imprimer

Des plantes pour soigner le cancer
Pervenche, if et Cie contre les tumeurs

© CNRS Photothèque / BOURGEOIS Caroline

© CNRS Photothèque / GUENARD Daniel, GUERITTE Françoise, SEVENET Thierry
Les différentes formes de cancer représentent un fléau majeur. Ici aussi, les principes actifs issus des plantes supérieures jouent toujours un rôle primordial dans les progrès de la chimiothérapie.

L'un des premiers succès dans ce domaine résulte de l'étude de la pervenche tropicale de Madagascar, Catharanthus roseus. Cette découverte fortuite a permis à certains pays (notamment les Etats-Unis et son National Cancer Institute (NCI)) de se lancer dans plusieurs programmes de recherche systématiques de plantes à activités anticancéreuses. Par exemple, un arbre originaire de Chine, Camptoteca acuminata (Nyssaceae), planté dans les jardins botaniques californiens, se révèlera actif sur des tumeurs cancéreuses.
Au cours de cette même campagne, conduite entre 1962 et 1965 par le NCI, les chercheurs mettront également en évidence l'activité antitumorale d'extraits d'écorces de l'if du Pacifique. De même, des chercheurs français trouveront des molécules actives intéressantes dans les aiguilles de l'if d'Europe.
On peut également évoquer Sarcomelicope follicularis (Rutaceae), plante de Nouvelle-Calédonie qui a permis l'isolement de dérivés de l'acronycine, alcaloïde antitumoral.
La liste ne s'arrête pas là et comporte de nombreuses molécules d'origine animale
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier – Université Montpellier 2)
- Textes de conférences « Les médicaments d’aujourd’hui et de demain sont dans la nature » de François Tillequin (Professeur à l’Université René Descartes Paris 5, Unité mixte de recherche CNRS « Synthèse et Structure de Molécules d'Intérêt Pharmacologique »)
- CNRS Info n° 399 Janvier - Février 2002
Illustration 1 : La pervenche de Madagascar contre le cancer

© CNRS Photothèque / CONREUR Roland
La première découverte de produits naturels anticancéreux est le fruit du hasard. Il s'agit d'une plante rencontrée dans toutes les zones tropicales, Catharanthus roseus, la pervenche de Madagascar, nommée par Linné Vinca rosea.
Cette plante jouissait à Madagascar d'une réputation antidiabétique. En 1957, en voulant vérifier le bien fondé de cet emploi traditionnel, des chercheurs canadiens en injectèrent un extrait à des souris. Ils n'observent aucun abaissement du taux sanguin de glucose (ce qui caractérise une action contre le diabète), mais mettent en évidence une forte diminution du nombre de globules blancs des animaux traités. D'où l'idée, pour traiter les leucémies, d'utiliser les principes actifs de cette plante. Des chercheurs américains les isoleront quelques années plus tard : la vinblastine et la vincristine sont les substances responsables de la chute des globules blancs.
© IRD Photothèque / Campa, Claudine
La voie de la synthèse
A l'époque ces deux grosses molécules sont impossibles à synthétiser de manière rentable, et il est difficile de les extraire, compte tenu de leur faible teneur dans la plante. (environ 25g/tonne de plantes pour la vinblastine et 2g/tonne pour la vincristine). Néanmoins, la culture et l'extraction sont mises en place et un produit très cher sera commercialisé vers les années 1966-1967.
Ce sont les recherches d'une équipe française qui permettront, en 1979, de réaliser, à partir d'alcaloïdes plus simples présents en plus grande quantité dans cette même plante, une synthèse rentable de ces produits. Suivront des analogues structuraux, plus efficaces et moins toxiques, tels que la Navelbine® qui s'impose encore actuellement dans les traitements anticancers, ou la vinflumine, dérivé fluoré.
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier – Université Montpellier 2)
Source :
Textes de conférences « Les médicaments d’aujourd’hui et de demain sont dans la nature » de François Tillequin (Professeur à l’Université René Descartes Paris 5, Unité mixte de recherche CNRS « Synthèse et Structure de Molécules d'Intérêt Pharmacologique »)
Illustration 2 : Un arbre chinois contre le cancer

