurs. Les maisons d’édition de taille modeste, appartenant pour la plupart aux sociétés savantes ou aux universités, doivent être soutenues dans le contexte actuel de l’évolution vers l’ « open access gold » qui risque de les fragiliser face aux éditeurs puissants.

      4 – La direction du CNRS devrait informer et conseiller les chercheurs sur le régime de la propriété intellectuelle qui les concerne et les décourager de renoncer à leurs droits lors de la soumission de leur article, comme c’est souvent le cas. Des modèles de contrat-type entre institutions et éditeurs existent d’ailleurs depuis des années (SPARC, SCIENCE COMMONS, etc.) et sont proposés aux chercheurs lors de leur négociation avec les éditeurs notamment aux USA ; le CNRS pourrait s’en inspirer. Leur recommandation par le CNRS, voire leur caractère rendu obligatoire, pourrait aider à dissuader les chercheurs de publier dans des revues qui exigent abusivement l’abandon complet du copyright afin d’en retirer des bénéfices excessifs.

      5 – Face aux augmentations injustifiées des tarifs de publication de certaines maisons d’édition, le CNRS devrait s’associer aux initiatives prises par des institutions universitaires pour créer un rapport de force permettant d’obtenir des prix raisonnables des divers abonnements auprès des éditeurs scientifiques, suivant en cela des pratiques qui se développent à l’étranger.

      [1] Le présent avis constitue un complément de l’avis du COMETS formulé en 2011 sur Les relations entre chercheurs et maisons d’édition scientifique.

       

       

        Avis n°2012-11 - Charte déontologique de l'évaluateur

        Approuvée en 2012

        Télécharger l’avis

        AUTO-SAISINE – Pour une charte déontologique de l’évaluateur scientifique.

        Avec le développement de la recherche sur projets, avec le poids grandissant des notations des équipes et des personnels, les chercheurs et les ITA sont de plus en plus souvent confrontés aux évaluations, que ce soit comme destinataires, lors de la soumission de demandes de financement, ou comme auteurs, lorsqu’ils évaluent les projets des autres. Il devient indispensable en cette matière que le CNRS définisse un socle de principes communs et partagés. Le COMETS a déjà émis en 2004 un avis sur l’évaluation1, mais il ne s’est pas encore préoccupé de la position de l’évaluateur, alors même que cette position peut de plus en plus devenir source de conflits d’intérêts et de tensions à l’intérieur des communautés impliquées, voire favoriser des comportements déviants tels que l’appropriation d’idées ou le plagiat. Le COMETS estime donc nécessaire que le CNRS adopte une charte déontologique de l’évaluateur qui s’inscrive dans le cadre de la Déclaration de Singapour de juillet 2010 sur l’intégrité scientifique (donnée en annexe).

        Bien que le CNRS dispose depuis juin 2011 d’une charte de l’expertise, celle-ci ne traite pas de la déontologie de l’évaluation. Or, l’évaluation fait partie des activités du chercheur. Elle occupe aujourd’hui une partie de plus en plus grande de son temps. Elle prend des formes différentes selon les disciplines et selon son objet. Ses méthodes peuvent faire l’objet de critiques. Son principe même est parfois remis en question sur un plan philosophique. Toutefois, bien qu’elle soit pa nature imparfaite, elle est indispensable. La démarche que propose le COMETS est de partir de cette difficulté au lieu, comme il est fréquent, d’en terminer par elle. Il s’agit d’une réflexion sur les principes généraux de l’évaluation qui prend en compte les inévitables difficultés de sa pratique. Le COMETS proposera pour cela une charte comportant une suite de règles de bonne conduite qu’il sera du devoir du personnel scientifique de respecter, dans toutes les circonstances où il sera amené à siéger dans un groupe ou à donner individuellement son avis comme expert pour évaluer, a priori ou a posteriori :
        • L’activité d’un collègue
        • Le travail d’une équipe, d’un laboratoire ou d’une institution
        • Un projet de recherche

        Cette charte du CNRS ne se substituera pas aux diverses chartes qu’imposent les agences de recherche ou les établissements pour les évaluations auxquelles participent les chercheurs du CNRS. Elle les complètera si celles-ci existent et pourra en tenir lieu dans le cas contraire. Si une divergence sur certaines questions apparaît entre la charte du CNRS et celle de l’agence ou de l’établissement concerné, le personnel du CNRS impliqué sera toujours tenu de respecter les règles de la présente charte du CNRS et a fortiori celles du commanditaire si elles sont plus contraignantes.

        Dans un premier temps, la charte de déontologie de l’évaluateur sera portée à la connaissance de tous les personnels du CNRS. Elle fera l’objet d’une présentation aux entrants au CNRS, aux directeurs d’institut et directeurs d’unité, et lors des interventions de sensibilisation à l’éthique prévues par le COMETS. Elle sera également présentée aux organismes qui en feront la demande.
        Dans un deuxième temps, le CNRS s’efforcera de donner un statut à la charte, par exemple en l’annexant au règlement des concours, des promotions et des évaluations prévues par le décret du 27 décembre 1984, de sorte qu’elle puisse servir de référence pour l’organisation des activités.

        Dans un troisième temps, et après un premier retour d’expérience, le CNRS envisagera d’avoir une réflexion avec d’autres établissements ou agences de recherche en France et de faire évoluer le statut de la charte, de façon qu’elle serve pour une charte générale de la déontologie de l’évaluation en recherche.

        Avis n°2011-24 - Relations entre chercheurs et maisons d’édition scientifique

        Approuvé le 30 juin 2011

        Télécharger l’avis

        RÉSUMÉ – La publication d’articles par les chercheurs est assurée par des maisons d’édition qui exercent à ce titre des fonctions importantes dans la vie de la communauté scientifique. Elles ont en effet la responsabilité d’enregistrer les articles, la date de soumission à une revue faisant foi en cas de litige d’antériorité, de faire vivre un comité éditorial constitué de chercheurs reconnus pour leur compétence, qui forme le cœur du dispositif sur le plan intellectuel, de gérer les droits d’auteur, le plus souvent cédés à la revue, de mettre en page les articles et de les rendre accessibles en versions papier et/ou électronique, de faire circuler l’information quant à la parution et au contenu de la revue et d’archiver l’ensemble des articles publiés par la revue.

        Cet avis analyse quelques-uns des problèmes actuellement rencontrés par les chercheurs dans leurs relations avec les maisons d’édition scientifiques, d’en étudier les effets et d’envisager des mesures qui pourraient être prises pour y remédier. L’importance prise par la communication via internet crée un nouveau contexte dans lequel les modèles économiques qui ont prévalu pendant plus d’un siècle doivent être révisés, ouvrant de nouvelles possibilités au monde académique pour mieux contrôler l’ensemble de ces processus mais aussi posant de nouveaux défis que le secteur commercial a relevé plus rapidement que le secteur académique qui a beaucoup de peine à mobiliser rapidement des ressources importantes.

        Les recommandations qui concluent cet avis concernent une meilleure information par le CNRS de ses personnels sur la situation juridique dans laquelle ils se trouvent lorsqu’ils publient un article dans une revue, notamment vis-à-vis de sa libre disposition à des fins non commerciales et sur les sites d’archives publiques, et/ou lorsqu’ils négocient l’accès à des revues. Le fait que le marché de l’édition scientifique soit passé dans de nombreuses disciplines sous le contrôle, soit de sociétés commerciales, soit de sociétés savantes utilisant souvent les revues qu’elles publient pour financer d’autres activités moins lucratives, ll serait souhaitable que des organismes publics, tel le CNRS, interviennent pour permettre l’émergence de modèles économiques impliquant des entités, dont les pratiques seraient en accord avec la mission de leurs chercheurs.

