imprimer

Et l’Homme dans tout ça ?
« On boit l’eau, on respire l’air, mais on ne mange pas le sol. Il ne nourrit qu’indirectement. »
Winfried Blum (Président en 2004 de l’ECSSS (European Confederation of Soil Science Societies)
Nourrir, vêtir, chauffer… les êtres humains

© Bruno Locatelli (www.locatelli1.net)
La qualité des récoltes et leur bon rendement dépendent de la qualité du sol - fertilité, productivité, durabilité - très fortement liée à sa biodiversité, c'est-à-dire à la diversité des organismes vivants (microorganismes, plantes, macrofaune, mésofaune) qui peuplent la terre. Des travaux de recherche (1) illustrent son influence directe sur la croissance des plantes et la productivité des écosystèmes, donc sur le rendement des cultures. La biodiversité du sol a ainsi une part de responsabilité non négligeable dans le maintien de notre alimentation et dans toutes les activités économiques qui découlent de l'agriculture et de l'exploitation des écosystèmes terrestres.
© Jean Weber / INRA
Cette terre qui supporte l'activité agricole est une ressource fragile qui se renouvelle très lentement. Il est donc nécessaire d'en prendre soin et de bien la protéger, en développant des pratiques agricoles qui respectent ses ressources naturelles.
Plus les terres, plus les prairies sont riches, plus les récoltes sont bonnes, plus les élevages prospères. Des terres fertiles favoriseront également des forêts productives et solides qui serviront au commerce (exploitation de bois et papier), au tourisme etc.
© Bruno Locatelli (www.locatelli1.net)
Enfin, la formation de sols stables grâce à la biodiversité permet une meilleure protection contre la désertification et la famine qui lui est associée, contre l'érosion des sols, responsable de catastrophes naturelles comme les coulées de boues, éboulements, inondations etc.
(1) Travaux de recherche de Van der Heidjen et al 1998 ; Jonsson et al 2001 ; Setala et Mc Lean 2004 et de Loreau M. et al (2001) Science 294, 804-8
Illustration : des champignons pour des fromages différents
Une forte biodiversité du sol pourra également influencer la qualité des produits dérivés de l'agriculture. Ainsi, la diversité du sol en mycorhizes - champignons microscopiques en symbiose avec les racines des plantes - influencent la diversité des espèces végétales et pourraient jouer un rôle dans la composition et la richesse des prairies, donc in fine dans la qualité des produits dérivés de l'élevage. En effet, certains chercheurs ont montré que la nature des pâturages (composition floristique des prairies) peut modifier le lait des animaux qui les broutent et de ce fait les caractéristiques des fromages !
© IRD Photothèque / Simonneaux, Vincent
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)
- Plaquette de présentation « Le sol, épiderme vivant de la terre », Planeteterre
- M.G.A. Van der Heijden, J.N. Klironomos, M. Ursic, P. Moutoglis, R.Streitwolf-Engel, T. Boller, A. Wiemken, I.R.Sanders. 1998. « Mycorrhizal fungal diversity determines plant biodiversity, ecosystem variability and productivity », Nature, vol 396.
- C. Bugaud, S. Buchin, A. Hauwuy, J.B. Coulon. 2002. « Texture et flaveur du fromage selon la nature du pâturage : cas du fromage d'Abondance »
- Bretagne Environnement
- Posters Inra / Opie : « préserver la qualité biologique des sols », « préserver les matières organiques des sols », « préserver la structure des sols cultivés »
- Revue Biofutur « L’écologie microbienne des sols » juillet-août 2006, n° 268, p22-57, reprise par « Le Point », mensuel de l’Inra n°128, automne 2006 « l’écologie microbienne du sol, vers une approche intégrée ».
Enrichir la terre des champs et des jardins
Par ailleurs, l'espèce humaine tire profit de ses connaissances de plus en plus grandes sur le fonctionnement et les spécificités de certaines espèces du sol (vers de terre, microorganismes etc.) pour développer ses capacités à les utiliser dans des contextes parfois très particuliers… les vers de terre sont les plus choyés...
© Janice Carr. Public Health Image Library.
Le compost traditionnel : les microorganismes au service de l'homme
Prenons l'exemple du compostage qui reproduit, en accéléré, la transformation des litières forestières (feuilles, plantes…) en humus, c'est-à-dire en matière organique stable. Contrôlé par l'homme, il correspond à la dégradation, sous l'action de certains microorganismes du sol, des déchets organiques (végétaux, fumiers, déchets ménagers…) en compost qui est ensuite utilisé comme engrais naturel, améliorant ainsi la fertilité et la structure des sols. Le compost, alternative à l'incinération, trouve des débouchés dans de nombreux secteurs : agriculture, espaces verts, jardins. Aujourd'hui seulement 7% des déchets ménagers sont compostés.
