Biodiversité : des gènes, des espèces et des écosystèmes
La biodiversité représente la diversité de toutes les formes du vivant, c'est-à-dire la totalité des gènes, des espèces et des écosystèmes. Elle se caractérise à trois niveaux :© IRD Photothèque / Carrière, Stéphanie
La diversité génétique recouvre la diversité des gènes de tous les organismes vivants. Les gènes (composés d’ADN) permettent la transmission des caractères propres à une espèce. La diversité des gènes reflète la diversité des caractères d’une population (par exemple la couleur des yeux ou la résistance à une maladie). La diversité génétique comprend les caractéristiques des gènes et leur répartition au sein d’une espèce (diversité intra-spécifique) mais aussi entre différentes espèces (diversité inter-spécifique).
La diversité spécifique, c’est-à-dire la diversité des espèces exprimées par :© Bruno Locatelli (www.locatelli1.net)
- le nombre d’espèces vivantes
- la position des espèces dans la classification du vivant
- la répartition en nombre d’espèces par unité de surface et les effectifs de chaque espèce.
La diversité écosystémique, c’est-à-dire la diversité des écosystèmes. Les écosystèmes sont des ensembles d’organismes vivants (y compris les êtres humains) qui forment une unité fonctionnelle par leurs fortes interactions entre eux et avec le milieu ambiant (air, terre, eau…) : par exemple les déserts, les forêts, les océans. La diversité écosystémique caractérise la variabilité des écosystèmes, leur dispersion sur la planète et reflète la richesse des relations structurelles et fonctionnelles entre les espèces, les populations et avec les écosystèmes.© H. Duval / Inra
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Robert Barbault (Directeur du département « écologie et gestion de la biodiversité » du Muséum national d’histoire naturelle)
Qu’en pensent certains spécialistes français et étrangers ?
Robert Barbault (Directeur du département « Ecologie et gestion de la biodiversité » du MNHN) :
« Ainsi, la diversité biologique apparaît comme quelque chose d’omniprésent, de consubstantiel à la vie, mais aussi comme quelque chose de complexe, de dynamique. Elle s’enracine dans les systèmes moléculaires qui contrôlent l’activité et la multiplication des cellules et, par là, les performances des organismes – notamment leur reproduction. A l’échelle des populations, au sein des espèces, elle se déploie dans la variabilité interindividuelle, qui garantit les capacités d’adaptation et d’évolution des espèces. Ainsi se prolonge-t-elle naturellement, fruit d’une longue histoire évolutive, dans la profusion des espèces, pour s’exprimer enfin dans la structuration et les dynamiques des systèmes écologiques complexes qui constituent la biosphère »
Jacques Blondel (Directeur de recherche émérite au CNRS) : « Le concept de biodiversité, avec tous les enjeux et défis qu’il véhicule sur les plans scientifique, sociologique, économique et politique, est directement lié à la crise de l’environnement. Cette crise, dont l’ampleur apparaît chaque jour plus sérieuse et menaçante pour l’avenir des sociétés, s’est peu à peu cristallisée dans le monde scientifique et politique ainsi qu’auprès du grand public au point de devenir aujourd’hui un problème majeur de société. Longtemps confinée dans la seule sphère des sciences de la nature, la biodiversité pénétra le champ des sciences de l’homme et de la société lors de la Convention sur la diversité biologique (CDB) de la Conférence de Rio (1992) sur l’environnement et le développement, ce qui étendit considérablement son sens et explique qu’on lui ai donné plus d’une centaine de définitions ».
