

Tous au travail pour le sol
Le sol regorge de vie. Les organismes qui y vivent sont très nombreux, extrêmement diversifiés, même au sein d'une même espèce. Tous remplissent, de façon spécifique ou redondante, un grand nombre de fonctions clés : ils fouissent, creusent, brassent, labourent, mangent, déplacent, laissent des excréments, secrètent, digèrent, libèrent des nutriments, etc. Ils interagissent en permanence entre eux ainsi qu'avec les plantes et le sol. Résultat : sa structure, sa composition, ses fonctions sont modifiées tout au long des décennies.
Dans ce ballet bien orchestré, les habitants du sol ont des rôles parfois complémentaires, parfois similaires :
- plusieurs espèces travaillent de façon complémentaire, les unes permettant aux autres d'agir. Un exemple : lors de la décomposition de la matière organique, la litière - feuilles mortes, bouts de bois, cadavres d'animaux - est réduite en petits morceaux par différents organismes de la macrofaune et mésofaune. Ces résidus sont à leur tour décomposés par un cortège de microorganismes, notamment fongiques et bactériens, qui possèdent chacun certaines activités enzymatiques.
- des organismes très différents contribuent à la même fonction sans agir pour autant de la même manière ou dans les mêmes conditions (température, pH, humidité…). Par exemple, les arthropodes et les vers de terre remuent la terre (phénomène de bioturbation). Autre exemple : certains champignons et certaines bactéries dégradent la cellulose.
- une même espèce peut jouer plusieurs rôles : pour illustration, le très commun ver de terre Lumbricus terrestris creuse des galeries - rôle dans la circulation de l'eau - et mélange la matière organique au sol en ingérant les feuilles - rôle dans le cycle du carbone. De même, certaines bactéries capables d'ôter le nitrate des sols participent aussi à la minéralisation du carbone.
Cette diversité du vivant et ses multiples fonctions permettent donc le bon fonctionnement (aération, stabilité, fertilité, productivité…), la bonne santé et le maintien de la qualité du sol. Et plus la biodiversité est grande, meilleur est le niveau de résistance aux perturbations des écosystèmes associés comme l'ont montré des études scientifiques sur les macroorganismes du sol (1) et sur les champignons décomposeurs et les champignons mycorhiziens.
Cependant très peu d'études similaires ont été conduites sur les bactéries, compte tenu des difficultés méthodologiques et de l'extrême diversité de ces communautés. Il est donc difficile de mettre des noms d'organismes en face des transformations biologiques observées à l'échelle macroscopique, ou d'évaluer le rôle de l'extrême diversité des bactéries pour le fonctionnement du sol.
En parallèle, il existe un véritable intérêt pour cette très grande diversité des communautés microbiennes parce qu'elles constituent un formidable réservoir de gènes, de fonctions et d'adaptation, dont le rôle peut se révéler central dans des situations non favorables ou extrêmes. Un exemple : la création par les bactéries d'un nouveau gène qui permet la dégradation du lindane, pesticide correspondant à une nouvelle molécule fabriquée par l'industrie.
© Janice Carr. Public Health Image Library.
(1) Loreau M. et al. 2001. Science 294, 804-8
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)
Source :
Revue Biofutur « L’écologie microbienne des sols » juillet-août 2006, n° 268, p22-57, reprise par « Le Point », mensuel de l’Inra n°128, automne 2006 « l’écologie microbienne du sol, vers une approche intégrée ». Articles « Diversité et fonction des champignons symbiotiques dans les écosystèmes forestiers », « Relations biodiversité-fonctionnement chez les microorganismes du sol » et « Coupler isotopes stables et outils moléculaires en écologie microbienne ».