
Climat et biodiversité


Biodiversité et climat : des conclusions sans appel
Aujourd'hui, notre planète entre dans une nouvelle ère. Elle se réchauffe et le doute ne semble plus permis : les activités humaines en sont en grande partie responsables. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), qui a reçu en 2007 le Prix Nobel de la paix pour ses travaux, est formel. Cette émanation de deux organismes de l'ONU - l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) - a rendu son quatrième rapport en novembre 2007 et prédit une augmentation moyenne de la température de la planète comprise entre 1,4°C et 6,4°C. Si les émissions de gaz à effet de serre devaient se poursuivre à un rythme identique ou supérieur au rythme actuel, elles induiraient de nombreux changements au cours du 21e siècle. D'ici la fin du siècle, le niveau moyen des mers devrait augmenter de 18 à 59 cm selon les différents scénarios envisagées. C'est sur les terres émergées et aux hautes latitudes nord que le réchauffement devrait être le plus marqué et c'est dans l'océan Austral et dans certaines parties de l'Atlantique nord qu'il devrait être le moins prononcé. D'autres changements sont prévus, comme une augmentation de l'acidité des océans, une diminution de la couverture neigeuse et de la banquise, de fortes précipitations et des vagues de chaleur plus fréquentes, des cyclones tropicaux plus intenses et un ralentissement des courants océaniques. Résultat, sur la base de faits observés sur tous les continents et dans la plupart des océans, de nombreux systèmes naturels sont et seront touchés par les changements climatiques. On annonce même la disparition probable de 25% des espèces animales et végétales d'ici à 2050 (15 à 37% selon la Revue Nature, 20 à 30% selon le rapport du Giec).© CNRS Photothèque / IPEV / PIERRE Katell© CNRS Photothèque / VINCENT Christian
Impact du changement climatique sur la biodiversité
Pour bien comprendre les enjeux, penchons-nous d'abord sur les relations étroites qui peuvent exister entre la biodiversité et le changement climatique. Comment ce dernier influence-t-il la biodiversité ? De quatre manières différentes : © CNRS Photothèque / JOURDAIN Bruno
- les changements de concentration en CO2 de l'atmosphère, les modifications des températures et celles des précipitations, touchent le métabolisme et le développement des animaux, la croissance, la respiration, la composition des tissus végétaux et les mécanismes de photosynthèse (croissance des plantes grâce à l'énergie du soleil et l'absorption de CO2). Les conséquences peuvent être variées. Par exemple, la modification d'un seul paramètre (température, humidité, composition chimique de l'atmosphère) peut favoriser le développement d'une espèce présente au détriment des autres qui jusque là vivaient en bonne entente !
- les cycles de vie de la faune et de la flore (les périodes de migrations, de reproduction, de floraisons, de pontes, etc.) peuvent s'allonger ou se raccourcir, débuter plus tôt ou plus tard, etc. Ce qui peut se révéler problématique, par exemple pour les arboriculteurs qui risquent de voir les arbres fruitiers fleurir trop tôt dans la saison et souffrir des gelées tardives. Le rendement en sera évidemment affecté.
- les régions où les différentes espèces animales et végétales ont élu domicile risquent fort d'être touchées. Par exemple, si les températures augmentent, végétaux et animaux vont migrer vers d'autres lieux qui leur conviennent mieux. On estime qu'un accroissement annuel de température de 3°C en zone tempérée, engendre un déplacement des isothermes de 300 à 400 kilomètres vers les pôles et de 500 mètres en altitude.
- certaines espèces n'arriveront pas à s'adapter au changement climatique. Elles risquent de disparaître. Evidemment le climat n'est pas le seul responsable: déforestation, agriculture intensive, pollution jouent également un rôle.
