Conférence des présidents - Evaluation

" Evaluation de la recherche "
groupe de travail animé par François Boué, membre du bureau de la section 15 "Systémes moléculaires complexes", Bernard Dompnier, président de la section 33 "Formation du monde moderne" et Denis Peschanski, secrétaire scientifique de la section 33 "Formation du monde moderne"

Pour tracer les premiéres pistes, dresser un inventaire et faire des propositions, nous avons disposé de plusieurs sources récentes. Ainsi, les débats de la session pléniére ont pu être enrichis par l’enquête auprés des directeurs d’unités (650 réponses sur 1400) lancée á la suite d’un projet de redécoupage du Comité national, par les réponses aux questionnaires que nous avons mis sur le Web et par le forum interne sur courrier électronique, questionnaires et forum préparatoires á la session pléniére.

Pour autant les difficultés sont réelles. La principale tient sans doute au fait que le CNRS est á la fois un et pluriel, mais c’est ce qui fait une des richesses majeures de l’institution. Pour autant, ce qui vaut pour une section ne vaut pas nécessairement pour une autre, mais des lignes de force communes apparaissent clairement. Disons d’emblée que le jugement d’ensemble est trés largement favorable, si bien que les changements souhaités résident dans l’amélioration des performances, voire dans l’extension de ses champs de compétence, mais certainement pas dans l’amputation de son champ d’intervention, ni, á fortiori, dans le remplacement pour tout ou partie par des comités d’experts nommés par le ministre.

Enfin, le Comité national concerne l'ensemble de la recherche française. Or des évaluations paralléles, souvent réalisées par le ministére, peuvent entrer en compétition avec les évaluations du Comité national pour les mêmes structures rendant le dispositif incohérent. C'est le risque encouru depuis la contractualisation avec, en prime, un singulier rallongement des procédures. Il revient comme un leitmotiv que replier le Comité national sur le CNRS serait amputer sa mission qui repose sur sa vision de l'ensemble du dispositif de recherche français et notamment sur les équipes universitaires associées.

1. MISSIONS

1.1. Evaluation

Mission centrale, l’évaluation de l’activité de recherche des chercheurs et des unités doit être maintenue et pratiquée par le Comité national. Tous, personnels CNRS, universitaires ou autres, la trouvent sérieuse, et souhaitent l’améliorer, la renforcer, éventuellement l’affermir.

Cette évaluation concerne les unités, que ces unités soient associées de fait comme beaucoup d'unités propres ou liées par contrat á l’Université, ainsi qu’á d’autres structures ou entreprises. Son extension jusqu’á la participation aux procédures de reconfiguration semble naturelle.

L’évaluation concerne aussi les chercheurs de ces unités y compris en principe les enseignants - chercheurs ; pour cette seconde catégorie, une large majorité souhaite qu'ils soient tous évalués effectivement (pour leurs activités de recherche). Le débat du 14 décembre le confirme. La proposition d’élargir l’évaluation á d’autres unités non associées, en particulier les UPRES (unités propres de l’enseignement supérieur) est largement reprise, en particulier par les universitaires (voir section 4). Il faudrait en outre veiller á prendre en compte le métier de chercheur dans sa diversité et réfléchir aux critéres d'évaluation de ce qui n'est pas recherche fondamentale, ainsi de la contribution au développement technologique, de la gestion de la recherche ou, plus généralement, des différentes fonctions qu'un chercheur assume dans la vie de son laboratoire.

Le recours á des experts est souhaité par beaucoup. Mais l’ensemble des propositions suggére des consultations faites par le Comité national : l’usage de comités ad hoc est trés peu, quasiment pas, proposé explicitement. L'évaluation resterait sous le contrôle du Comité national, par ses sections ou, en fonction du champ couvert, par les Conseils de départements (CD). Plusieurs contributions soulignent que le Comité national est mal préparé á évaluer des profils transdisciplinaires.

Les prérogatives du Comité national ne sont pas contestées, a fortiori pour les promotions.

