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Les toxines, poisons ou médicaments ?
La nature dangereuse : les toxines ou poisons biologiques
Bactéries, virus, micro-algues, champignons, plantes et animaux comptent de nombreuses espèces produisant des poisons biologiques extrêmement divers qui leur permettent de survivre dans des environnements difficiles.
© CNRS Photothèque / DEVEZ Alain R
Ces substances, nommées toxines, agissent avec efficacité souvent à faible dose, altérant le bon fonctionnement physiologique des proies. Certaines sont douées d'activités enzymatiques. D'autres possèdent une capacité à se fixer spécifiquement sur des cibles importantes au plan physiologique (organes, système nerveux…), ce qui engendre des perturbations majeures qui conduisent souvent à la mort de l'organisme touché.
Les venins, d'origine multiple (des protistes aux vertébrés dont les mammifères, mais surtout certains serpents, scorpions, cônes (mollusques marins), araignées…), produisent une grande variété de toxines aux modes d'actions divers.
Les venins permettent principalement aux espèces venimeuses de se nourrir et de se défendre, en capturant leurs proies par paralysie, par modification du fonctionnement cardiaque et de la pression artérielle ou par induction d'hémorragies internes. Ils procurent à ces prédateurs un avantage sélectif dans les zones hostiles.
© IRD Photothèque / Trape, Jean-François
Certaines plantes et microorganismes (bactéries, micro-algues, micro-champignons) produisent des toxines qui leur procurent un avantage dans la compétition avec les autres espèces, et qui leur assurent une bonne défense, en raison de leur toxicité qui dissuade leurs consommateurs éventuels.
© CNRS Photothèque / ROCHAT Hervé
La multiplicité et l'efficacité des toxines, des venins et des appareils venimeux proviennent de la diversité des espèces qui les produisent, de leur évolution sélective et de leur adaptation nécessaire à des conditions difficiles, ce qui améliore leur capacité de survie.
Ces substances chimiques sont évidemment perçues comme des menaces potentielles par l'espèce humaine, par leur accumulation dans la chaîne alimentaire ou leur utilisation en tant qu'armes biologiques. Les venins occasionnent de fortes douleurs, des perturbations physiologiques, parfois dangereuses, quelquefois mortelles.
© IRD Photothèque / Laboute, Pierre
Et pourtant, ces toxines constituent des outils de recherche scientifique dans les sciences du vivant et des sources de médicaments, de produits cosmétiques et agricoles. Il est donc indispensable de bien connaître ces toxines, afin de savoir mieux s'en protéger et les utiliser.
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
André Ménez (Ancien Président du Muséum national d’histoire naturelle)
- Biofutur « des venins aux médicaments », N° 280, septembre 07
- Biofutur « les toxines », N° 272, décembre 2006
- Toxins : Threats and Benefits, André Ménez, Daniel Gillet and Eugene Grishin, Recent Research Developments in Toxins from Bacteria and Others Organisms, 2006 : 1-33
Les toxines : bien les connaître pour mieux s'en protéger

© CNRS Photothèque / GODEFROY Sébastien
Pour l'espèce humaine, ces toxines, mystérieuses, complexes, mal identifiées, trop nombreuses apparaissent comme une menace. Comme toujours, pour combattre son ennemi, il vaut mieux bien le connaître ! Il apparaît donc indispensable de développer et approfondir nos connaissances sur la grande diversité de ces toxines et sur leurs modes d'action.
Savoir isoler les toxines et les venins, étudier leurs structures moléculaires et leurs mécanismes d'action a permis de développer des sérums antivenimeux et des vaccins contre certaines toxines redoutables, comme la toxine tétanique ou la toxine diphtérique. Aujourd'hui, plus de 200 toxines ont été isolées et identifiées et une dizaine d'entre elles ont reçu ou attendent leur autorisation de mise sur le marché en tant que médicament.
La connaissance des effets des toxines et la détection des espèces qui les produisent permettent d'évaluer le risque pour la santé humaine et pour les écosystèmes mais aussi de fournir des renseignements aux réseaux de surveillance (sanitaires et environnementaux).
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
André Ménez (Ancien Président du Muséum national d’histoire naturelle)
- Biofutur « des venins aux médicaments », N° 280, septembre 07
- Biofutur « les toxines », N° 272, décembre 2006
- Toxins : Threats and Benefits, André Ménez, Daniel Gillet and Eugene Grishin, Recent Research Developments in Toxins from Bacteria and Others Organisms, 2006 : 1-33
Les toxines : nouvelles sources d'intérêt pour l'espèce humaine
Bien maîtrisées, les toxines peuvent être utiles à l'espèce humaine, en tant qu'outils de recherche scientifique souvent d'une grande finesse, mais également dans le domaine de la santé, de l'agriculture (pesticides) et de la cosmétique (exemple, la toxine botulique utilisée comme antiride). Elles ne sont cependant l'objet d'études scientifiques que depuis un siècle et certains aspects restent encore mal connus.