© Christophe Maitre / INRA
Le lombricompostage
Certaines techniques de compostage - le lombricompostage - se servent des formidables capacités des vers de terre (à 90% le ver rouge du fumier, Eisenia fetida) à transformer les matières organiques (épluchures de fruits et de légumes, restes de repas crus ou cuits, marc de café avec filtre, sachets de thé, cheveux et poils d'animaux, etc.) ou carboniques (papier, carton, coquille d'œuf, sciure, etc.).
Les vers de terre ingèrent entre la moitié de leur poids et sa totalité en déchets chaque jour. Une grosse quantité de déchets peut donc être dégradée en une journée. Le lombricompostage ne nécessite d'ailleurs que peu d'entretien (pas d'arrosage ni de retournement du compost). Enfin, les vers suppriment l'odeur de décomposition des déchets en les digérant grâce aux enzymes de leur intestin.
© Christophe Maitre / INRA
« le Lombricompostage », Emission Terre à Terre, Ruth Stegassy - France culture : invités : Patrick Lavelle (IRD) et Agnès Allard (Vers la Terre) – 6 novembre 2006
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)
- Fiche de presse Inra
- « Charte de bonnes pratiques de compostage agricole », éditée par « Trame » et les agriculteurs et les composteurs de France, avec le soutien de l’Agence de développement agricole et rural (Adar) et de l’Ademe.
- Vers la terre
Un réservoir de gènes au service de l’espèce humaine
La forte diversité microbienne, vraisemblablement apparue pour répondre aux différentes contraintes environnementales, est le fruit d’une très longue évolution. Le sol renferme donc un formidable réservoir de gènes, enrichi par certains microorganismes qui échangent entre eux du matériel génétique. Ce réservoir, largement sous exploité, peut posséder des qualités particulières utilisables par les populations humaines. Il se peut qu’on y découvre des gènes codant des enzymes détruisant certaines molécules dangereuses comme des pesticides ou des plastiques par exemple ou d’autres capables de fonctionner dans des conditions extrêmes ou nouvelles. Et d’autres encore susceptibles de couvrir des besoins humains (production de molécules pour la médecine ou la cosmétique…).
© Stephan Hättenschwiler
Or nous sommes loin de connaître toutes les espèces dont le sol regorge, surtout concernant les microorganismes. Seules 70000 espèces de champignons sont identifiées sur un total présumé de 1,5 million ! Il en est de même des plus de 1030 cellules bactériennes de notre planète, puisqu’elles recouvrent un grand nombre d’espèces dont 99% sont récalcitrantes à se multiplier en laboratoire. C'est pourquoi toute la microbiologie fondamentale, médicale et industrielle depuis Pasteur ne s’est développée que sur de rares isolats bactériens, pas forcément représentatifs des microorganismes dominants dans les milieux naturels.
© CNRS Photothèque / RAGUET Hubert
De nouvelles voies d’exploration des bactéries du sol
Cependant, depuis 1990, la microbiologie environnementale a développé une nouvelle approche, dite de métagénomique, qui permet d’étudier les bactéries grâce à leur ADN directement extrait de l’environnement, et d’élaborer des banques d’ADN. Cela a permis aux chercheurs de mieux apprécier l’étendue des ressources génétiques bactériennes contenues dans les sols, d’en identifier plus précisément certaines et d’étudier leurs fonctions.
Nous savons par exemple que la très grande diversité des bactéries peut permettre la création de nouveaux gènes rendant possible la dégradation des molécules comme le lindane, pesticide produit par l’industrie. Cette mine de ressources génétiques peut également servir à la médecine et à l’industrie, avec la mise au point de substances (médicales (insuline), cosmétiques, etc.) produites à partir de bactéries en laboratoire.
© CNRS Photothèque / CHEZIERE Alexis
Avec la métagénomique, de nouvelles voies sont désormais ouvertes : recherche de gènes codant pour de nouvelles enzymes ou de gènes de résistance aux antibiotiques ; meilleure compréhension du fonctionnement physiologique des bactéries, ce qui favorise leur isolement en laboratoire. Et qui sait, demain quelles surprises nous réservent tous ces gènes encore méconnus ?
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)
- Revue Biofutur « L’écologie microbienne des sols » juillet-août 2006, n° 268, p22-57, reprise par « Le Point », mensuel de l’Inra n°128, automne 2006 « l’écologie microbienne du sol, vers une approche intégrée ». Article « La métagénomique ».
- Posters Inra / Opie : « préserver la qualité biologique des sols », « préserver les matières organiques des sols », « préserver la structure des sols cultivés » : http://www.inra.fr/internet/Directions/DIC/ACTUALITES/DOSSIERS/sol/posters.html