1.2. Recrutement

Dans leur trés grande majorité, les contributions insistent sur la nécessité de garder au Comité national sa mission de recrutement. La cohérence de cette mission avec celle de l’évaluation reste toujours de mise. En revanche des propositions sont avancées concernant le recrutement en deux étapes (voir infra) et le recours au coup par coup á des experts étrangers (incompatible cependant avec le statut de jury de la fonction publique), mais, dans tous les cas de figure, il est souhaité que le Comité national garde le contrôle de la procédure.

1.3. Prospective et conjoncture

La troisiéme mission contractuelle est l’analyse de conjoncture et la prospective. Nos collégues y restent attachés : il n’y a pas d’évaluation sans prospective. Ils remarquent que cette activité reste insuffisante. Elle a surtout pāti des conditions dans lesquelles elle s'est exercée durant cette mandature. Le rapport de conjoncture ne peut être réalisé en un an, mais sur deux ans, et pas la premiére année de fonctionnement de la section, mais les deuxiéme et troisiéme années.

Chacun constate, cependant, que les fonctions du Comité national dépassent ces missions. Il s’y opére une transformation vers une instance représentative au-delá de l’évaluation. La force du Comité national est que les chercheurs y croient, qu'ils le perçoivent comme une émanation de la communauté scientifique et que les membres des sections se perçoivent comme tels. Il devient ainsi un organe essentiel de concertation, une interface de dialogue entre cette communauté et la direction.

2 STRUCTURES

2.1. Les Sections :

- Composition : nommés et élus, ITA.

Le Comité national implique l’ensemble des acteurs de la recherche d’une façon jugée satisfaisante et harmonieuse, avec 57% de personnels CNRS, 37 % d’universitaires, 6% d'autres établissements (EPST) et industriels ; si l’on se limite aux membres qui participent aux jurys, les pourcentages, respectivement de 50 %, 42 % et 7 %, le traduisent plus encore.

Il est majoritairement souhaité que les élus restent majoritaires, le taux actuel de 2/3 restant en général admis. La nomination du tiers restant par le ministre doit avoir pour objectif l’adjonction d’experts et un rééquilibrage scientifique, et non politique ou syndical ; il peut aussi permettre d’assurer une certaine continuité en sollicitant un ou plusieurs membres sortants. Sauf cas particuliers regrettables, la présence d’1/3 de nommés n’est pas ressentie actuellement comme une tentative de contrôle par la direction (de par la " culture CNRS ", les membres de la section, une fois celle-ci en place, se considérent comme une représentation de la communauté scientifique). Pour éviter ces cas regrettables et, surtout, respecter le rapport entre les deux composantes A (directeurs de recherche et professeurs des universités) et B (chargés de recherche et maîtres de conférence) dans tous les cas de figure, les auteurs de ce rapport de synthése proposent que parmi les nommés se trouve un nombre comparable de A et de B. Les nommés A n’auraient donc plus la majorité lorsque seuls les A votent, ce qui est actuellement le cas pour les promotions DR1 (Directeur de Recherche) et DRCE (Directeur de Recherche de Classe Exceptionnelle).

Le débat reste ouvert sur le type de scrutin : 1/ le maintien de la situation actuelle, candidatures individuelles pour rang A et sur listes pour rang B (majoritaire) ; 2/ élection sur listes uniquement (peu de propositions) ; 3/ élection individuelle pour tous (peu de propositions).

La présence d’ingénieurs, de techniciens et d'administratifs (ITA) reste souhaitée, mais il est noté que leurs possibilités d’intervention sont réduites. Il faudrait s’intéresser á une structure d’évaluation pour les ingénieurs (voir Partie 4).

On ne conteste guére le niveau scientifique des membres de section. La présence de jeunes á côté de chercheurs plus mūrs ou plus connus apparaît trés positive.

Il est important que les sections aient une durée de vie limitée, mais moins de quatre ans paraît faible ; certaines contributions sont favorables á un renouvellement par moitié, mais l’hypothése n'est pas retenue par une majorité compte tenu, en particulier, de la lourdeur induite des procédures.