Jean-Jacques Brun (Directeur de recherche au Cemagref) : « La biodiversité représente pour moi un « réseau complexe d'espèces et d'habitats en interdépendance ». Elle est le « moteur » du Vivant, la source et le gage de la pérennité des autres ressources. Désormais les scientifiques du vivant savent que la simple connaissance de la présence et absence d'espèces est insuffisante. En effet les caractéristiques et le fonctionnement des écosystèmes sont également déterminées par les interactions entre les espèces »
(Source : La biodiversité : un enjeu mondial, une question de société..., Cemagref)
Michel Chauvet (Directeur de recherche à l’Inra) et Louis Olivier (Directeur du Parc national des Cévennes) : « Biodiversité est un synonyme de diversité biologique. Sous cette notion très globale, on entend la diversité que présente le monde vivant à tous les niveaux : la diversité écologique ou diversité des écosystèmes ; la diversité spécifique ou diversité interspécifique ; la diversité génétique ou diversité intraspécifique. »
Jean-Claude Lefeuvre (Ancien président de l’Institut français de la biodiversité) : « Dans les années 80, le monde scientifique prenait conscience que l’on ne pouvait traiter de la diversité biologique sans référence au développement durable et que, pour ce faire, il fallait que sciences de la nature et sciences de l’homme et de la société apprennent à travailler ensemble. Les scientifiques ont aussi réalisé que préservation de la diversité génétique et maintien des processus écologiques indispensables à la production des ressources, à la santé et à d’autres aspects de la survie et du développement durable, nécessitaient une réflexion plus globale regroupant sous le terme de «diversité biologique» - ou biodiversité - aussi bien la diversité génétique que celle des écosystèmes ».
Christian Lévêque (Directeur de recherche à l’IRD) et Jean-Claude Mounolou (Professeur à l’université Paris-Sud-Orsay) : « De fait, la biodiversité est un problème d’environnement qui a émergé au début des années 1980, et culminé lors de la conférence sur le développement durable qui s’est tenu à Rio en 1992. En cette fin de 20e siècle, les hommes prenaient conscience de leur impact sans précédent sur les milieux naturels, et des menaces d’épuisement des ressources biologiques. Mais, simultanément, on mesurait que la diversité biologique était une ressource indispensable, pour les industries agroalimentaires et pharmaceutiques en particulier. Se posaient donc des questions d’éthique en matière de conservation de la diversité biologique ou de prises de brevets sur le vivant. La biodiversité est ainsi devenue le cadre de réflexion et de discussion dans lequel on a revisité l’ensemble des questions posées par les relations que l’homme entretient avec les autres espèces et les milieux naturels ».
Jacques Weber (Ancien directeur de l’Institut français de la biodiversité) : « Chacun de nous connaît la biodiversité : le bébé panda et les espèces en danger… Pour le monde de l’écologie scientifique, ce n’est pas que cela. Lorsque vous aurez mis l’intégralité des espèces de la planète dans de petites boites, vous aurez perdu la biodiversité, puisque la biodiversité est définie comme la dynamique des interactions entre organismes vivants dans des milieux eux-mêmes en changement.
Si ce matin vous avez eu la chance de déjeuner, vous n’avez consommé que des produits issus de la biodiversité. L’ensemble de vos vêtements provient de la biodiversité. Et si vous avez consommé des éléments de la biodiversité ce matin et les avez correctement digérés, c’est grâce à la collaboration de quatre kilos de bactéries intestinales en moyenne. […]. Nous avons un regard complètement faussé par l’idée que nous nous faisons de notre place dans ou à coté du monde vivant. […] Nous sommes dans le monde vivant, nous ne sommes pas à coté : nous participons de ces interactions entre organismes. Et si j’insiste là-dessus, c’est parce que je crois que nous avons besoin de changer de regard sur le vivant : nous sommes en interdépendance avec le reste du monde vivant, dans un système de « dettes mutuelles », et à l’oublier trop vite, nous risquons tout simplement notre survie »
Edward Wilson (Entomologiste et professeur américain à l’Université d’Harvard) : « La façon la plus simple de définir la biodiversité est de la présenter comme la diversité de toutes les formes du vivant. Pour un scientifique, c’est toute la variété du vivant, étudiée à trois niveaux : les écosystèmes, les espèces qui composent les écosystèmes, et, enfin, les gènes que l’on trouve dans chaque espèce.