         

         

          Avis n°2011-23 - Aspects éthiques de la controverse sur le changement climatique

          Approuvé le 30 juin 2011

          Télécharger l’avis

          RÉSUMÉ – La recherche sur le climat s’est développée depuis une quarantaine d’années à une nouvelle échelle avec la production de modèles de circulation générale de l’atmosphère et de ses interactions avec l’environnement terrestre. A cause de l’ampleur de l’impact sur les populations que faisaient apparaître certains de ces modèles, la question a été reprise au niveau de l’ONU avec la mise en place du groupe international sur l’étude du climat (GIEC), une structure servant d’interface avec la communauté scientifique. Dans le contexte de prises de position et de débats très médiatisés autour des travaux du GIEC, le Président du CNRS a saisi le Comité d’éthique du CNRS (COMETS) pour qu’il exprime un avis sur les aspects éthiques de ces débats, leurs interprétations et leur impact dans la sphère publique.

          Pour aborder cette discussion le COMETS a choisi d’analyser dans quelles conditions les échanges au niveau du triangle d’acteurs chercheurs-citoyens-média peuvent fonctionner ou dysfonctionner. Ensuite l’avis examine les conditions éthiques à satisfaire pour qu’une controverse fructueuse sur les questions climatiques puisse se développer. Cet aspect implique de traiter des échanges entre les acteurs dans le cadre de « forums » de formats très divers : forums savants (revues, colloques spécialisées), forums du débat public (représentation nationale ou rapports officiels), forums consultatifs (enquêtes publiques, sondages), et forums indifférenciés (blogs, supports de communication ouverts à tous). Dans un tel schéma le GIEC occupe une place à part, même si, à première vue, on peut dire qu’il relève d’un forum du deuxième type.

          Les recommandations qui concluent cet avis portent sur la façon dont la recherche scientifique peut aborder la complexité, génératrice d’incertitudes, sur la nécessaire confiance entre scientifiques sans laquelle il n’est pas possible de bâtir un véritable travail interdisciplinaire, sur le respect des règles de déontologie et la valeur qui doit être donnée à la compétence, forcément supérieure à celle seulement liée à l’appartenance à des institutions, sur la place grandissante prise dans le débat public par des média non étalonnables, sur la place des débats entre scientifiques sur des questions impliquant la saisine d’instances politiques et enfin sur le nécessaire pluralisme des équipes travaillant sur des sujets sensibles.

            Avis n°2010-22 - Aspects éthiques du financement public de la recherche sur projet

            Approuvé le 28 juin 2010

            Télécharger l’avis

            RÉSUMÉ – Depuis une vingtaine d’années, au plan national comme au plan international, les opérateurs publics ont modifié leurs relations avec le monde de la recherche. Ils donnent une place centrale aux modes de financement sur projet, jusqu’alors marginaux pour de nombreuses communautés. La montée en puissance de ce mode de financement produit des effets non anticipés par rapport aux objectifs initiaux affichés, qui étaient d’optimiser les investissements, et de centrer les efforts sur des problématiques spécifiques. Cette évolution conduit à des changements de pratiques, qui risquent d’affecter à la fois le contenu et le potentiel de créativité de la recherche. On constate notamment que le financement sur projet modifie sensiblement les relations interpersonnelles dans les laboratoires, notamment par l’augmentation substantielle du volume des emplois temporaires. Par ailleurs, ce mode de financement fait peser de nouvelles responsabilités sur les chercheurs, qui ne maîtrisent plus les usages ultimes de leur travail.

            L’avis du COMETS sur les « Aspects éthiques du financement public de la recherche sur projet » présente les enjeux liés à cette évolution et propose des recommandations en direction des milieux de la recherche et des décideurs en charge de la mise en place et de la gestion des appels d’offres pour éviter les travers décrits.

              Avis n°2010-21 - Éthique de la recherche dans l’expérimentation sociale

              Approuvé le 19 janvier 2010

              Télécharger l’avis

              RÉSUMÉ – Si l’éthique de l’expérimentation sur le corps humain est intégrée par le droit depuis la loi du 29 juillet 1994, les questions éthiques soulevées par l’expérimentation sur les comportements humains restent sans réponse juridique, alors même que se multiplient les recherches de sciences sociales faisant appel à ce type de méthode. Le Comité d’éthique du CNRS (COMETS) s’est déjà exprimé sur les sciences du comportement humain dans un avis du 23 février 2007, en mettant l’accent sur le risque couru par les personnes qui en font l’objet. Le présent avis s’attache à une autre dimension de l’expérimentation sur les personnes, ce que l’on dénomme «l’expérimentation sociale », financée sur fonds publics pour accompagner et justifier les réformes. Dans ces expérimentations, le chercheur se trouve placé dans la position délicate d’être associé à la prise de décision politique, voire d’en être présenté comme un co-auteur. Cette question prend un tour aigu lorsque, par l’ampleur de leur financement, les programmes expérimentaux viennent concurrencer les autres formes de recherche. Dans ce contexte, la dimension éthique ne s’attache plus seulement aux conditions de réalisation de la recherche, mais concerne également les chercheurs dans leurs rapports avec les financeurs des programmes, qui sont en même temps les décideurs en dernier ressort des politiques sociales.

              Sans se prononcer sur la pertinence politique du recours aux évaluations expérimentales, et sans s’immiscer dans les choix des équipes de s’associer à tel ou tel programme de recherche, le COMETS propose quatre recommandations éthiques. L’objectif est d’éviter les confusions quant à la nature des interventions du chercheur dans le cadre de ces programmes, de soutenir la réflexion théorique sur la recherche expérimentale, et de préserver la diversité des méthodes pour approcher les questions sociales.

                Avis n°2009-20 - Pour une éthique de la recherche en sciences et technologies de l’information et de la communication

                Approuvé le 12 novembre 2009

                Télécharger l’avis

                RÉSUMÉ – Le Comité d’éthique du CNRS (COMETS) a souhaité se saisir de la question de l’éthique des recherches en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication (STIC).

                Les premières réflexions sur ce sujet ont rapidement conduit à la constatation que, si la pratique des recherches en STIC soulevait des problèmes d’éthique, en particulier dans l’utilisation de données personnelles, le point le plus saillant était une carence dans la prise en compte des questions éthiques liées aux technologies résultant de ces recherches (TIC), au moment elles sont conduites.

                Les évolutions apportées par les TIC modifient profondément les relations et la médiation de l’humain à son environnement naturel et artificiel. Il peut ainsi s’adresser instantanément, directement et universellement au monde entier et, réciproquement, le monde entier peut s’adresser à lui. Cette nouvelle capacité engendre de multiples possibilités, mais aussi de nombreux problèmes.

                Les TIC peuvent modifier, par les possibilités qu’elles offrent ou implicitement du fait de leur approche méthodologique ou architecturale, les comportements humains, ceci dès les étapes de formation. La nature immatérielle des données qu’elles traitent entraîne la création d’un nouveau monde parallèle au monde réel, aux frontières différentes et aux règles restant souvent à définir.

                Il est frappant de constater que, dans ce domaine en développement très rapide, des problèmes majeurs surgissent a posteriori, après que ces puissantes technologies ont déjà été déployées à grande échelle. Ceci a pour conséquence une grande difficulté à y répondre du fait d’un manque de préparation. L’actualité en fournit chaque jour de nombreux exemples : pannes de réseaux à grande échelle, liberté d’expression et propagation de rumeurs sur Internet, gestion des droits d’auteurs et des droits voisins, surveillance informatisée, protection des données personnelles, machines à voter, principes de souveraineté… Les problèmes rencontrés sont souvent dus à la précipitation mise à passer du stade de la conception de ces technologies à leur utilisation massive, dans un contexte dominé par l’importance des enjeux économiques sur un marché mondial.