© Thierry GENEVET - M.N.H.N.
Au début des années 1950, un important programme de recherches systématiques, portant sur plusieurs milliers de végétaux, est mis en place aux Etats-Unis afin de découvrir des précurseurs naturels de la cortisone dont la synthèse industrielle constituait un défi pour les chimistes.
Bon nombre d'extraits préparés à cette époque sont conservés puis réutilisés, au début des années 1960, lors d'une campagne de recherche de composés anticancéreux. Un extrait, obtenu à partir des écorces et du bois d'un arbre originaire du sud de la Chine et planté dans quelques jardins botaniques californiens, Camptotheca acuminata, montre alors une remarquable activité contre diverses tumeurs chez les rongeurs.
Des chercheurs américains en isoleront, en 1966, le principe actif : la camptothécine. Très toxique, il se révélera inutilisable pour des thérapies humaines. De plus, son mécanisme d'action n'est pas encore établi, ce qui rend difficile l'élaboration de nouveaux dérivés.
La modification par la chimie
En 1985, le mécanisme d'action de la camptothécine est enfin mis en évidence, ce qui a permis d'élaborer deux analogues synthétiques, l'irinotécan (Japon) et le topotécan (Etats-Unis). Ils montrent une bonne activité sur les tumeurs et une toxicité réduite.
Ces deux produits sont préparés par modification chimique de la camptothécine, peu abondante chez Camptotheca acuminata. Une nouvelle source d'extraction sera alors identifiée dans une plante asiatique (indienne), Nothapodytes foetida (Wight) Sleumer (Icacinaceae), qui est beaucoup plus riche en cette molécule et fournit aujourd'hui la majorité de la matière première industrielle.
À la fin des années 1990, l'irinotécan et le topotécan sont enfin introduits en thérapeutique pour le traitement des cancers du côlon, de l'ovaire et du sein.
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier – Université Montpellier 2)
Source :
Textes de conférences « Les médicaments d’aujourd’hui et de demain sont dans la nature » de François Tillequin (Professeur à l’Université René Descartes Paris 5, Unité mixte de recherche CNRS « Synthèse et Structure de Molécules d'Intérêt Pharmacologique »)
Illustration 3 : l'if du Pacifique et l'if d'Europe, à l'origine d'un même médicament

© Michel MORIN - MNHN

Au cours de la grande campagne de recherche systématique de plantes à activité anticancéreuse, conduite entre 1962 et 1965, le National Cancer Institute américain (NCI.) mit en évidence l'efficacité d'extraits d'écorces de l'if du Pacifique, Taxus brevifolia, arbre très toxique. Des chercheurs en isolèrent le principe actif, Taxol® ou paclitaxel, en 1967. Son mécanisme d'action fut déterminé en 1979.
Extraits du film "Le docetaxel, une molécule porteuse d'espoir"
1994, 21mn23
auteur : Georges Roussi
réalisateurs : Serge Guyon, Georges Roussi
production : CNRS/Rhône-Poulenc Rorer/université Paris XI
notice du film
Malgré son réel intérêt thérapeutique, le Taxol®, molécule très complexe, n'est pas synthétisable à l'échelle industrielle. Présent en très faible quantité dans les écorces de l'if du Pacifique (7-10 tonnes d'if pour 1kg de Taxol®), son extraction est un désastre écologique puisque la récolte des écorces entraîne la mort des arbres dont la croissance est très lente (1 arbre centenaire = 3kg de Taxol®). De ce fait, son utilisation fut très vite interrompue, sa production signifiant disparition de l'espèce.

C'est alors que des chercheurs français montrèrent que les aiguilles de l'if d'Europe, Taxus baccata (toxique), source renouvelable chaque année contrairement à l'écorce, contenaient un composé de la même série chimique, le désacétylbaccatine, facilement convertible en Taxol®. Ils découvrirent également un composé voisin, le Taxotère® ou docetaxel, dont l'activité fut encore plus intéressante que celle du Taxol®.
Ces travaux permirent l'application clinique du Taxol® aux Etats Unis en 1988, et celle du Taxotère® en France, à partir de 1991. Les deux produits sont aujourd'hui commercialisés et permettent de traiter certaines formes de cancers du sein et de l'ovaire.
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier – Université Montpellier 2)