Le gène est l’unité fondamentale de la sélection naturelle, donc de l’évolution. Mais, quand on étudie la biodiversité sur le terrain, l’espèce est l’unité la plus accessible. On n’a pas le temps d’aller jusqu’aux gènes. Et, bien que le concept d’espèce rencontre certaines difficultés, sur le terrain il fonctionne très bien : il désigne les populations d’individus capables de se reproduire entre eux.
Mais la biodiversité réelle est la diversité génétique : la différence entre les gènes de deux individus d’une même espèce est la variation biologique la plus fondamentale. »
Phrases de la biodiversité
« La diversité n’est rien d’autre que l’assurance-vie de la planète ». (Nicolas Hulot, reporter et écrivain, préface du livre de Robert Barbault « Un éléphant dans un jeu de quille »)
« La biodiversité est la totalité de toutes les variations du vivant ». (Edward Wilson, entomologiste américain et professeur à l’Université d’Harvard, 1988)
« La biodiversité est la ressource vivante de la planète ». (Paul Ehrlich, entomologiste américain et professeur à l’université de Stanford)
« La biodiversité est la variabilité totale de la vie sur Terre » (Vernon Heywood, botaniste britannique et professeur à l’université de Reading, 1995)
« L’ensemble des gènes, populations, espèces et le faisceau d’interactions qui en découle ». (Daniel Janzen, écologue américain)
« Ce terme devrait signifier la diversité à tous les niveaux d’organisation, mais il est souvent employé uniquement dans le sens de la diversité des espèces c’est-à-dire le nombre d’espèces, leur abondance relative et leurs différentes mesures ». (Thomas Lovejoy, biologiste américain spécialiste de l’Amazonie)
« La somme totale des plantes, animaux, champignons et microorganismes dans le monde incluant leur diversité génétique et les manières dont ils s’assemblent en communautés et en écosystèmes ». (Peter Raven, écologue et botaniste américain)
« La biodiversité est la variété de la vie à tous les niveaux d’organisation depuis la diversité génétique, les populations et les espèces, qui doivent être considérées comme l’unité fondamentale de la classification, jusqu’aux écosystèmes. Ces niveaux peuvent être traités et sont traités soit séparément, soit conjointement pour donner une vision globale. Et chacun peut être traité localement ou globalement ». (Edward Wilson, entomologiste et professeur américain à l’Université d’Harvard)
Quelle est votre définition de la biodiversité ? Le point de vue en images de quelques spécialistes.
Rédaction :
Manuelle Rovillé (Chargée de mission à l’Institut français de la biodiversité)
Validation scientifique :
Robert Barbault (Directeur du département « écologie et gestion de la biodiversité » du Muséum national d’histoire naturelle)
- Données de Robert Barbault (Directeur du département « écologie et gestion de la biodiversité » du Muséum national d’histoire naturelle)
- Citation Robert Barbault : Des baleines, des bactéries et des hommes, édition Odile Jacob, Paris, 1994
- Citation Jacques Blondel : Biodiversité et sciences de la nature, 23-36, In P. Marty et al (eds) Les biodiversités. Objets, théories, pratiques. CNRS éditions, Paris
- Citation Jean-Jacques Brun
- Citation Michet Chauvet et Louis Olivier : La Biodiversité. Enjeu planétaire, Sang de la Terre. 1993
- Citation Jean-Claude Lefeuvre : Actes des Journées de l’Institut français de la biodiversité, Tours, 18-20 décembre 2003
- Citation Christian Lévêque et Jean-Claude Mounolou : Biodiversité. Dynamique biologique et conservation, Dunod, Paris. 2001
- Citation Jacques Weber : Les 16e Entretiens écologiques du Sénat, Valeurs vertes, le magazine du développement durable, décembre 2007
- Citation Edward Wilson : La recherche « biodiversité » juillet-octobre 2007