                L’urgence en matière d’éthique de la recherche en STIC nous semble donc être de se donner les moyens de conduire une recherche sur l’éthique des TIC. Cette recherche doit cerner la façon de bien vivre ensemble en tirant le meilleur profit des formidables possibilités qu’apportent ces technologies -qui mettent entre des mains beaucoup plus nombreuses qu’avant des capacités d’expression, d’accès, d’échange -, tout en réduisant leurs effets toxiques. Une recherche à conduire en partenariat entre différentes disciplines, au premier rang desquelles les STIC et les Sciences Humaines et Sociales (SHS), et en lien avec la société.

                Dans cette perspective, une première étape a été de faire une analyse des principaux domaines d’application des TIC qui soulèvent des questions d’éthique. Cette cartographie a été établie autour de l’impact sur la personne directement, sur la sphère personnelle et au-delà sur les cyborgs, les robots et les agents, en prenant en compte la nouvelle donne liée aux relations numérisées et médiatisées de la personne à son environnement (pris dans un sens large : les autres, la société qu’ils composent, l’information, l’éducation, l’économie, l’État, les cultures…, tout comme le monde physique, les objets…), aussi bien dans les aspects positifs que négatifs. Cette analyse montre le très grand nombre de questions soulevées dans beaucoup de ces domaines.

                Il convient par ailleurs de s’approprier les appareils conceptuels permettant de mener une réflexion éthique sur les TIC, afin d’explorer les questions soulevées par l’émergence de contextes nouveaux liés aux transformations qu’elles amènent sur l’économie de la gratuité, la notion de bien commun, la notion de responsabilité, la maîtrise des données personnelles…

                Cela nous conduit à la conclusion d’un besoin de renforcer l’éthique des recherches en STIC :

                – dans la pratique même de ces recherches,

                – par une réflexion conduite suffisamment en amont sur les conséquences des résultats des recherches, plusieurs exemples, dans les domaines du courrier électronique, de la protection des droits d’auteurs, de la gestion des traces, de la diversité linguistique, des robots…, montrant comment une telle réflexion pourrait aider, ou aurait pu aider, à déterminer les orientations de recherche à privilégier ou à compléter. Cela permettrait de mieux préparer le déploiement des technologies, de faciliter leur adaptation à la réalité et à l’évolution des usages constatés, et de contourner ou prévenir les problèmes pressentis ou rencontrés, allant jusqu’à identifier l’émergence de nouveaux modèles économiques et sociétaux induits par l’arrivée de ces technologies,

                – en veillant à doter les machines de capacités leur permettant de respecter dans leur fonctionnement les principes éthiques qui auront été exprimés.

                Partant d’une analyse des structures existantes travaillant sur ces questions, en France et à l’international, le COMETS pense donc nécessaire de renforcer ce dispositif et propose les recommandations suivantes[1] reflétant les conclusions de sa réflexion :

                Recommandation 1. Mettre en place un Comité d’Ethique des Recherches en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication d’envergure nationale.

                Ce Comité d’Ethique des Recherches en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication (CERSTIC) aurait pour mission de veiller à assurer la mise en place d’une réflexion éthique sur les recherches en STIC conduisant au développement d’une nouvelle technologie, et de proposer des recherches permettant de faire face aux éventuelles dérives et possibles risques lors du déploiement de cette technologie, établissant ainsi une interaction en boucle entre éthique et technologie. Ce comité serait commun aux organismes de recherche nationaux travaillant dans le domaine de la recherche en STIC (CNRS, INRIA, CEA, Institut Télécom…) et aux universités. De nature pluridisciplinaire, il inclurait des chercheurs du domaine des STIC et d’autres domaines, et en particulier des Sciences Humaines et Sociales (SHS) qu’ils soient philosophes, juristes, économistes, sociologues, anthropologues, ethnologues…, ainsi que des industriels. Il articulerait son action avec des Observatoires des Usages des TIC, existant ou à créer, ceci afin de pouvoir capter les signaux faibles des nouveaux usages. Il établirait également des liens avec les organismes étatiques ou politiques français et européens afin de leur apporter une vision scientifique, et avec les commissions d’éthique françaises et européennes pour veiller à la prise en compte du domaine des STIC dans leur réflexion éthique.

                Le besoin d’entités jouant un rôle équivalent au CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé) et au COPé (Comité OPérationnel d’éthique dans les Sciences de la Vie du CNRS) dans le domaine des STIC, sera à établir, ainsi que les liens entre ces éventuelles entités et le CERSTIC dont la mission se positionne sur les aspects «amont» liés à la recherche.

                Recommandation 2. Soutenir des projets de recherche communs STIC-SHS dans le domaine de l’éthique des TIC. Un tel programme, soutenu au plan national ou au sein des organismes, ferait collaborer des chercheurs des STIC et des SHS, tant au niveau de la rédaction du contenu de l’appel à propositions, que pour la gestion du programme, la sélection des projets, leur conduite et leur suivi. Ces projets permettraient en particulier de s’occuper de la boucle éthique / technologie.

                Recommandations 3. Faciliter l’accès aux données en disposant des infrastructures nécessaires et en adaptant les dispositions légales relatives à leur utilisation à des fins de recherche. Il est important que les chercheurs puissent avoir accès aux données qui leur sont nécessaires pour mener une recherche de qualité. Cela peut se faire en facilitant la production, la collection et la diffusion de ces données. Cela peut également se faire en fournissant aux chercheurs une aide juridique qui prenne en charge l’ensemble des formalités à remplir, tout en veillant à les informer sur la nature des dispositions légales, incluant la gestion des Droits de Propriété Intellectuelle et Industrielle, et en étant apte à répondre à leurs questions. Une réflexion pourrait être menée en lien avec la CNIL pour voir comment, tout en veillant à la protection de la vie privée, les dispositions légales relatives à l’utilisation de données relatives à la personne à des fins de recherche pourraient être mieux adaptées aux besoins de la recherche.

                Recommandation 4. Mieux identifier les incidences éthiques des recherches en STIC. Pour cela, les structures d’évaluation proposeront aux chercheurs et aux laboratoires de renseigner dans leurs divers dossiers d’évaluation (recrutement, activité, promotion, projets) une rubrique « éthique », si cela les concerne. Une entité émanant du CERSTIC pourra par ailleurs identifier dans les travaux de recherche menés dans les laboratoires ceux susceptibles de soulever des questions d’éthique, afin d’alerter les chercheurs et les laboratoires.

                Recommandation 5. Former à l’éthique des TIC. On encouragera de telles formations dans le cadre des enseignements universitaires, en particulier des écoles doctorales, et plus spécifiquement dans le cadre d’écoles d’été portant sur un sujet particulier. Nous proposons par ailleurs la mise en place d’un master international sur le thème « Ethique et TIC ».

                Recommandation 6. Sensibiliser les chercheurs aux enjeux de l’éthique des STIC. L’objectif est de sensibiliser les chercheurs en STIC sur les questions éthiques liées aux technologies issues de leurs recherches et les chercheurs en SHS sur l’intérêt d’une réflexion sur ces questions. Cette sensibilisation peut se faire par l’intermédiaire de vidéos, d’études de cas, de bandes dessinées, de caricatures… et d’un site Web sur ces questions, pouvant inclure un Wiki et un blog… Il est proposé d’organiser un colloque national pour sensibiliser les chercheurs et les citoyens sur ces questions. En fonction de ses conclusions, ce colloque pourrait devenir pérenne ou donner naissance à une association, nationale, francophone ou Européenne.

                Recommandation 7. Encourager en France les recherches en STIC dans des domaines clefs relatifs aux questions d’éthique. C’est en particulier le cas des recherches sur l’éthique des machines (Moral Machines) et en informatique sociale (Social Informatics), qui couvre l’étude de l’utilisation des TIC dans un contexte culturel et institutionnel, aujourd’hui présentes essentiellement aux Etats-Unis, en Europe du Nord et en Grande-Bretagne. D’autres domaines (cognition numérique, agents « intelligents », archivage et préservation des données, certification des codes Open Source…) sont également concernés. Ces recherches peuvent être conduites au sein de projets, d’équipes, d’équipes-projets communes ou de laboratoires existant ou à créer.