Le Giec a évalué les effets des changements climatiques en analysant 2500 publications scientifiques. Sur un total de 59 espèces de plantes, 47 d'invertébrés, 29 d'amphibiens et de reptiles, 388 d'oiseaux et 10 de mammifères retenues, 80% d'entre elles ont déjà eu à subir un changement imputable au réchauffement planétaire : une variation des dates de reproduction, une modification du régime migratoire ou des zones de distribution, ou bien encore des variations de la taille corporelle.
En raison de ces liens étroits, la biodiversité d'un très grand nombre d'écosystèmes est aujourd'hui menacée par la hausse des températures, la fonte des glaces, ou les modifications de la composition de l'atmosphère à venir. Et ces écosystèmes eux mêmes sont en danger. Or, ce sont eux qui ont influencé les modes de vie de l'espèce humaine. Eux qui ont contribué à dessiner les paysages qui nous entourent et la diversité des espèces qui y habitent, eux aussi qui ont contribué à l'agriculture et à l'alimentation humaine, eux enfin qui ont assuré la qualité de notre santé et modelé nos civilisations, notre culture et notre économie.© CNRS Photothèque /IPHC/ CEPE/HANDRICH Yves© CNRS Photothèque /IPEV / DELBART Franck
Impact de la biodiversité sur le changement climatique
Mais il ne faut pas oublier que si les changements climatiques ont un impact certain sur la biodiversité et les milieux qui lui sont associés, l'inverse est également vrai. Les changements de la diversité biologique à l'échelle des écosystèmes et des paysages devraient à leur tour influer sur le climat local et mondial en modifiant l'absorption et l'émission des gaz à effet de serre, l'évapotranspiration (quantité d'eau totale transférée du sol vers l'atmosphère par l'évaporation au niveau du sol et par la transpiration des plantes) ainsi que l'albédo (rapport de l'énergie solaire réfléchie par une surface sur l'énergie solaire incidente) qui joue sur la température.
De même, des changements de la structure des communautés biologiques des couches océaniques supérieures pourraient modifier l'absorption de CO2 par les océans et créer des effets positifs ou négatifs sur les changements climatiques.© CNRS Photothèque/ OLIVIERI Isabelle
La diversité biologique peut donc réduire les conséquences des changements climatiques. En adoptant des stratégies liées au maintien de la biodiversité – gestion des habitats des espèces menacées, création de refuges, création de réseaux d'aires protégées, sur Terre comme en mer, maintien des écosystèmes indigènes etc. –, l'Homme peut améliorer la résistance des écosystèmes humains et naturels aux changements climatiques à venir.
La biodiversité peut également grâce à l'agriculture et à la sylviculture atténuer par endroit la croissance de la quantité de CO2 dans l'atmosphère par la création de puits de carbone (forêts, haies...) © CNRS Photothèque/ IPEV/FRENOT Yves
Rédaction :
Françoise Harrois-Monin (Journaliste scientifique)
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier - Université Montpellier 2)
Sources de l'article
- Compte rendu de la 9e réunion du SBSTTA, l'Organe subsidiaire de conseil scientifique, technique et technologique de la Convenstion sur la diversité biologique (CDB) (Montréal, 10-14 Novembre 2003)
- « La nature menacée en France ? en savoir plus pour agir ». Publication du Réseau Action Climat France, France nature environnement, WWF, LPO et Greenpeace
- « The amazon's vicious cycles 2007 », rapport du WWF (Daniel C. Nepstad)
- « Science et Avenir » Hors Série N°150 « le Réchauffement Climatique », Mars 2007
- Rapports de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment)
- Site du ministère des Affaires étrangères
- Brochure « La diversité biologique et les changements climatiques » de la Convention sur la diversité biologique
- Wilfried Thuiller (Laboratoire d'Ecologie Alpine CNRS/université Joseph Fourier Grenoble1) - « Science et Avenir » Hors Série N°150 « le Réchauffement Climatique », Mars 2007
- « Les changements climatiques et la biodiversité », document technique V du GIEC, Avril 2002