· Interdisciplinarité 

Il est souvent reproché au Comité national un certain cloisonnement entre sections, rendant périlleuse une activité transdisciplinaire. Nombre de contributions insistent sur le plus grand parti que devrait tirer le Comité national de sa capacité á se saisir de ces problémes : création de commissions transversales ou bien, d’une façon plus souple, de débats au sein d’une section ou avec l’extérieur (cf. enquête approfondie de mai 1998). Les GDR (Groupements de Recherche), largement appréciés, sont une premiére bonne solution. Des jumelages proposés par le rapport Pailhous (mai 1998) semblent bien accueillis.

· Experts extérieurs

Les réponses aux questionnaires montrent que nombre de chercheurs demandent, ou sont ouverts á, la participation d’experts extérieurs, mais surtout au sein du Comité national, pour les domaines non couverts ou pour les domaines transversaux. Il existe en fait déjá une pratique :

  • certains nommés sont des "experts" venus d'autres organismes ou d'entreprises. En augmenter légérement le nombre est au débat ;
  • les membres du Comité national, dans leur évaluation sont libres de faire appel individuellement á des experts. Il est proposé de rendre plus fréquente cette démarche.

Plus que des experts scientifiques, certains jugent plus utile la consultation ou la présence d’experts de la société civile, venant des entreprises en particulier. C'est déjá le cas dans plusieurs sections.

Cependant la sollicitation par le Comité national d’experts étrangers extérieurs á son sein pose le probléme de la compréhension de la situation locale et nationale et du temps disponible (personnalités trés demandées). De plus, d’une part, les lobbies traversent les frontiéres, d’autre part, il peut bien sūr subsister des problémes supplémentaires de compétition entre pays. Enfin, le principe du bénévolat n’est pas toujours compris hors de nos frontiéres, surtout s’il s’agit de visiter les unités. Quoi qu'il en soit il faudrait veiller á ce que les experts consultés aient une représentation préalable des effets de leurs rapports auprés des sections. Le débat public du 14 décembre n’a pas tranché.

En résumé le comité national n’a pas, et ne doit pas avoir, peur de faire appel á des experts. Les réserves, réelles, tiennent á l’unité même des missions qui sont confiées au Comité national, á l’expérience acquise de tels recours et á la conviction que la force de l'évaluation des sections est d'être relative et non absolue, seul moyen de prendre en compte le paysage dans sa globalité.

2.2. Conseils de département et Conseil scientifique

Le Comité national a trois niveaux : sections, Conseils de département (CD), et Conseil scientifique (CS). De l’avis général, CD et CS fonctionnent mal. Les CD devraient, semble-t-il, conserver la procédure d’appel (mais dans le respect global des décisions des sections), et se consacrer surtout á une organisation de la prospective (en relais avec un travail préliminaire, mais pas trop lourd, des sections). Citons á ce sujet les conclusions d’un long débat organisé á l’automne 1998 au sein du CD des sciences de l’homme et de la société : " le Conseil joue actuellement trop un rôle d’homologation et devrait évoluer vers trois rôles : 1/ instance d’appel, á condition que l’avis, fondé sur un rapport d’une sous-commission, soit exécutoire ; 2/ conseil scientifique pour la prospective ; 3/ interface pour favoriser l’interdisciplinaire. "

Le CS ne devrait plus se prononcer en appel et devrait se consacrer á la politique scientifique d’ensemble de l’établissement. Il y a lá clairement des propositions á faire et des pistes á explorer.

Pour ce qui concerne les modalités d’élection des CD et du CS, on peut prendre comme base de débat la même proportion élus / nommés que pour les Sections. Mais la composition idéale reste trés débattue. Dans le cas du Conseil scientifique, nombre de contributeurs semblent souhaiter que la direction du CNRS y soit moins fortement représentée.

3 FONCTIONNEMENTS

3.1. Evaluation

Selon l’ensemble des chercheurs, l’évaluation est plutôt bien faite. Son niveau national est largement apprécié par les universitaires. Relevant un peu d’une " exception française ", elle est sans doute une des meilleures évaluations globales mondiales, malgré ses défauts. Il est donc souhaité de renforcer cette évaluation, d’améliorer le travail et les suites des décisions prises. Car si le principe de l'évaluation par les pairs est trés largement reconnu, il y a un manque de visibilité et de lisibilité. A l'amont, car le fonctionnement de la structure est ignoré par beaucoup ; á l'aval, car le suivi des avis et des décisions n'est pas satisfaisant et les messages, quand ils existent, peuvent être tellement pesés qu'ils en deviennent parfaitement obscurs.

