Conférence des présidents - Groupe structures

" Structures et moyens de la recherche "
groupe de travail animé par Michel Blanc, président de la section 14 "Systéme solaire et univers lointain" et Mireille Corbier, présidente du Conseil de département des sciences de l'homme et de la société

Au théme polémique de l'"exception française" développé par certains pour jeter le doute sur la pertinence du dispositif national actuel, nombreux sont ceux qui ont souhaité répondre : comme toutes les institutions, les institutions de recherche ont leur histoire, liée á l'histoire de notre pays qui est devenu trés tôt un Etat national ; l'image de l'"exception française" est souvent due á une méconnaissance des institutions de recherche des pays étrangers.
Le forum a étudié les différentes échelles de l’organisation de la recherche publique.

Rôle et modes d’intervention de la tutelle de la recherche

De l’avis du forum, la démarche que doit privilégier la tutelle de la recherche est celle d’une double écoute :
- écoute de la société civile, pour identifier la demande sociale en termes de recherche ;
- écoute de la communauté scientifique, qui définit et reformule en permanence de nouveaux objectifs de recherche en fonction des avancées propres á chaque domaine.
C’est á partir de la confrontation de ces deux sources que devraient être élaborées les grandes orientations d’une politique nationale de recherche.
L’action de la tutelle devrait alors se traduire essentiellement par l’adaptation de la carte des organismes de recherche, par la définition de leurs missions et par l’attribution de leurs enveloppes globales de ressources. La tutelle a en effet pour premier devoir de créer les conditions d’un fonctionnement harmonieux et fécond des institutions de recherche. Le principe général doit en être l’autonomie d’organismes responsables.

L’accent au niveau de la mise en œuvre de la politique de recherche devrait être mis sur trois points principaux :
- l’identification des niveaux de ressources nécessaires au bon fonctionnement de chaque organisme et l’attribution des moyens correspondants,
- la coordination de l’action des différents organismes. L’idée d’une conférence des responsables d’organismes de recherche a été avancée. Des comités de coordination entre organismes devraient également être créés sur chaque axe de recherche jugé stratégique,
- une coordination interministérielle par des structures permanentes adaptées pour les disciplines et les thémes qui relévent de plusieurs ministéres.

En revanche, le forum a exprimé avec force son opposition de principe á la définition directe et au financement direct de grands programmes par la tutelle. La définition de ces programmes doit résulter du travail des organismes de recherche ; et les décisions d’engagement doivent être prises dans la transparence au terme d’un processus d’évaluation associant la communauté scientifique aux débats préalables et aux arbitrages. L’importance du rôle du Parlement dans ces arbitrages a été également rappelée.

La carte des institutions de recherche nationales et l'insertion dans la recherche internationale : la place du CNRS

Le CNRS occupe une place originale dans la carte nationale des organismes de recherche, et ceci á plusieurs titres :
- il est le seul á couvrir tous les champs disciplinaires de la recherche ;
- c’est ce qui fonde sa relation privilégiée avec un organe d’évaluation et de prospective qui couvre lui-même l'ensemble des disciplines, le Comité national de la recherche scientifique ;
- le CNRS a développé au cours des trente derniéres années un partenariat de plus en plus étroit avec les établissements d’enseignement supérieur ;
- le CNRS a un poids budgétaire dominant dans l’enveloppe de moyens distribuée aux organismes de recherche publique (14 milliards de Francs en 1999 sur les 33 milliards distribués á l’ensemble des établissements publics et fondations de recherche).
Ce partenariat privilégié et le poids financier de l'organisme conférent au CNRS une responsabilité particuliére vis-á-vis de la recherche, pour faire bénéficier l’ensemble du dispositif de sa richesse la plus originale, l’interdisciplinarité.

A côté de ces traits distinctifs doivent être mentionnées deux considérations particuliéres:- le poids du CNRS est trés variable selon les champs thématiques ;
- il existe des domaines où la demande de l'enseignement supérieur ne coïncide pas et ne saurait coïncider avec les besoins de la recherche. Si le partenariat avec l’université est une ligne forte et doit le rester, il ne saurait donc devenir une condition préalable á l’action du CNRS.

De quels atouts et de quels moyens d’intervention le CNRS dispose-t-il pour faire face á l’ensemble de ses responsabilités ? Parmi les atouts sont bien identifiés :
- sa large couverture thématique ;
- son corps de chercheurs á temps plein, et ses capacités d'accueil temporaire d’enseignants chercheurs, d'enseignants du secondaire et de fonctionnaires relevant d'autres ministéres ;
- le partenariat avec les établissements d’enseignement supérieur déjá concrétisé par les contrats quadriennaux ;
- la concertation entre organismes ;
- sa politique propre de développement de trés grands équipements et de programmes.
L'une des forces du CNRS et de ses équipes est aussi l'expérience accumulée dans le domaine des collaborations internationales. Les équipes travaillent toutes désormais dans des réseaux internationaux.

La faiblesse principale du CNRS semble être actuellement le volume de son budget hors salaires. Pour faire face á l’insuffisance des moyens budgétaires internes, que faut-il privilégier : utiliser l’association au CNRS comme un " label de qualité " pour attirer des financements extérieurs ? Regrouper les moyens ? Renforcer une politique d’attribution d’une partie des ressources sur la base de distribution concurrentielle et évaluée á des projets ? Concentrer les moyens sur les laboratoires jugés les plus performants ?
Il a été observé que le budget de la recherche stagne, alors qu'une faible augmentation du budget consolidé du CNRS suffirait á accroître sensiblement sa capacité d'intervention et de soutien aux laboratoires.

