Une usine de transformation du carbone et de l'azote

© CNRS Photothèque / DEVEZ Alain R
Le sol et ses habitants - macrofaune, racines des plantes, mésofaune, microorganismes - sont responsables de nombreux processus impliqués dans les grands cycles biogéochimiques (carbone, azote…) et jouent donc un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes.
Les microorganismes du sol sont par exemple producteurs de plus de 200 milliards de tonnes de CO2 par an. Certains d’entre eux émettent ou consomment du méthane atmosphérique, d’autres fixent l’azote atmosphérique, réduisent des formes oxydées de l’azote, en émettant des gaz impactant la chimie de l’atmosphère et pouvant avoir un rôle dans l’effet de serre (N2O notamment), ou agissent en tant qu’agents de la dégradation de nombreux polluants et déchets organiques.
Les schémas ci-dessous illustrent - de manière synthétique - le rôle de la diversité de la communauté microbienne du sol dans le cycle du carbone (respiration et dégradation de la matière organique) et dans le cycle de l’azote (nitrification, dénitrification).
Le cycle de l'azote
Le cycle du carbone
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Aide à la conception des schémas et validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
- Bretagne Environnement
- Revue Biofutur « L’écologie microbienne des sols » juillet-août 2006, n° 268, p22-57, reprise par « Le Point », mensuel de l’Inra n°128, automne 2006 « l’écologie microbienne du sol, vers une approche intégrée ». Article « Coupler isotopes stables et outils moléculaires en écologie microbienne »
Une usine de dépollution

© Bruno Locatelli (www.locatelli1.net)
Le sol et la diversité de ses êtres vivants jouent un rôle majeur dans l’épuration et la régulation du milieu. Il s’agit d’un excellent filtre contre la pollution capable d’absorber et de dégrader ou recycler nos rejets et déchets jusqu’à un certain seuil. La qualité de l’eau qui migre vers les nappes souterraines dépend ainsi de l’aptitude du sol qu’elle traverse à éliminer les matières polluantes qu’elle contient. La biodiversité du sol est au centre de ce processus d’épuration. Elle peut agir de différentes façons. De nombreux organismes, des plantes aux bactéries et champignons, y sont impliqués. Avec des redondances fonctionnelles qui sont utiles pour faire face aux agressions du milieu comme par exemple, les perturbations chimiques.
Le type d’épuration du milieu par les microorganismes (bactéries, champignons, etc.) varie en fonction des espèces microbiennes impliquées : jouer sur la mobilité et la fixation des métaux (biosorption) ; transformer certains polluants, les faisant passer à l’état volatil (biovolatilisation) ; extraire parfois des métaux de milieux où ces derniers sont normalement insolubles (biolixiviation). Les microorganismes peuvent aussi tout simplement dégrader certains polluants comme les hydrocarbures (biodégradation).
© Stephan Hättenschwiler
Par ailleurs une grande diversité de microorganismes impliqués dans une même fonction d’épuration peut permettre par échange ou combinaison de gènes, de créer de nouvelles enzymes de dégradation spécifiques à de nouvelles molécules chimiques
La phytoremédiation
L’épuration du milieu peut également se faire par les plantes, par les zones humides et les bandes enherbées par exemple, ou plus particulièrement par les parties souterraines de certaines plantes qui sont capables d’absorber métaux lourds, pesticides, solvants… Il s’agit alors de phytoremédiation.
© Manuelle Roville
Plus précisément certaines plantes absorbent les polluants par les racines puis les accumulent dans leurs parties aériennes (tiges et feuilles). Il s’agit de plantes hyperaccumulatrices capables de prélever les métaux lourds (plomb, nickel, cadmium, zinc…), non biodégradables (cas de Thlaspi caerulescens, de la moutarde, du tabac...). On parle alors de « phytoextraction ».
© Amélie Rochedreux
D’autres végétaux stabilisent les polluants. C’est la phytostabilisation. Ces derniers sont piégés, absorbés ou précipités ce qui diminue leur mobilité et évite leur dispersion. D’autres plantes encore volatilisent - phytovolatilisation - les polluants du sol sous une forme non toxique.
Il existe enfin des végétaux qui dégradent ces molécules et les transforment en substances non toxiques, via des réactions enzymatiques dans le sol ou dans la plante. Il s’agit de la phytodégradation qui s'applique principalement aux composés organiques et aux hydrocarbures (cas de Armoracia rusticana dont les racines peuvent produire des péroxidases).
Depuis 2000, dans le cadre du programme de recherche européen Phytodec, des chercheurs se sont intéressés à l’évaluation des capacités de plusieurs espèces de plantes à dépolluer des sédiments contenant des métaux lourds tels que le zinc, le plomb, le cuivre et le cadmium. Des campagnes d’études ont été réalisées avec du blé et du colza, puis avec du tabac et de la moutarde. Les plants de moutarde et de tabac obtiennent le meilleur rendement d’extraction. Environ 20% du zinc, 60% du cadmium et 40% du plomb contenus dans les échantillons de sédiments ont ainsi été extraits du sol.
© L. BESSOL / MNHN
Actuellement la phytoremédiation se développe de plus en plus pour dépolluer des sols contaminés (friches industrielles…) ou extraire des mines des métaux lourds.
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)
- Données sur la phytoremédiation : données provenant de la thèse de Christophe Schwartz, 1994, « Phytoextraction des métaux pollués par la plante hyperaccumulatrice Thlapsi caerulescens », Institut national polytechnique de Lorraine (INPL)
- Revue Biofutur « L’écologie microbienne des sols » juillet-août 2006, n° 268, p22-57, reprise par « Le Point », mensuel de l’Inra n°128, automne 2006 « l’écologie microbienne du sol, vers une approche intégrée ». Article « Relations biodiversité-fonctionnement chez les microorganismes du sol »