Il y a une méthode de travail du Comité national, une sorte d’évaluation permanente qui s’appuie sur le suivi (au moins tous les deux ans) et les archives (dossier). On comprend alors les articulations, trés signifiantes en recherche fondamentale ; l’évolution du chercheur éclaire sa démarche. Ce rythme actuel semble satisfaire beaucoup d’entre nous. Une autre force est l’évaluation croisée chercheur et unités ; la section peut ainsi mieux éclairer le travail du chercheur et la cohérence (ou les dysfonctionnements) de l’unité.

Comme les directeurs d’unité l’ont exprimé avec force dans l’enquête de mai 1998, abaisser le nombre de sections ou de membres est hors de question si l’on veut maintenir la qualité et l’honnêteté des missions. Le bon fonctionnement du Comité national suppose une représentation suffisamment large de cette discipline afin d'éviter de faire confiance au seul spécialiste d'un champ précis.

Pour ce qui est de l’évaluation de l’unité, la demande est trés forte, quasi unanime, pour un examen plus approfondi et critique : le souhait de généraliser une visite détaillée (deux á trois jours), au moment du renouvellement, par deux membres de la section revient trés souvent. Elle permettrait aussi un meilleur contact entre la section et les unités. Pour un travail plus efficace, il faudrait également une certaine standardisation des dossiers.

Le rôle du Comité scientifique de laboratoire doit être revu (voir partie 4). Les rapporteurs des sections doivent avoir le rapport, ainsi que les rapports précédents.

· Critéres : recherche fondamentale et lien avec la société

La base de l’évaluation est la qualité scientifique en recherche fondamentale. Il faut prendre avec précaution tous les critéres de nombre, certes indicatifs mais aisément pervertis, et assez vite stériles. Mais il n’est pas si difficile á un bon rapporteur de voir si une personne produit ou non.

Dans tous les cas, le décret de 1982 compte aussi parmi les missions du chercheur la diffusion de la culture scientifique. Selon beaucoup de chercheurs, l’évaluation devrait, beaucoup plus qu’á l’heure actuelle, inclure, critéres clairs á l’appui, ces missions de diffusion, d’enseignement, de valorisation, d’aide á une entreprise (grande, moyenne ou petite), de gestion de la recherche. Les évaluateurs sont manifestement peu formés á cela. Il faudrait y remédier.

· Conséquences de l’évaluation

Beaucoup ressentent un manque de relation entre les sections et les évalués, unités ou chercheurs.

Il faut faire en sorte que ce qui est dit le soit clairement, éventuellement par un messager en plus du message. L’idéal serait une prise de contact systématique aprés évaluation : travail considérable, réalisé par certains. Une certaine fermeté s’impose : restructuration d’unités (thématiques centrales), de groupes trop multiples sur une même activité, suppression d’une activité, d’un laboratoire … Certains ont proposé un " turn over " des UMR  (Unité Mixte de Recherche) : une unité doit avoir un cycle de vie, forcément limité (ce principe semblerait fonctionner á l’INSERM).

Au niveau des unités, le directeur devrait être évalué comme tel, plus qu’actuellement.

Pour ce qui concerne les chercheurs la fermeté est également proposée fréquemment (pour ce qui est des voies et de la stratégie de recherche - les véritables inactifs étant rares). Dans cette perspective, un suivi attentif des jeunes nous semble commencer á prendre forme. Mais dans tous les cas, chercher á donner corps á l’évaluation implique plus de dialogue avec les chercheurs ; il est regrettable que ceux-ci continuent á trouver difficile de prendre contact avec la section.

L’opinion majoritaire semble en faveur de la transparence la plus grande possible, avant (on doit connaître son rapporteur, il doit prendre contact) et aprés : moins il y a de secrets, moins il y a de fuites et de malentendus. Cela vaut pour les décisions et l’explicitation de leurs tenants et aboutissants, mais pas, bien sūr, pour les délibérations. Les membres du Comité national doivent prendre leurs responsabilités.