                Recommandation 8. Eviter les effets d’annonce et donner au public une information objective sur l’avancée des recherches en STIC. Les effets d’annonce sont fréquents dans ce secteur très médiatisé mais peuvent être contre-productifs si l’annonce n’est pas suivie des résultats escomptés dans des temps raisonnables. Il faut donc veiller à rester mesuré dans ces annonces. Dans les domaines qui s’y prêtent (traitement des langues, vision par ordinateur, robotique, interface cerveau-machine (BCI)…), des campagnes d’évaluation peuvent permettre de mesurer objectivement les performances des systèmes résultant des recherches (parangonnage). Cela peut nécessiter la mise en place d’une infrastructure pour produire et diffuser les données de test et conduire les évaluations, permettant d’estimer et de communiquer l’état effectif des avancées scientifiques et technologiques.

                [1] Pour faire la différence avec les aspects plus opérationnels, les considérations générales sont indiquées en italiques

                 

                Avis n°2009-19 - Le rôle de la communauté scientifique dans le débat sur les substances chimiques

                Approuvé le 21 septembre 2009

                Télécharger l’avis

                SAISINE – A l’occasion de la mise en œuvre du règlement REACH à l’initiative du Directeur Général du CNRS

                Voté le 18 décembre 2006 par le Parlement Européen, le règlement européen REACH (Registration, Evaluation, Authorization of Chemicals) est entré en vigueur le 1er juin 2008. A la demande du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable et du Ministère chargé de l’Industrie, le CNRS a mis en place, conjointement avec l‘INERIS, un groupe de travail intitulé “Substances Chimiques : Quels enjeux scientifiques dans le contexte de REACH ?” en vue de développer une expertise collective. Le COMETS a été parallèlement saisi par le Directeur Général du CNRS d’une demande visant à ce que cet exercice d’expertise soit accompagné d’une analyse des problèmes éthiques posés par l’application du règlement.

                REACH a l’ambition d’être une avancée considérable dans le contrôle des impacts sanitaires et environnementaux des produits chimiques mis sur le marché, qu’ils soient anciens ou nouveaux. En particulier, le règlement exige que soit comblé le déficit de connaissances sur les risques et qu’une transparence totale soit assurée par les fabricants et importateurs vis-à-vis des autorités publiques, des utilisateurs et des consommateurs. Or, de nombreuses questions se posent s’agissant de la mise en œuvre de ces principes (organisation effective de la transparence, critères exacts au regard desquels sera envisagée la substitution des substances “extrêmement préoccupantes” par des substances de remplacement, etc.). En outre, une révision du règlement étant programmée en fonction de l’évolution des connaissances, de multiples choix seront à opérer dans les années à venir (les nanoparticules ou les substances produites en quantités inférieures à 1 tonne seront-elles couvertes par le règlement qui, pour l’heure, ne s’applique pas à elles ?).

                Loin d’être de nature strictement technique, ces choix recouvrent pour la plupart d’entre eux une dimension éthique. Il s’agit d’abord de s’interroger sur ce que devraient être les conditions éthiques d’application du règlement. Comment concevoir la recherche dans un domaine désormais résolument assujetti aux exigences du développement durable et du principe de précaution ? Comment organiser l’expertise de telle sorte qu’elle réponde à l’impératif de confiance sociale qui sous-tend particulièrement le domaine des produits chimiques ? A quoi doit renvoyer l’obligation de transparence dans un champ traditionnellement marqué par le secret industriel ?

                Ensuite et plus généralement, il convient d’insister sur l’enjeu que présente, d’un point de vue éthique, la contribution de scientifiques au débat relatif à la mise en œuvre et à l’évolution du règlement REACH. Qu’il s’agisse de l’évaluation, de l’analyse des coûts et des bénéfices liés aux substances chimiques ou de la fixation, par l’autorité publique, du niveau de risque chimique jugé acceptable, leur contribution paraît indispensable dans ce débat de société, et ce d’autant plus qu’ils ont été peu impliqués jusqu’ici.

                Le COMETS souhaite ainsi apporter sa contribution à une réflexion située au carrefour de grands enjeux de société, sans s’immiscer dans les travaux du groupe de travail CNRS/INERIS, tout en évoluant de concert avec lui.

                Septembre 2008

                 

                Avis n°2007-18 - Ethique et sciences du comportement humain

                Approuvé le 23 février 2007

                Télécharger l’avis

                RÉSUMÉ – La connaissance du comportement humain, dans toutes ses modalités, est un élément essentiel pour comprendre l’être humain, et la place qu’il occupe parmi les autres êtres vivants.

                1. Au fil du temps, dans une volonté de compréhension scientifique, nombre d’approches se sont développées, visant à construire cette connaissance sur des analyses et bases solides, s’appuyant sur la recherche. Tour à tour, les approches éthologique (comportement sous la dépendance de l’instinct), béhavioriste (relation directe entre comportement et stimuli externes), cognitiviste (centrée sur les états mentaux), psychanalytique (centrée sur la subjectivité de l’individu) se sont développées et superposées.
                2. Ces recherches se situent dans une tension entre deux dimensions de l’être humain : individu déterminé d’une part, personne libre et inaliénable d’autre part. La pratique de ces recherches, comme leurs résultats, ont une répercussion qui dépasse le cadre du laboratoire : en conditionnant l’attitude individuelle et collective face à des problèmes de société comme l’éducation, la protection sociale, la prise en charge des troubles du comportement, les soins aux malades mentaux, elles peuvent devenir un moyen de gouvernance et un enjeu de pouvoir.

                Chaque approche pose ainsi des questions éthiques qui lui sont propres : dans le champ social et son organisation ; vis-à-vis des individus (eugénisme, méliorisme..) ; par une naturalisation du comportement (action sur les mécanismes cérébraux, neuro-marketing) ; lors de la prise en charge des pathologies du comportement.

                1. Cet inventaire souligne l’importance d’une réflexion éthique, suffisamment globale pour inciter à la vigilance vis-à-vis de recherches touchant de près à la personne, suffisamment détaillée pour donner aux chercheurs des lignes de conduite dans leur pratique quotidienne.
                2. L’environnement juridique est cadré par la loi du 20 décembre 1988 sur ”La protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales”, applicable aux recherches sur le comportement humain. Néanmoins ces recherches comportent aussi des spécificités que la loi actuelle ne prend pas nécessairement en compte. Parfois encadrées par des codes de conduite respectant les principes fondamentaux – liberté, intégrité physique, équité – de respect des personnes, les recherches peuvent aussi se dérouler sans une réflexion éthique suffisante. Il faut donc aller au-delà du cadre juridique.
                3. A l’issue de cette première étape de réflexion, le comité propose quatre recommandations :

                Recommandation 1. L’intégrité psychique et son corollaire, le risque psychique, sont des notions mal définies qui devraient faire l’objet de réflexions spécifiques par les instances scientifiques du CNRS. Ces réflexions devraient ensuite se répercuter dans les pratiques expérimentales sous la forme de directives données aux chercheurs.

                Recommandation 2. Créer un comité de veille scientifique et technologique sur l’évolution des sciences du comportement. Composé de scientifiques et de personnes de la société civile, et notamment de l’industrie, ce groupe devrait se tenir informé de l’évolution des sciences du comportement, en relation avec les différentes disciplines qui y contribuent, et tenter d’anticiper leur impact sur le plan éthique. Il devrait fonctionner auprès de la direction générale, en lien étroit avec le Comité d’éthique du CNRS.

                Recommandation 3. Organiser une formation permanente en éthique des sciences et techniques du comportement, complétant celui des filières d’enseignement classique. La formation devrait porter sur les aspects historiques, philosophiques, éthiques des sciences du comportement, en veillant particulièrement à la confrontation des points de vue. Le CNRS devrait encourager fortement chercheurs et doctorants à suivre ces formations.

