

OGM, alimentation, polémique
Les arguments autour des organismes génétiquement modifiés (OGM) destinés à l'alimentation sont évidemment passionnés car ils touchent au premier chef tous les êtres humains et représentent des enjeux sociaux et économiques colossaux ! L'avis des experts scientifiques, des politiques des différents pays, des associations de défense de l'environnement divergent profondément.
Arguments en faveur des OGM
- l'agriculture doit faire face à des défis d'une ampleur inédite : démographie humaine en expansion demandant une forte augmentation prochaine de la production alimentaire, notamment dans les pays aux conditions de vie difficiles : les OGM devraient être capables d'augmenter les rendements de certains produits alimentaires de première nécessité tels que le riz, entre autres ;
- ces OGM éviteront l'usage massif de pesticides (en rendant par exemple, des plantes résistantes aux insectes ravageurs qui peuvent occasionner des dégâts considérables dans les cultures) et simplifieront le travail de l'agriculteur (en étant tolérants eux-mêmes aux herbicides, ils permettent l'emploi de ceux-ci) ;
- ces nouvelles technologies évoluent rapidement et la diversité de leurs applications potentielles se multiplient : possibilité d'enrichissement d'aliments en vitamines, en vaccins etc ;
- ces techniques s'accompagnent de l'approfondissement en parallèle de la connaissance du fonctionnement génétique des plantes et des maladies animales, notamment des espèces tropicales importantes.
Et pour cela, il reste à assurer :
- l'amélioration de ces techniques de transformation génétique en les rendant plus précises et donc mieux contrôlables,
- la maîtrise de l'impact des plantes transformées sur l'environnement et sur la santé humaine (quelques études mentionnent la toxicité de certains OGM lors de la consommation par les mammifères, mais ces résultats sont encore sujets à controverse).
Critiques à l'encontre des OGM
Si on excepte les craintes qui font appel à un profond sentiment religieux, voire irrationnel (on ne change pas la création du vivant), les critiques des OGM agricoles sont de trois ordres, politique, technique et environnemental.
Parmi les critiques d'ordre politique :
- la diversité naturelle et son exploitation par l'espèce humaine pour son alimentation est suffisante et adaptée pour couvrir tous ses besoins ;
- la malnutrition recouvre surtout une affaire d'éducation (éducation à l'alimentation, formations aux pratiques agricoles...), de problèmes économiques (accès aux terres, crises économiques), logistiques (mauvaise infrastructure de distribution et de stockage des aliments récoltés) ou politiques (conflits) plutôt qu'une production insuffisante ;
- la mainmise des pays occidentaux et des grands groupes industriels sur ces technologies (semences, brevets, obligation d'utiliser l'herbicide toléré par la plante) accentuera encore la mise à l'écart économique (par le prix à payer) de très nombreux paysans pauvres.
Les critiques d'ordre technique concernent l'inefficacité des OGM :
- les OGM anti-ravageurs n'ont d'autres effets que de favoriser la sélection de souches de ravageurs résistants à leurs toxines, alors que les auxiliaires de l'agriculture (prédateurs et parasites des ravageurs), moins dynamiques, voient eux leurs populations très affectées ;
- les cultivars « haut de gamme » sélectionnés dans les pays développés ont depuis longtemps montré leurs piètres qualités agronomiques dans les pays en développement : les maladies, les champignons et les insectes s'en donnent à cœur joie là où les variétés traditionnelles sélectionnées par des générations de villageois suffisaient à nourrir le groupe familial.
Enfin les critiques d'ordre environnemental concernent l'exposition aux OGM et leur dissémination :
- les plantes cultivées résistantes aux herbicides sont la porte ouverte à davantage encore de traitements herbicides (effet inverse de celui recherché) ;
- les plantes OGM libèrent des toxines en permanence dans l'environnement, ce qui constitue une régression par rapport aux stratégies de lutte intégrée où les traitements ne sont appliqués que si ils sont utiles (seuils de nuisibilité) et quand ils sont utiles (brève période où les insectes sont vulnérables) ;
- quels pourront être les effets d'une dissémination incontrôlable des gènes introduits dans les cultures, soit via l'hybridation avec des plantes sauvages apparentées, soit via les microorganismes du sol ;
- quels seront les effets à long terme des substances produites sur la santé humaine ?
Au total, l'espèce humaine ne risque-t-elle pas de se confronter à une catastrophe qu'elle aura elle-même créée de toutes pièces, en intervenant sur des mécanismes du vivant encore trop imparfaitement connus.
Rédaction :
Maryvonne Tissier (directrice de communication à la FRB)
Validation scientifique :
Pierre Zagatti, directeur de recherche Inra
Sources de l'article
- Dossier Science et Décision (CNRS/Université d'Evry)
- Le dispositif des zones refuges pour le maïs Bt aux Etats-Unis (Phytoma - La défense des végétaux, avril 2003.)
- Programme OGM de l'Inra
- Dossier Inra
- Dossier Cirad