· Favoritisme et éthique

Le favoritisme interne recouvre en fait trois réalités : 1/ Les promotions au profit des membres de la section ; 2/ Le poids de groupes de pression par sous-disciplines dans les commissions ; 3/ Les recrutements au profit de membres de laboratoires représentés dans la section. Sur le point 1, il faut éviter au maximum le phénoméne, en particulier dans le cas des promotions DR1 et au-delá. Sur le point 2, c'est évidemment lié á la composition des sections et c'est difficilement contrôlable, sinon dans la pratique au quotidien du travail en section. C'est le point 3 qui, en fait, a alimenté des critiques extérieures. Les chiffres les plus fantaisistes ont été lancés ("85%" d'autoservice ! ). Les études faites dans plusieurs sections ont montré qu'il n'en était rien, avec une répartition "neutre" (taux de recrutés proportionnel au taux de chercheurs directement "représentés" dans la section) voire inférieure á ce taux moyen de référence. C’est aussi l’avis de la grande majorité des chercheurs ; le favoritisme serait de toute façon avantageusement comparable á d’autres structures. Pour autant, il est impératif d’être parfaitement clair sur le terrain moral. Certaines mesures peuvent relever de l’engagement éthique, d’autres de régles écrites ; plus simplement, il faut établir et faire connaître un bilan annuel détaillé par section.

3.2. Recrutement

Le niveau actuel est trés satisfaisant, compte tenu, en particulier, du décalage entre le nombre de bons candidats et le nombre de postes offerts. Bien que la possibilité de jury séparé des sections ait quelques adeptes, la solution actuelle (le jury issu de la section) semble préférée : il est important de connaître le terrain où l’on séme.

La qualité intrinséque du candidat doit cependant être une condition sine qua non, avant le besoin du laboratoire. La procédure des postes affichés a des effets pervers, le concours sur de tels postes s’avérant souvent de qualité médiocre. Le recrutement doit privilégier les jeunes, mais avec souplesse (selon les disciplines). On souhaite une même souplesse pour l’ouverture de postes externes au niveau DR2.

Pour mieux juger le candidat, l’idée d’une présélection a été proposée par de nombreuses contributions motivées, permettant des auditions plus longues des présélectionnés ; la question a cependant été débattue. Une autre idée avancée par Edouard Brézin, trés difficile á mettre en œuvre, est de pré-recruter les chercheurs : les admis choisiraient ensuite des laboratoires " fléchés " en tenant compte des goūts et ententes réciproques, d’une façon qui reste á expliciter et á débattre.

3.3. Prospective

De l’avis général, la prospective basée sur l’évaluation devrait être riche mais elle est présentement quasi-absente. Les sections ont un rôle á jouer, ainsi dans le cas des programmes. Le rapport de conjoncture est un pensum et il est peu lu. Un relais et une impulsion semblent nécessaires, qui pourraient être fournis par les Conseils de département et le Conseil scientifique.

Lá aussi le Comité national pourrait faire preuve de plus d’originalité : ainsi il a été proposé par quelques contributions que ses membres pratiquent une veille scientifique spontanée, en attirant, quelques fois par an, l’attention de la direction sur une émergence intéressante. Notons qu'une premiére tentative initiée par le président du Conseil d'administration n'a pas été concluante.

Il y a par contre danger á multiplier des conseils divers, plus ou moins responsables, qui n’ont de légitimité, au-delá de la valeur intrinséque des individus, que par le choix du ministre en exercice. Il est donc d’autant plus important d’affūter le fonctionnement du Conseil scientifique : il apparaît trop dominé (ne serait ce qu’en nombre et parce qu’elle le préside) par la direction du CNRS. Les contributions sont nombreuses á aller dans le même sens, mais peu précises, peut-être en raison du manque de visibilité du dit conseil. La direction doit-elle sortir á certains moments ? La composition même du Conseil scientifique doit-elle changer ?

4 RELATIONS AVEC LES AUTRES STRUCTURES POUR L'EVALUATION

Il est clair que le Comité national, s’il doit avoir une vocation nationale, ne doit pas être la seule instance d’évaluation, démocratie et pluralité obligent. Doit-il se prolonger ? Comment peut-il s’articuler avec d’autres instances ? 