                Recommandation 4. Dialoguer avec les citoyens. Ce dialogue devrait aborder tout autant les progrès attendus sur la connaissance de l’homme et de son fonctionnement intime que les risques d’une exploitation déviante des résultats issus – ou présentés comme tels – de la recherche en sciences du comportement. La communauté scientifique elle-même pourrait et devrait prendre l’initiative de développer ce dialogue (rencontres citoyennes).

                 

                Avis n°2007-17 - L’impératif d’équité dans les rapports entre chercheurs et populations autochtones

                Approuvé en mars 2007

                Télécharger l’avis

                AUTO-SAISINE – Cette contribution aborde la délicate question des droits reconnus aux populations locales ou autochtones à l’occasion des processus de recherche conduits avec le soutien de ces dernières, dans les pays développés ou en développement (PED)[1].

                Qu’il s’agisse des sciences humaines, des sciences biologiques ou des sciences de la terre, de nombreux champs de recherche impliquent en effet ces populations à un titre ou à un autre. Tantôt, elles interviennent comme sujets d’expérimentation (prélèvement d’ADN sur les indiens Guaymis du Panama par une équipe de biologistes et de médecins). Tantôt, ce sont leurs rituels ou leur culture qui constituent un objet d’étude (études anthropologiques, linguistes, etc.). Enfin, elles apportent leur concours à de nombreuses recherches en fournissant divers biens (plantes médicinales, etc.) et connaissances (ethnobotaniques, zoologiques, observation des conséquences du changement climatique, etc.).

                Quelles qu’en soient les modalités exactes, ces recherches soulèvent une question cruciale, celle de l’équité du rapport établi entre les chercheurs et les populations autochtones qui y sont impliquées.

                Une telle question n’est certes pas neuve à proprement parler. Elle renvoie à celle des fouilles archéologiques (on sait que se pose encore aujourd’hui le problème du rapatriement des objets d’art et autres collections « empruntés » aux peuples autochtones) ou au commerce de multiples plantes (songeons aux vieilles tensions politiques créées par le commerce de l’hévéa rapporté du Brésil). Néanmoins, elle se présente aujourd’hui sous un jour sensiblement renouvelé, quant à sa formulation (I) et quant à ses enjeux (II). Elle appelle l’élaboration de codes de conduite à l’adresse des chercheurs (III)

                 

                [1] On n’entrera pas ici dans la question de la définition des « populations autochtones » car aucune définition unique n’est internationalement admise (V. les termes « aborigène », « indigène », « originaire », « natif » ou encore « tribal », utilisés indifféremment pour désigner les autochtones mais renvoyant à des réalités distinctes. Sur ce point, v. ONU, Commission des droits de l’homme 2002, Rapport du Rapporteur spécial). Deux points méritent toutefois d’être notés. D’une part, il est nécessaire de souligner que les autochtones ne viennent pas seulement de PED mais aussi d’Amérique du Nord, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, de Scandinavie ou de France (Guyane, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, etc.). D’autre part, chacun s’accorde au moins à reconnaître que les populations autochtones sont “liées par une continuité historique avec les sociétés antérieures à l’invasion. et avec les sociétés précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des autres éléments des sociétés qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires et (…) sont déterminées à conserver, développer et transmettre aux générations futures leurs territoires ancestraux et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques” (Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones).

                 

                Avis n°2007-16 - Réflexion scientifique sur les résultats de la recherche

                Approuvé le 1er mars 2007

                Télécharger l’avis

                RÉSUMÉ – Faire connaître les résultats de la recherche est une des missions du chercheur et des institutions qui le financent. Or, le contexte actuel de la diffusion des résultats de la recherche fait l’objet d’évolutions rapides liées à la place de plus en plus grande prise par la numérisation des données et par Internet dans le fonctionnement de nos sociétés. Le présent avis, centré sur la publication scientifique, vise à faire émerger les enjeux éthiques de cette évolution et à formuler quelques recommandations à leur égard.

                1. Mise en perspective. Les règles de la diffusion organisée du savoir, établies depuis le XVIIè siècle, n’ont pas fondamentalement changé, mais la professionnalisation de la recherche scientifique en a modifié profondément le contexte, par l’évolution des revues, l’impératif de publier et les pressions qu’il engendre.

                2. La nature des vecteurs de diffusion. Cet avis est centré sur les publications, et ne traite ni des brevets, ni des bases de données, deux sujets essentiels qui pourront être abordés ultérieurement. Aux circuits classiques des revues et des archives institutionnelles s’ajoutent ceux, en rapide expansion des revues en libre accès et des archives ouvertes. Chacun de ces vecteurs doit satisfaire à l’excellence du travail diffusé, à la rapidité de la diffusion et à l’amplitude du champ de celle-ci : ces exigences ne sont pas toujours satisfaites.

                3. Réflexions sur les modalités. Les revues en libre accès et les archives ouvertes sont des étapes vers un modèle optimisé, encore à créer, où les impératifs de libre diffusion, les préoccupations éthiques, les critères de qualité et ceux d’équilibre économique seraient mieux conjugués, peut-être par auto-régulation entre auteurs et lecteurs. L’existence de filtres scientifiques, nécessaires, ne garantit pas l’absence de dérives.

                Les modalités de signature des publications (nombre, ordre), celles de leur référence aux organismes dont dépendent les chercheurs sont insatisfaisantes.

                Les modalités électroniques de large diffusion facilitent la mise à disposition rapide d’un immense volant de données d’origines diverses par des moteurs de recherche. Cette nouvelle approche, séduisante et efficace, peut s’accompagner d’inconvénients en ce qui concerne les métadonnées (référencement, indexation par le contenu). Cet aspect crucial implique une coopération entre des documentalistes de nouvelle génération et les chercheurs.

                La construction d’un espace européen de la recherche offre la possibilité d’évolutions significatives, en particulier à court terme pour favoriser l’accessibilité aux résultats de recherches financées par le 7ème programme-cadre.

                4. Les enjeux éthiques. Faciliter pour le plus grand nombre l’accès aux connaissances, acquises grâce à l’effort financier public, en les considérant comme un bien universel, au sein des pays les plus développés mais aussi au delà de leurs frontières, relève d’un choix éthique majeur, sans ignorer leurs conséquences pour l’homme et les sociétés.

                Une politique commune, qui pourrait être d’inspiration européenne, des établissements de recherche et des éditeurs apparaît indispensable, reposant sur la répartition des responsabilités et la définition d’aides institutionnelles.

                Aux positions dominantes de certains journaux s’ajoutent aujourd’hui de nouvelles formes d’édition scientifique. L’existence d’un nombre assez restreint de moteurs de recherche peut conduire à un monopole de la diffusion des connaissances sur la Toile. L’utilisation d’une langue unique peut aboutir alors à un appauvrissement dans l’expression des résultats de la recherche.

                Le chercheur doit s’interroger sur l’opportunité et la pertinence de sa décision de communiquer ses résultats. Les évaluateurs et comités d’évaluation doivent être attentifs à ne pas succomber aux facilités associées à une exploitation exclusive de paramètres liés à la nature des revues ou aux fréquences de citation.

                Avis n°2006-15 - Enjeux éthiques des nanosciences et nanotechnologies

                Approuvé le 12 octobre 2006

                Télécharger l’avis

                RÉSUMÉ – L’essor de l’exploration, comme de la manipulation, de la matière à l’échelle atomique est perçu par beaucoup comme une révolution aux perspectives passionnantes, mais parfois inquiétantes. Le Comité d’éthique du CNRS (COMETS) a souhaité se saisir de ce sujet et formule ici un Avis, proposant à l’institution et à ses chercheurs pistes de réflexion et recommandations.

                Cet Avis, visant essentiellement à sensibiliser la communauté des chercheurs aux dimensions éthiques de la recherche en nanosciences et nanotechnologies, ne cherche pas à décrire ce champ scientifique et technologique, comme le fait le rapport conjoint de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies (2004)[1].