© CNRS Photothèque / GUERITAUD Jean-Patrick
En tant qu'outils de recherche les toxines animales, végétales et celles des microorganismes, possédant un effet très ciblé, ont joué un rôle décisif dans l'étude du fonctionnement du vivant, principalement du système nerveux et de la cellule.
© CNRS Photothèque / BONNET Xavier
Elles ont également permis d'identifier des sites précis où leur action opérait : autant de cibles identifiées pour les traitements thérapeutiques.
La grande diversité des toxines offre potentiellement une immense quantité de molécules thérapeutiques variées à découvrir ! Leurs différentes structures moléculaires, la puissance et la spécificité de leur action donnent l'espoir de trouver de nouveaux médicaments dans de nombreux domaines : douleur (analgésiques), systèmes cardiovasculaire et sanguin (propriétés anti-hémorragiques), épilepsie, récupération de nerfs endommagés, ophtalmologie (traitement du strabisme et du spasme de la paupière), cancers ou métastases…
© IRD Photothèque / Chippaux, Jean-philippe
" La diversité du vivant se retrouve également dans le monde des toxines qu'il engendre ". (André Ménez, ancien Président du Muséum national d'histoire naturelle). Nous voyons ici le rôle central de la biodiversité, qui permet un effet et son contraire : de conserver, par adaptation à des conditions difficiles et par sélection, le potentiel de création de nouvelles toxines, quelquefois redoutables pour l'espèce humaine mais aussi source de guérison…
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
André Ménez (Ancien Président du Muséum national d’histoire naturelle)
- Biofutur « des venins aux médicaments », N° 280, septembre 07
- Biofutur « les toxines », N° 272, décembre 2006
- Toxins : Threats and Benefits, André Ménez, Daniel Gillet and Eugene Grishin, Recent Research Developments in Toxins from Bacteria and Others Organisms, 2006 : 1-33
Des toxines provenant d'animaux particuliers
Les toxines animales proviennent majoritairement d'animaux qui synthétisent leurs propres venins. Cependant, certaines espèces venimeuses ne les produisent pas elles-mêmes. Elles capturent, puis modifient parfois des composés toxiques présents dans leur alimentation ou leur environnement qu'elles utilisent pour leur protection, leur reproduction ou leur santé… L'étude de ces différentes toxines représente un même intérêt.
Prenons par exemple le cas des petites grenouilles de la famille des dendrobates (Dendrobatideae). Leur peau sécrète des substances extrêmement toxiques. Ces dernières, qui les protègent des prédateurs, proviennent intégralement de leur alimentation (fourmis, acariens, coléoptères, myriapodes…). Et depuis des siècles des populations indiennes d'Amérique du Sud utilisent ces sécrétions cutanées pour fabriquer des flèches empoisonnées pour la chasse.
Une toxine particulière, l'épibatidine, a été découverte chez la grenouille Epipedobates tricolor. Possédant un puissant effet analgésique, elle s'est avérée d'un intérêt remarquable. Modifiée et synthétisée chimiquement, elle a conduit à la création d'un antalgique efficace, sans dépendance.
Les limaces et les lièvres de mer (Anaspidea ; Aplysia spp.) ne sont pas en reste ! Ces animaux, dépourvus de coquille externe, retiennent des toxines provenant de leur alimentation (cyanobactéries, algues, éponges, coraux mous…) en modifiant même parfois leur structure chimique. Ainsi les lièvres de mer fabriquent une encre défensive à partir de toxines provenant d'algues et de cyanobactéries. Les chercheurs ont identifié parmi ces toxines (les dolostatines) des propriétés anticancéreuses, dont l'origine cyanobactérienne ne fut reconnue que plus tard.
© J.M. BAUFLE - M.N.H.N.
L'étude de l'effet médicinal des plantes sur les animaux, par exemple dans l'automédication des grands singes (mastication par les chimpanzés de la plante Vernonia amygdalina par exemple pour calmer les douleurs digestives dues à des parasites intestinaux) a conduit également à la découverte de médicaments.
© IRD Photothèque / Neel, Cécile
Au total, comprendre le fonctionnement des espèces qui utilisent des toxines de leur entourage ainsi que le comportement des grands singes face aux plantes médicinales a ouvert de nouvelles voies d'études de toxines présentes dans l'environnement et difficilement identifiables autrement.
Où l'on voit que les interactions - souvent cachées - entre les espèces (plantes et espèces, proies et prédateurs) jouent un rôle important dans la recherche de nouvelles molécules médicamenteuses.
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
André Ménez (Ancien Président du Muséum national d’histoire naturelle)
Source :
Biofutur « des venins aux médicaments », N° 280, septembre 07, article « venins et toxines, sources de médicaments »