imprimer

Changement climatique : quel devenir pour les maladies ?
Biodiversité et maladies infectieuses : le rôle du climat

© Bruno Locatelli (www.locatelli1.net)
Le changement climatique avec les modifications de la température, des précipitations, de l’humidité qu’il entraîne, pèse sur le devenir de certaines maladies infectieuses et parasitaires qui affectent l’ensemble du monde vivant.
Ce changement influence les aires de distribution des espèces qui remontent en latitude comme en altitude, perturbe la composition des écosystèmes et les interactions des espèces entre elles. Il agit sur les cycles de nutrition et de vie des organismes (vitesse de développement, nombre de cycles annuels…), sur leurs systèmes de défense et de reproduction, sur la floraison des plantes, sur la date de migration des oiseaux, sur la durée d’activité des insectes…
Il intervient donc sur la répartition, l'abondance, le comportement, la dynamique, la structuration génétique des populations d’espèces vectrices et réservoirs. Il agit également directement sur les virus, bactéries ou parasites pathogènes, en sélectionnant des populations les mieux adaptées aux conditions environnementales qui pourront s'avérer plus ou moins virulentes. Enfin, le changement climatique peut modifier les relations que les agents pathogènes, les vecteurs et les espèces réservoirs entretiennent entre eux.
© IRD Photothèque / Dukhan, Michel© IRD Photothèque / Lemasson, Jean-Jacques
Plusieurs études scientifiques récentes ont montré l’incidence possible de la température, de la sécheresse et de la pluviométrie sur l’évolution géographique et temporelle des maladies infectieuses et parasitaires (choléra, paludisme, dengue...).
Comme on attend, dans les années à venir, une augmentation significative de la température, il faut envisager les conséquences sur l’extension géographique de nombreuses maladies infectieuses et notamment celles transmises par des animaux vecteurs (paludisme, dengue).
© CNRS Photothèque / Le Tourneau, François-Michel
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier – Université Montpellier 2)
Illustration 1 : le cas de la France
Deux rapports, l’un de l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et l’autre du Mies (Mission interministérielle de l'effet de serre) révèlent qu’en France, plusieurs maladies sont à surveiller en priorité, car elles pourraient évoluer et s’amplifier sur le territoire, surtout au sud, en fonction des changements climatiques. Il s’agit principalement de maladies qui se transmettent par des vecteurs, tiques et moustiques.
Les maladies liées aux tiques
Les maladies liées aux tiques, comme les babébioses pourraient se multiplier, en liaison avec l’évolution des populations d’espèces réservoirs tels que les mulots, les campagnols, les cervidés (etc.) qui nourrissent les populations de tiques.© IRD Photothèque / Trape, Jean-François
Les maladies liées aux moustiques et à certains petits insectes
La fièvre de la vallée du Rift a été découverte en Afrique orientale. Il s’agit d’une maladie virale qui touche les ruminants domestiques (vaches, moutons, chèvres, etc.) et peut contaminer l’espèce humaine. Elle est transmise par piqûre de moustiques (3 espèces) ou par contact direct avec l’animal malade. Une des trois espèces vectrices, Aedes, lègue le virus à ses œufs. L'émergence d'épidémies coïncide généralement à des périodes de fortes pluies succédant à des années de sécheresse qui permettent l’éclosion des oeufs et l’amplification de l’activité des moustiques infectés. Plus que la température, c’est l’incidence des changements climatiques sur la pluviométrie qui pourrait moduler l’incidence de cette maladie. Une politique de désinsectisation et de vaccination des animaux sensibles permettrait de maîtriser l’épidémie. Le risque pour la France peut donc être considéré comme faible.
© Bruno Locatelli (www.locatelli1.net)
Le virus West Nile (ou virus de la fièvre du Nil occidental) est transmis par les moustiques, essentiellement du genre Culex. Les oiseaux sont les principaux hôtes amplificateurs de ce virus, qui peut ensuite passer, via les moustiques, aux mammifères, hommes et chevaux compris. Il est largement répandu dans le monde et provoque dans le bassin méditerranéen des épidémies de méningo-encéphalites parfois mortelles chez l’Homme.