                Il n’a pas non plus l’ampleur du travail publié cette même année par la Royal Society et la Royal Academy of Engineering[2], lequel aborde en profondeur les aspects éthiques et sociaux de ce domaine.

                Cet Avis laisse également de côté bien des aspects analysés ailleurs : les impacts sur la santé, en cours d’examen par le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), les impacts sur les équilibres géopolitiques, abordés par le Rapport de l’UNESCO[3], ainsi que les problèmes de nature juridique, qui relèvent de la loi.

                Prenant en compte le dynamisme de ce secteur de recherche et ses perspectives d’application, cet Avis voudrait favoriser chez les chercheurs concernés une prise de conscience tant dans leurs activités au sein du CNRS qu’en direction du public, afin que la liberté de la recherche, si fondamentale pour la créativité soit accompagnée d’un sens aigu des responsabilités individuelles et sociales.

                L’essor de l’exploration, comme de la manipulation, de la matière à l’échelle atomique est perçu par beaucoup comme une révolution aux perspectives passionnantes, mais parfois inquiétantes. Le Comité d’éthique du CNRS (COMETS) formule un Avis, proposant à l’institution et à ses chercheurs pistes de réflexion et recommandations.

                1. Une réponse à la question : pourquoi une auto-saisine ? Cette saisine se justifie par les promesses et inquiétudes que suscitent les nanotechnologies et nanosciences et par le fait que le CNRS ne saurait se tenir à l’écart de la réflexion menée en amont sur leurs implications éthiques.

                2. La nature des nanosciences et nanotechnologies. L’analyse de celles-ci met en évidence : une tension entre les deux aspirations en apparence contradictoires qui les sous-tendent : désir de contrôle et désir d’émergence ; l’aura de fiction dont elles s’accompagnent et qu’il faut prendre au sérieux ; la nécessité d’une vigilance éthique et sociale face à l’approche “nano”, véritable technologie générique qui va affecter l’ensemble des secteurs de production.

                3. Spécificités des nanosciences et nanotechnologies ? Certes “nano” est un slogan commode, mais trois nouveautés sont à prendre en compte : le contexte scientifique : la convergence Nano-Bio-Info-Cognitif ; le contexte politique : globalisation et compétition ; le contexte social : un public exigeant.

                4. Un aperçu des initiatives assez contrastées d’accompagnement éthique et social, développées dans d’autres pays européens : Constructive Technology Assessment (Pays-Bas) ; Public Engagement in Science (Grande-Bretagne) ; Pour une symbiose entre science et culture (Allemagne et France).

                5. Pour une éthique appliquée aux nanosciences, ayant pour fondements : bonnes pratiques ; prévention des risques et précaution face aux incertitudes ; réflexion sur les valeurs et les fins.

                [1] Académie des sciences et Académie des technologies, Nanosciences, nanotechnologies, Paris, Edtions Tec&Doc, Rapport Science & Technologie N°18 – avril 2004.

                [2] Nanoscience, Nanotechnology: Opportunities and Uncertainties, 2004, http://www.nanotec.org.uk/.

                [3] Nanotechnology and Ethics, 2006, www.unesco.org/shs/est

                Avis n°2006-14 - La fraude scientifique au CNRS

                Approuvé le 3 avril 2006

                Télécharger l’avis

                AUTO-SAISINE – Le CNRS, comme tous les établissements de recherche, est confronté à la question de la fraude scientifique.

                Qu’est-ce que la fraude ? trucage, manipulation des données, plagiat…

                Que fait le CNRS quand il a connaissance de la mise en cause d’un de ses agents ? Comment le comité d’éthique intervient-il (s’il intervient, sachant que sa mission ne comprend pas la gestion des cas individuels)?

                Il faut distinguer deux situations :

                • Le cas de fraude peut être découvert par l’institution elle-même (par ex, à l’occasion d’une évaluation du chercheur)
                • Le cas de fraude est porté à la connaissance de l’institution via la presse, des dénonciations via internet, tout autre canal….

                Avis n°2006-13 - Parité

                Approuvé le 7 novembre 2006

                Télécharger l’avis

                COMMUNIQUE – Lors de sa réunion plénière du 7 novembre, le COMETS a manifesté ses regrets que les récentes nominations au Conseil d’administration n’aient pas permis – dans ce conseil – une représentation équilibrée de femmes et d’hommes. Ancienne présidente du Conseil Scientifique (qui pendant son mandat a participé activement aux travaux du COMETS), Elisabeth Dubois-Violette mène – depuis – une action auprès du Ministre de la recherche et des parlementaires afin qu’une telle situation ne se reproduise plus. Le COMETS, à travers certains de ses membres, a suivi cette action et apporté une petite contribution à la progression de celle-ci vers des mesures concrètes.

                A ce jour (23 janvier 2006) deux résultats positifs sont à noter :

                – Le Ministre de la Recherche a annoncé officiellement la création d’un Comité pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes :

                « Nommé pour 3 ans, il sera composé d’une dizaine de personnalités, notamment des scientifiques de haut niveau. Ce comité aura pour mission de dresser un état des lieux et de proposer au Ministre des recommandations en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la recherche et l’enseignement supérieur. Il remettra un rapport dans six mois sur ce point, et un premier rapport d’étape le 8 mars, pour la Journée de la Femme. Le Comité sera l’instance consultative réservée du Ministre, qui pourra le saisir en tant que de besoin »

                Le 21 décembre, les Sénateurs ont introduit deux nouveaux articles dans la loi de programme pour la recherche :

                Article 21 bis (nouveau)

                Après l’article L. 111-7 du code de la recherche ( dans la section 1 politique nationale), il est inséré un article L. 111-7-1 ainsi rédigé :

                « Art. L. 111-7-1. – Les nominations effectuées dans les comités et conseils prévus par le présent code ainsi que dans les organes de direction des établissements publics de recherche concourent à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes. »

                Article 21 ter (nouveau)

                Après l’article L. 114-5 du code de la recherche (dans le Chapitre IV : Evaluation et contrôle de la recherche et du développement technologique), il est inséré un article L. 114-6 ainsi rédigé :

                « Art. L. 114-6. – Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un bilan des mesures tendant à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la recherche. »

                  Avis n°2005-12 - Ethique et expertise scientifique 1

                  Approuvé en septembre 2005

                  Télécharger l’avis

                  RÉSUMÉ – Au carrefour des relations entre science et société, l’expertise est au cœur de nombreux débats. En 2003, Gérard Mégie, Président du CNRS, a saisi le Comité d’éthique (COMETS) pour qu’il apporte sa propre contribution sur ce thème. Le présent texte n’est que la première étape d’une réflexion que le COMETS entend poursuivre et qu’il souhaite enrichir et réactualiser, en particulier par des analyses de cas et, plus largement, en bénéficiant d’expériences issues du contexte national et international.

                  Après avoir ouvert un chantier sur Éthique et évaluation (voir : http://www2.cnrs.fr/band/254.htm ) le COMETS a donc entrepris une réflexion sur Éthique et expertise. Il est apparu rapidement que les recoupements entre ces deux chantiers étaient multiples et que les deux textes se complétaient.

                    Avis n°2005-10 - Avenir des jeunes et éthique de la recherche

                    Approuvé en mai 2005

                    Télécharger l’avis

                    COMMUNIQUE – Bien des questions concernant l’organisation de la recherche et sa pratique, débattues par l’opinion comme par les chercheurs depuis plusieurs mois, exigent une réflexion éthique. Plutôt que d’entreprendre la tâche d’émettre un avis sur la totalité d’entre elles, le Comité d’éthique du CNRS a choisi de s’exprimer ici de façon concise sur une seule, qui relève de sa compétence. Ce sujet lui paraît mériter une attention toute particulière dans la période critique que vivent actuellement les milieux de la recherche et qui touche notamment, de façon cruciale, l’avenir des jeunes dans la recherche française.