L’organisation interne du CNRS

Le maintien d’un exécutif á trois étages, dont chacun est pertinent et doté de réelles capacités d’action, est jugé essentiel :
- le laboratoire ;
- le département scientifique et éventuellement l’institut national (la " valeur ajoutée " du CNRS aux disciplines disposant d’un institut national est reconnue par ceux qui disposent d’une telle structure) ;
- la direction générale, qui doit garder la responsabilité de la stratégie globale de l’organisme et de la mise en œuvre de celle-ci.
Le Conseil d’administration a la mission importante d’assurer l’interface entre la société civile et la communauté scientifique du CNRS. Il doit jouer pleinement son rôle statutaire pour éviter les dysfonctionnements constatés.
Mais l’effort de réflexion devrait porter avant tout sur le renforcement des organes d’évaluation et de prospective, le Conseil scientifique et les Conseils de département, et l’utilisation maximale de leurs capacités d’expertise. Sur l’évolution de ces conseils, jugée par tous nécessaire, de nombreuses suggestions ont été émises, concernant aussi bien leurs missions que leur composition, l’objectif étant de combiner une évaluation indépendante et une relation forte avec la communauté.
Un renforcement trés sensible des actions interdisciplinaires est unanimement demandé.

Les structures des laboratoires et la place des laboratoires propres

Une structure n'a pas seulement une dimension administrative. Elle réunit des hommes et des femmes ; et elle produit des choix. La question des structures est étroitement liée á celle de leur évaluation. D'où la suggestion d'une évaluation des laboratoires universitaires par le même Comité national de la recherche scientifique qui évalue les laboratoires propres du CNRS et les laboratoires associés.
Les unités de recherche relévent aujourd’hui de structures variées. Les groupements de recherche (GDR) sont perçus dans l'ensemble de façon trés positive comme des structures d'animation transversales. Les laboratoires associés (UMR, UPRESA, URA) constituent la trés grande majorité. Tous les chercheurs se félicitent du développement de recherches en partenariat ; mais nombreux sont ceux qui font également remarquer que leurs partenaires ne sont pas seulement á l'Université. Quant aux laboratoires propres, ils mettent l'accent sur la multiplicité des partenariats qu'ils ont su développer et leur attachement á cette diversité. En revanche, toutes les possibilités offertes de consolider et pérenniser les partenariats acquis á l'étranger font l'objet d'une véritable demande : c’est sans doute á ce niveau que l’effort d’imagination sur les structures de laboratoire doit porter.
En faveur des laboratoires propres de nombreux arguments ont été avancés. Leur maintien est jugé indispensable. Les laboratoires propres :
- sont perçus dans de nombreuses disciplines comme des éléments structurants trés forts, des têtes de réseaux ;
- jouent un rôle important pour l'épanouissement de disciplines peu représentées á l’Université ;
- sont particuliérement adaptés aux entreprises de longue haleine nécessitant des moyens importants et des personnels d'origine multiple ;
- sont de bons outils pour accueillir les projets innovants, lancer de nouvelles thématiques en rassemblant des compétences, donc, si nécessaire, des chercheurs relevant d'institutions diverses ;
- peuvent favoriser aussi la pluridisciplinarité ;
- plus largement, il est unanimement exprimé que le CNRS doit garder sa capacité d'initiative indépendante dans l’acte fort de création de nouveaux laboratoires ;
- par ailleurs, un modéle CNRS de laboratoire s'est peu á peu imposé á ses partenaires. Le laboratoire propre peut á la fois préserver ce modéle et le faire évoluer .

On peut identifier deux ou trois échelles d’organisation de la recherche au niveau des laboratoires :
- l’équipe : niveau de l’interaction quotidienne et d’un partage trés fort d’outils ou de savoir-faire, mais aussi lieu de regroupement des personnes sur les bases les plus variées ;
- le laboratoire : regroupement librement consenti d’équipes sur des intérêts partagés ;
- et, éventuellement, la structure fédérative : regroupement de laboratoires dans le respect du principe de subsidiarité.
La prééminence du laboratoire comme " cellule de production " de base dans l’organisation de la recherche a été réaffirmée par le forum. Le laboratoire est de plus en plus un nœud opérationnel de réseaux internationaux.

Quelques éléments pour conclure

Quelles structures pour mieux jouer la carte de l'interdisciplinarité, pour favoriser l'insertion des chercheurs dans la recherche internationale, pour accueillir de nouveaux domaines et sujets de recherche ? La prise de risque, nécessaire á toute recherche, peut se faire d'autant mieux qu'existent l’échelle de l’équipe, le cadre du laboratoire et, au-dessus, celui d'une institution telle que le CNRS.
Il faut que les structures :
- encouragent les laboratoires existants á innover et á s'ouvrir á de nouvelles équipes et de nouveaux projets ;
- les aident á s’adapter efficacement aux nouvelles échelles d’organisation et de financement de la recherche : le niveau européen et, plus largement, international ; les politiques régionales ;
- permettent de constituer dans des délais rapides le noyau d'une future équipe autour d'un projet nouveau.
La réflexion qui va se poursuivre devrait viser á apporter des réponses pratiques á ces divers vœux.

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