Importé épisodiquement en Camargue par les oiseaux migrateurs, ce virus pourrait à l’avenir, se manifester plus fréquemment qu'aujourd'hui. Le risque de réapparition d’épidémies est déclaré élevé. Avec la modification des écosystèmes, des espèces vectrices, jusqu’alors exotiques, pourraient s’installer en France. L’augmentation des températures pourrait également changer la durée et les trajets de migration des oiseaux et favoriser ainsi la transmission des virus.
© James Gathany. Public Health Image Library
La leishmaniose est une maladie parasitaire due à des protozoaires appartenant au genre Leishmania. Transmise par de petits insectes, les phlébotomes, très répandue dans le monde et présente dans le sud de la France, cette maladie affecte les animaux et l’espèce humaine. Elle a pour réservoirs certains mammifères domestiques ou sauvages comme les chiens, les renards, les rongeurs, etc. La maladie présente des formes cutanées ou viscérales.
L’extension de la leishmaniose viscérale est liée à des paramètres climatiques (dont le réchauffement) et humains (aménagement du territoire), favorables au développement des phlébotomes, qui jouent sur la distribution spatiale des vecteurs et sur le cycle biologique du parasite. Le risque d’extension apparaît comme élevé en France.
La fièvre catarrhale ovine et la peste équine sont également des maladies infectieuses virales à surveiller, car elles présentent un risque potentiel d’émergence sur le territoire français.
Il est donc nécessaire de maintenir des systèmes de surveillance et d’alerte précoces de l’apparition des vecteurs et des maladies sur les animaux.
© Géraldine POTHET / MNHN
Les maladies dues aux bactéries
La leptospirose, maladie causée par une famille de bactéries, les leptospires, se transmet par contact avec l’urine des espèces réservoirs (principalement des rongeurs aquatiques) ou par les eaux souillées. L’eau et la température sont des facteurs essentiels de la survie de ces bactéries. Compte tenu du réchauffement climatique, cette maladie présente donc un risque potentiel d’évolution sur le territoire français.
© Michel GIGAN / MNHN
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier – Université Montpellier 2)
Illustration 2 : la pluviométrie et les maladies infectieuses
Le phénomène climatique El Niño et la fièvre hémorragique
Au sud-ouest des Etats-Unis, en 1993, une augmentation de la pluviométrie due au phénomène climatique El Niño a provoqué une production de graminées plus abondante que les années précédentes, ce qui a déréglé la chaîne alimentaire et les interactions entre espèces et a favorisé la pullulation des populations d’un petit rongeur granivore, réservoir naturel d’un hantavirus. Résultat : une forte épidémie humaine de fièvres hémorragiques.© IRD Photothèque / Gonzalez, Jean-Paul
L’émergence du choléra
Des études scientifiques soulignent que les variations climatiques influencent l’émergence du choléra. Il s’agit d’une maladie infectieuse due à une bactérie, le bacille Vibrio cholerae. Dans la nature il vit au contact de petits crustacés aquatiques, les copépodes, appartenant au zooplancton. Ces animaux microscopiques, réservoir principal de la bactérie du choléra, se nourrissent de phytoplancton. Or depuis plusieurs années le changement climatique global augmente la fréquence des pluies diluviennes, des inondations et des périodes de sécheresse. Ces variations influencent la prolifération du phytoplancton et du zooplancton et par contrecoup celle des copépodes, qui vont fortement proliférer. Résultat, la bactérie du choléra va se multiplier et avec elle les épidémies.
© CNRS Photothèque / Le Tourneau, François-Michel
Rédaction :
Manuelle Rovillé
Validation scientifique :
Serge Morand (Directeur de recherche à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier – Université Montpellier 2)