                    Chaque génération a le devoir moral de transmettre à celle qui la suit le meilleur de ce qu’elle a reçu et élaboré. Elle doit veiller à ce que les ressources dont elle s’est nourrie soient équitablement partagées, tout en laissant des voies ouvertes à celles et à ceux qui poursuivront sa tâche. La connaissance est un bien commun, fruit d’une construction collective et critique faite dans la durée. Le souci d’équité exige que les plus jeunes, formés et motivés pour embrasser cet avenir, trouvent dans leurs premiers pas un soutien de nature à créer les conditions les plus favorables afin qu’ils puissent apporter, à leur tour, leur propre contribution.

                    Il n’est pas acceptable que des jeunes, ayant fourni la preuve de leurs capacités à faire de la recherche, comme en témoigne le fait qu’ils ont obtenu le diplôme très exigeant de docteur, éprouvent de lourdes difficultés à s’insérer professionnellement, soit pour pratiquer le métier de chercheur dans un cadre académique, soit pour tirer parti dans la sphère publique ou privée de leur formation initiale par la recherche. La communauté scientifique dans son ensemble, comme les pouvoirs publics qui la missionnent et dont elle est partenaire, sont conjointement responsables de cette insertion et doivent en assumer la responsabilité. En offrant des alternatives, il leur échoit aussi de battre en brèche le mode d’organisation dominant du marché international de l’emploi scientifique. En effet, perdre ces talents au bénéfice de ceux qui offrent l’emploi sans avoir en rien assumé le coût de la formation est préjudiciable à la France, à une Europe qui ambitionne d’entrer de plain-pied dans une société de la connaissance, et plus encore aux pays émergents.

                    Si des jeunes, dont la contribution aux découvertes, au fonctionnement des laboratoires et au traitement des données peut être majeure, ne sont souvent utilisés, à ce niveau de compétence, que comme simple main-d’œuvre, sans que le relais leur soit effectivement passé pour construire durablement l’avenir, il y a injustice sur un plan moral. Si des jeunes, dans la période exceptionnelle de créativité qui accompagne souvent les années suivant le doctorat, ne se voient pas donner les moyens d’initiative et de responsabilité qu’ils méritent, que ce soit dans la recherche publique ou privée, il y a gaspillage de compétences et dès lors atteinte au bien commun.

                    Dans la situation difficile qui est souvent faite aux jeunes docteurs, il importe que les entreprises reconnaissent explicitement ce niveau de qualification ; de même, il importe que les modalités effectives de mise en place des procédures de concours publics ne pénalisent pas certains candidats, comme par exemple les jeunes expatriés, en leur imposant des démarches ou des déplacements redondants et d’autant plus coûteux qu’ils sont décidés tardivement. L’impact de tels dysfonctionnements, tant sur l’opinion publique que sur l’entourage familial et amical des jeunes intéressés par la recherche, est loin d’être négligeable. Il renforce l’idée que la construction de la connaissance ne serait pas un objectif digne de faire l’objet d’un choix professionnel.

                    Toutes ces difficultés contribuent à la dégradation de la qualité et des ambitions de l’enseignement en le limitant à des acquisitions supposées immédiatement utilisables et, de ce fait, en encouragent une approche consumériste.

                    La passion de connaître, de découvrir et de contribuer au bien commun, qui conditionne le bon exercice du métier de chercheur, ne peut occulter les questions d’ordre éthique que posent l’acquisition et l’utilisation de la connaissance. Sur ce point, les plus jeunes, particulièrement sensibles aux débats publics et aux questions que la société adresse aux chercheurs, sont souvent démunis. Il est de la responsabilité de leurs aînés de les introduire à ces attentes par une écoute réelle, attentive et par des formations adéquates. Ainsi, la jeune génération pourra véritablement devenir acteur et responsable du nouveau pacte fondateur entre recherche et société.

                     

                     

                     

                     

                     

                     

                     

                     

                     

                      Avis n°2004-09 - Ethique et évaluation (version 1)

                      Approuvé en décembre 2004

                      Télécharger l’avis

                      RÉSUMÉ – Le milieu de la recherche, particulièrement de la recherche publique, baigne dans l’évaluation. L’analyse d’un article par une revue, le recrutement d’un chercheur, la décision sur l’opportunité de la construction d’un instrument ou d’un appareil sophistiqué, l’examen des activités d’un laboratoire, les réponses à un appel d’offre, requièrent examen critique, appréciation de l’originalité, évaluation des coûts et des risques, paris sur l’avenir, et donc comparaisons et choix, toutes démarches qui sont au cœur des processus d’évaluation.

                      Les propos qui suivent sont l’amorce d’une réflexion éthique sur la fonction et les modalités de l’évaluation au sein du CNRS. Notre but a été avant tout de considérer ce qui devrait se faire en matière d’évaluation et de réfléchir à cette fin aux valeurs, principes et règles souhaitables. Une telle réflexion éthique vise à engager un processus qui conduira à long terme à plus de justice, mais aussi à une meilleure efficacité en matière de sélection et de politique scientifiques.

                      Notre réflexion a porté d’abord sur les principes et normes que doivent respecter les évaluateurs, à la fois dans leur comportement individuel et en tant que groupe. Mais l’éthique ne peut se limiter à mettre en avant un modèle de comportement idéal auquel devraient se conformer les acteurs du processus d’évaluation. Il faut encore que les effets positifs de l’attitude morale de chacun ne soient pas neutralisés ou dévoyés par des règles d’organisation, explicites ou implicites, c’est-à-dire par un système qui ne serait pas à même, pour des raisons structurelles, de préserver l’objectivité et l’équité de l’évaluation. La morale personnelle la plus soucieuse d’objectivité et de justice ne suffit pas quand les règles d’organisation laissent une place à la partialité ou handicapent la mise en place de procédures plus justes. C’est pourquoi nous avons également réfléchi à l’organisation de l’évaluation au CNRS. Un troisième aspect de notre réflexion a trait aux demandes légitimes des évalués : demande d’une évaluation juste, impartiale et franche, mais aussi demande d’une évaluation avisée et adaptée aux cas particuliers.

                       

                        Avis n°2004-08 - Ethique et évaluation (version 2)

                        Approuvé en décembre 2004

                        Télécharger l’avis

                        RÉSUMÉ – Le milieu de la recherche, particulièrement de la recherche publique, baigne dans l’évaluation. L’analyse d’un article par une revue, le recrutement d’un chercheur, la décision sur l’opportunité de la construction d’un instrument ou d’un appareil sophistiqué, l’examen des activités d’un laboratoire, les réponses à un appel d’offre, requièrent examen critique, appréciation de l’originalité, évaluation des coûts et des risques, paris sur l’avenir, et donc comparaisons et choix, toutes démarches qui sont au cœur des processus d’évaluation. Les propos qui suivent sont l’amorce d’une réflexion éthique sur la fonction et les modalités de l’évaluation au sein du CNRS. Notre but a été avant tout de considérer ce qui devrait se faire en matière d’évaluation et de réfléchir à cette fin aux valeurs, principes et règles souhaitables. Une telle réflexion éthique vise à engager un processus qui conduira à long terme à plus de justice, mais aussi à une meilleure efficacité en matière de sélection et de politique scientifiques. Notre réflexion a porté d’abord sur les principes et normes que doivent respecter les évaluateurs, à la fois dans leur comportement individuel et en tant que groupe. Mais l’éthique ne peut se limiter à mettre en avant un modèle de comportement idéal auquel devraient se conformer les acteurs du processus d’évaluation. Il faut encore que les effets positifs de l’attitude morale de chacun ne soient pas neutralisés ou dévoyés par des règles d’organisation, explicites ou implicites, c’est-à-dire par un système qui ne serait pas à même, pour des raisons structurelles, de préserver l’objectivité et l’équité de l’évaluation. La morale personnelle la plus soucieuse d’objectivité et de justice ne suffit pas quand les règles d’organisation laissent une place à la partialité ou handicapent la mise en place de procédures plus justes. C’est pourquoi nous avons également réfléchi à l’organisation de l’évaluation au CNRS. Un troisième aspect de notre réflexion a trait aux demandes légitimes des évalués : demande d’une évaluation juste, impartiale et franche, mais aussi demande d’une évaluation avisée et adaptée aux cas particuliers.