4.1. Université et autres organismes

Il existe un fort mouvement vers une évaluation plus grande de l’Université qui, de l’avis quasi - unanime des universitaires, n’a pas á sa disposition un systéme satisfaisant. L’approfondissement souhaité de l’évaluation des universitaires au sein des UMR et unités propres n’augmenterait pas fondamentalement la charge de travail. L’extension de l’évaluation aux unités strictement universitaires (comme les unités propres de recherche de l’enseignement supérieur - UPRES) rencontre beaucoup d’échos favorables. Deux solutions sont envisageables : soit le Comité national prend en charge l’évaluation des UPRES (mais cela implique un alourdissement sensible de la charge de travail et donc, sans doute, une nécessaire reconfiguration avec augmentation sensible du nombre de sections), soit les structures universitaires mettent sur pied un conseil d’évaluation sur des principes et des procédures comparables. Dans les deux cas, c’est maintenant aux universitaires d’avancer des propositions éventuelles.

Les autres EPST, comme l’INRA, l’INSERM ou l’IRD, ont leurs propres structures d’évaluation, bien adaptées á leur objet. Il faudrait réfléchir á resserrer les liens entre ces diverses structures d’évaluation, ainsi qu’avec, peut-être, la recherche privée.

4.2. L’évaluation et le recrutement des ITA

Au cours de cette enquête, et plus encore du débat public, une forte demande s’est exprimée dans le sens d’une réelle évaluation des ingénieurs et pour une refonte des procédures et structures de recrutement, jugées trop opaques. Dans les deux cas, la réflexion s’oriente vers le jugement par les pairs, principe qui préside déjá au fonctionnement du Comité national. Les missions d’évaluation, de recrutement et de promotion pourraient être exercées par des sections complémentaires du Comité national.

4.3. Comités scientifiques des laboratoires

Les Comités scientifiques des laboratoires sont des structures indépendantes du Comité national, qu’il doit prendre en compte attentivement. Des améliorations sensibles s’imposent. Dans l’immédiat, il s’agit trop souvent de chambres d’enregistrement (á la suite d’une longue série d’exposés…). Le probléme réside déjá dans le mode de désignation, la composition du comité étant souvent le fruit de tractations entre le directeur du laboratoire et la direction scientifique de tutelle. Les membres désignés par le directeur lui sont rarement défavorables. C’est aussi souvent le cas des experts, européens notamment ; leur présence est néanmoins jugée satisfaisante. Plus généralement plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d'ouvrir davantage ces structures aux chercheurs étrangers, singuliérement dans certains départements.

Le principe des " audits " á nombre réduit de participants mais avec travail plus long et plus approfondi, récemment mis en œuvre dans un département, a été apprécié dans de petites unités mais trouvé trés frustrant dans les grandes. Plutôt que cette procédure, il est proposé par beaucoup qu’un pré-rapport substantiel serve de base de travail au Comité scientifique et permette, en y passant plus qu’une ou deux heures, d’arriver á de véritables conclusions. Pourquoi ne pas envisager, comme il a été suggéré, une sorte de congrés de laboratoire tous les quatre ans, sur deux ou trois jours ? Il est bien sūr indispensable qu'une telle réunion se tienne avant la session du Comité national qui débat du renouvellement de l'unité.

Il reste également que la question se pose de l'absence de Comités scientifiques dans les petites unités.

CONCLUSION

La majorité des chercheurs s’accorde sur le principe et les missions du Comité national, un outil qui permet á la communauté scientifique de participer effectivement á l’élaboration et la gestion de la politique scientifique française.

Transparence, indépendance, permanence : ces régles d’or président et doivent présider plus encore á la mise en œuvre de ses missions par le Comité national.

Dans ce cadre, á partir d’un état des lieux plutôt favorable, les chercheurs souhaitent une modernisation de l’outil. C’est dans cet état d’esprit et pour nourrir un débat qui doit se poursuivre, que nous avons établi la liste de propositions qui suit.


