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En
1992, White et son équipe découvraient dans des terrains
vieux de 4,4 Ma dans le Middle Awash en Ethiopie des fragments de mâchoires
rapportés à un Hominidae (White et al. 1994; 1995). Publié
en 1994 sous le nom d’Australopithecus ramidus, puis en 1995 sous
Ardipithecus ramidus, il est considéré par ses co-parrains
comme l'Hominidae le plus ancien connu, ce qui est loin de faire l’unanimité
parmi les paléontologues.
Les
dépôts fossilifères sont encadrées par des
niveaux de cinérites dont seul celui de base (Gàala Vitric
Tuff Complex) a pu fournir un âge radioisotopique de 4,4 Ma (WoldeGabriel
et al., 1995). Les restes fossiles proviennent de plusieurs couches
stratigraphiques de plusieurs séquences, réparties sur près
de 3 km et dans les sédiments compris entre les deux niveaux de
cinérites. Le niveau de cinérite supérieur (Daam-Aatu
Basaltic Tuff) altéré n’a pas permis, dans un premier temps,
de bonnes datations en raison de contaminations de cristaux miocènes.
En éliminant ces dernières, l’âge obtenu est de 4,388
± 0,053 Ma (Renne et al., 1999).
Des
restes crâniens, dentaires et postcrâniens ont été
récoltés à Aramis. Les principaux caractères
qui isolent Ardipithecus des autres espèces sont la morphologie
du temporal et des dents recouvertes d’un émail fin relativement
et absolument aux molaires et aux canines. Les mesures effectuées
sur les dents sont très proches, voire incluses, dans la variation
des chimpanzés nains actuels (White et al. 1994). Les caractères
d’Ardipithèque sont proches de ceux d’autres australopithèques
mais aussi des grands singes africains actuels. L'Ardipithèque
est-il donc un vrai Hominidae possédant de nombreuses convergences
avec les grands singes non-humains ? Est-il un grand singe qui a
développé parallèlement quelques caractères
plus humains ? Pourquoi l'Ardipithèque ne serait-il pas un
ancêtre des chimpanzés et des gorilles ? Le débat
est largement ouvert, surtout que les pièces sont très fragmentaires.
Il faut préciser que si l'homme et les grands singes africains
ont un ancêtre commun, il est évident que plus on se rapproche
de la souche, plus il est difficile d'isoler les caractères simiesques
des humains; d'où le débat scientifique intense. Les auteurs
ont annoncé à plusieurs reprises qu'ils avaient un squelette
pratiquement complet d'Ardipithecus, mais depuis l'annonce en 1994,
rien n'a été publié. Nous attendons avec impatience
la description des caractères du squelette qui permettront peut-être
de lever le voile sur cette énigme. Si l'Ardipithèque s'avérait
être un grand singe, il viendrait bousculer bon nombre d'idées
reçues sur l'histoire des préhumains, mais surtout il serait
le premier ancêtre reconnu sur la lignée des grands singes
africains qui, rappelons-le, est actuellement vierge de fossiles entre
15 millions d'années et aujourd'hui.
Renne,
P.R., WoldeGabriel, G., Hart, K.H., Heiken, G. & White, T.D. (1999).
Chronostratigraphy of the Miocene-Pliocene Sagantole Formation, Middle
Awash Valley, Afar Rift, Ethiopia. GSA Bull., 111, 6, 869-885.
White, T.D.
(1986). Australopithecus afarensis and the Lothagam mandible. Anthropos,
23, 73-90.
White, T.D.,
Suwa, G. & Asfaw, B. (1994). Australopithecus ramidus, a new
species of early hominid from Aramis, Ethiopia. Nature, 371, 306-312.
White, T.D.,
Suwa, G. & Asfaw, B. (1995). Ardipithecus ramidus, a new species
of early hominid from Aramis, Ethiopia. Nature, 375, 88.
WoldegGabriel,
G., White, T.D., Suwa, G., Renne, P., de Heinzelin, J., Hart, W.K. &
Heiken, G (1994). Ecological and temporal placement of early Pliocene
hominids at Aramis, Ethiopia. Nature, 371, 330-333.
Ardipithecus ramidus kadabba
En juillet 2001, était annoncée la découverte dans
le Middle Awash en Ethiopie de restes dhominidés très
anciens, bipèdes, baptisés Ardipithecus ramidus kadabba.
Les 11 spécimens trouvés entre 1996 et 2001 proviennent
de la Formation pliocène de Satangole et de la Formation Miocène
supérieur de Adu-Asa. Lâge, calculé par la méthode
au 40Ar/39Ar appliquée sur les roches volcaniques intrasédimentaires,
est compris entre 5,2 et 5,8 Ma. Ces résultats ont été
confirmés par des données paléomagnétiques
et géochimiques. Les 11 spécimens récoltés
consistent en un fragment de mandibule associé à des dents
isolées, 4 dents isolées, une demi-phalange de la main,
un fragment dhumérus gauche, deux fragments dhumérus
et dulna associés, une phalange de pied complète et
un fragment de clavicule.
La sous-espèce est créée sur la morphologie des cuspides
linguales des M3 inférieures, la forme carrée des M3 supérieures
qui présentent quatre tubercules distincts, la présence
dune fovea mésiale peu profonde à la 1ère prémolaire
supérieure, et la forme des canines inférieures. Les dents
présentent des caractères dont certains rappellent les chimpanzés,
les autres proches des Australopithèques, mais différents
de ceux des premiers Ardipithèques décrits en 1994 et 1995.
Ardipithecus ramidus kadabba se distingue aussi des grands singes
actuels et fossiles par la morphologie de la canine inférieure,
notamment la tendance de cette dernière à être incisiforme,
Les dents postérieures relativement grandes et les antérieures
étroites suggèrent que lhominidé consommait
moins de fruits, mais plus de feuilles tendres et de fibres que le chimpanzé
actuel. La mandibule en taille absolue est comparable à celle de
Lucy, mais moins robuste au niveau des deux dernières molaires.
La bipédie dArdipithecus ramidus kadabba est basée
sur la phalange de pied (datée de 5,2 Ma), de taille comparable
à celle des Australopithèques de Hadar. La phalange présente
une combinaison de caractères : courbure importante proche de celle
des chimpanzés, associée à une articulation avec
le métacarpien similaire à celle de lhomme. Toutefois,
ce seul os isolé paraît un maigre indice pour établir
un système locomoteur aussi complexe que celui de la bipédie.
Ces hominidés ont habité un environnement boisé,
ce qui concorde avec celui où vivait Orrorin tugenensis
dans les Tugen Hills (Kenya) il y a 6 Ma.
La découverte de ce nouvel Ardipithèque est importante,
car elle confirme avec les découvertes récentes du Kenya
quil y a eu probablement un buissonnement à lorigine
des Hominidés et que les dates récentes de divergence entre
chimpanzés et hommes avancées par les molécularistes
doivent être repensées.
Y.
Haile-Selassie, 2001 Late Miocene hominids from the Middle Awash, Ethiopia,
Nature, 412, 178-181.
WoldeGabriel, G., Haile-Selassie Y., Renne P.R., Hart W.K., Ambrose S.H.,
Asafw, B., Heiken G., White T., 2001. Geology and palaeontology of the
Late Miocene Middle Awash Valley, Afar rift, Ethiopia. Nature,
412, 175-178.
Brigitte Senut
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