                         

                         

                         

                          Avis n°2001-07 - Recherche et création : aspects éthiques

                          Approuvé en mai 2001

                          Télécharger l’avis

                          RÉSUMÉ – Ce nouveau rapport du Comité d’éthique pour les sciences : “Recherche et création : aspects éthiques” (mai 2001) n’a pas encore fait l’objet d’une publication imprimée.

                          Recherche et création : aspects éthiques

                          Le Comité d’éthique pour les Sciences du CNRS (COMETS) a été créé en 1994 et renouvelé en 1998 pour une période de trois ans. Pendant ces trois ans le COMETS a entamé une réflexion générale sur des sujets qui lui paraissaient mériter des mises au point. Les textes présentés ci-dessous, premiers résultats de cette réflexion, s’adressent à l’ensemble de la communauté scientifique, du chercheur débutant aux responsables de la politique scientifique.

                          Deux thèmes principaux ont été abordés :

                          Le premier est celui de la reconnaissance des liens entre le chercheur et son œuvre. Le souhait légitime du chercheur de voir reconnue sa contribution à une découverte peut prendre plusieurs formes, allant de la demande d’une reconnaissance par les pairs de ce que nous avons appelé « paternité scientifique » à une demande de reconnaissance juridique de la « propriété intellectuelle ». Des préoccupations de ce type se rencontrent dans toutes les disciplines. Elles sont souvent intenses et des conflits sur ces questions peuvent perturber profondément l’activité d’un laboratoire ou les relations entre collègues. Ces conflits se développent souvent dans un cadre éthique relativement flou: des comportements qui nous sont apparus « non éthiques » ne sont souvent pas perçus comme tels par ceux qui les adoptent, ce qui ajoute à la frustration de ceux qui s’estiment lésés. Notre réflexion nous a conduits à proposer un texte général sur la paternité scientifique accompagné de développements plus spécifiques sur la signature et sur des aspects juridiques de la propriété intellectuelle.

                          Le deuxième thème que nous avons abordé est celui des relations entre science et société. La responsabilité sociale du chercheur et le rôle du politique dans les activités de recherche sont indéniables, mais souvent envisagés en termes vagues. Il nous a paru souhaitable d’essayer de faire le point sur ce sujet et d’examiner en particulier les responsabilités des personnalités scientifiques sollicitées par les médias mais aussi des responsables administratifs et politiques de la recherche.

                          Un texte est en cours d’élaboration sur les problèmes éthiques que posent les procédures d’évaluation, et nous avons ouvert une réflexion sur la fonction d’expertise de plus en plus souvent exercée par les chercheurs. Des sollicitations nous ont invités à aborder d’autres problèmes, dont trois que le prochain Comité d’éthique pourrait sans doute examiner avec profit.

                           

                           

                            Avis n°1997-06 - Activité de recherche : un éclairage juridique

                            Approuvé en juin 1997

                            Télécharger l’avis

                            RÉSUMÉ – Avertissement : Le rapport de Michel Vivant : «Activité de recherche : un éclairage juridique» a été rédigé en avril 1995 pour servir de base à la réflexion du Comité d’Éthique pour les Sciences qui, comme l’affirme l’auteur dans son préambule, ne peut “prétendre construire ex nihilo lorsqu’il existe déjà des réponses ou des éléments de réponse (aux questions que se posent les acteurs de la recherche)”. Ce rapport a été remanié en juin 1997 pour les présents « Cahiers ».

                            Il ne s’agit pas d’un rapport à prétentions éthiques. Il s’efforce seulement de faire le point de manière aussi “pédagogique” que possible pour pouvoir être lu par des non-juristes sur l’état du droit quant à la délicate question de la disponibilité des résultats de la recherche. Beaucoup trouveront là sans doute réponse aux questions qui sont les leurs.

                            Reste encore tout le débat proprement éthique… LA RÉDACTION

                             

                             

                              Avis n°1997-05 - Activités scientifiques et internet

                              Approuvé en juin 1997

                              Télécharger l’avis

                              RÉSUMÉ – Le réseau Internet est tout d’abord un système d’interconnexions entre nœuds servant de relais au niveau mondial pouvant transmettre des informations. Les nœuds sont en fait des ordinateurs qui émettent et reçoivent ces informations. A l’origine, il a été développé par des militaires américains (DARPA) au début des années 1970 avec l’appui de chercheurs pour communiquer en toute sécurité même lorsqu’une partie du réseau est détruite : il s’agit pour le système de trouver à l’intérieur du réseau les connexions de nœud à nœud qui permettent de passer d’un lieu A vers un lieu B.

                               

                                Avis n°1997-04 - Ethique et institutions scientifiques

                                Approuvé en juin 1997

                                Télécharger l’avis

                                RÉSUMÉ – Les problèmes d’éthique scientifique sont généralement examinés en eux-mêmes indépendamment des institutions au sein desquelles ils naissent ou qui les résolvent. Même si cette approche est souvent justifiée, il n’en est pas moins utile de s’interroger sur les liens qui peuvent exister entre l’éthique scientifique d’une part, la nature et le fonctionnement des institutions scientifiques d’autre part. En effet, les institutions peuvent contribuer à éviter ou contrôler des déviations ou, a contrario, engendrer des effets pervers dans le domaine de l’éthique.

                                En sens inverse, le comportement, vis-à-vis de l’éthique, de chercheurs individuels ou de groupes de chercheurs peut avoir un impact favorable ou défavorable sur la vie des institutions.

                                 

                                  Avis n°1996-03 - De la recherche scientifique et de la collecte de fonds privés

                                  Approuvé en juin 1996

                                  Télécharger l’avis

                                  RÉSUMÉ – A la suite d’événements récents, et sans remettre en cause le principe légitime d’une assistance au financement de la recherche par des Associations caritatives, le COMETS a jugé bon de présenter des recommandations sur les relations entre chercheurs, Associations et médias dans les opérations visant à la collecte de fonds privés.

                                   

                                    Avis n°1996-02 - Sur la diffusion des savoirs

                                    Approuvé en mars 1996

                                    Télécharger l’avis

                                    RÉSUMÉ – On entend par savoir ou science un ensemble de connaissances ou d’expériences plus ou moins systématisées, caractérisé par un objet et une méthode déterminés, fondé sur des relations objectives, vérifiables ou universellement acceptées à un moment donné de l’histoire.

                                    La diffusion des savoirs

                                    1. Les changements dans le rapport sciences/société
                                    2. Les conditions de diffusion des savoirs
                                    3. Les contradictions qui résultent de ces changements
                                    4. Conclusions

                                     

                                      Avis n°1995-01 - Sur la communication scientifique

                                      Approuvé en janvier 1995

                                      Télécharger l’avis

                                      RÉSUMÉ – Réflexions du Comité d’éthique pour les sciences, en réponse à la lettre de saisine de M. François Fillon

                                      Le débat n’est sans doute pas nouveau, et il faut écarter toute forme de dramatisation qui opposerait à un passé idéalisé tous les maux du présent et un avenir décrit, par extrapolation, sous un jour pessimiste. Mais il est évident que les transformations intervenues, en cours et annoncées dans les techniques de la communication tendent à bouleverser les données du problème. 

                                      1. La communication on scientifique : une explosion
                                      2. Le nouveau contexte du travail scientifique
                                      3. La science  comme  enjeu  économique  et  politique  dans  une  société  démocratique
                                      4. Le chercheur et la communication scientifique
                                      5. Les responsabilités des chercheurs
                                      6. Recommandations