LISTE DES PROPOSITIONS :

  1. Maintien des fonctions d’évaluation
    Il faut limiter strictement les situations dérogatoires trop fréquentes á ce jour, ainsi pour les programmes ou les PICS (Programmes Internationaux de Coopération Scientifique) qui ne relévent pas du Comité national, mais s'impose également de repenser la conjoncture et la prospective, point de repére essentiel.
  2. Responsabilités et fonctions
    Redéfinir les fonctions des autres strates du Comité national, ainsi que leur composition et les modalités d’élection / nomination. Les Conseils de département auraient pour responsabilité essentielle les programmes interdisciplinaires et l’étude de la conjoncture -prospective ; le Conseil scientifique, la politique scientifique de l’établissement et la conjoncture - prospective. Il faudrait s’assurer, au nom du principe de représentativité, que les élus soient toujours majoritaires au sein de chaque corps.
  3. Interdisciplinarité
    éviter les risques de cloisonnement entre sections en créant des structures transversales spécifiques, temporaires, souples, sollicitant éventuellement des chercheurs extérieurs.
  4. Renforcement de l'évaluation des unités, propres ou associées - Prévoir une visite longue, obligatoire, des laboratoires par deux rapporteurs de la section tous les 4 ans ;
    - affūter le fonctionnement des Comités scientifiques d’unités (structures extérieures au Comité national) ; revoir le mode de désignation et le mode d'évaluation (avec audit préalable) ; obtenir une meilleure articulation entre ces comités et le comité national ;
    - évaluer les directeurs de laboratoire comme tels.
  5. Evaluation des ingénieurs
    Il est urgent de réfléchir á des modalités d'évaluation des ingénieurs par leurs pairs. On pourrait y associer celles de promotion et de recrutement.
  6. Visibilité et transparence 
    Il faut renforcer les liens entre les chercheurs évalués et les commissions en améliorant, par exemple, le systéme des messages. En outre, si les critéres peuvent varier selon les disciplines, ils doivent dans tous les cas être connus et diffusés. Il n’y a pas d’évaluation sans communication.
  7. Recrutement 
    Une question n’a pas été tranchée dans le débat : doit-on effectuer un examen des candidatures en deux temps, avec présélection sur dossier ?
  8. Ethique
    Fournir chaque année un chiffrage de la répartition des affectations des nouveaux recrutés comparée á la représentation des chercheurs des laboratoires dans les jurys ; signaler de même les éventuelles promotions des membres des sections et de la direction, qui doivent rester en nombre faible, comme á l’heure actuelle. Faut-il les limiter strictement, voire les interdire toutes ?
  9. Missions du chercheur
    Evaluation principale sur la qualité scientifique, mais application de critéres clairs d’évaluation des autres missions du chercheur, qui font partie de son métier de chercheur á plein temps : enseignement, valorisation, gestion etc.
  10. Appel aux experts 
    Français, étrangers, scientifiques ou non (entreprise, société civile, etc.), et sous contrôle du Comité national,
    - á titre consultatif, dans les sections, en étendant la pratique actuelle ?
    - dans les débats transdisciplinaires organisés par le Comité national
    - pour la prospective.
    La question se pose aussi, et peut-être d’abord, hors Comité national, dans les Comités scientifiques de laboratoires, où, si des experts étrangers sont déjá présents quelquefois, une refonte des missions et des procédures s’impose au préalable.
  11. Evaluation de l’activité de recherche des enseignants chercheurs et des unités strictement universitaires 
    C’est la proposition la plus forte, et qui demande le débat le plus approfondi : elle a deux volets :
    - l’évaluation des enseignants chercheurs des unités associées est déjá prévue dans le principe ; la majorité demande qu’elle le soit dans les faits ;
    - l’évaluation des unités non associées et des enseignants chercheurs qui la composent a été fortement sollicitée par les universitaires eux-mêmes. Deux pistes sont proposées au débat : soit l’évaluation par le Comité national de la recherche scientifique, soit l’évaluation par une structure universitaire comparable. La premiére solution impliquerait un accroissement sensible du nombre de sections du Comité national. Il est clair que c'est maintenant á l'Université de s’exprimer sur cette question.

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