

Le petit peuple du sol
Parce qu'il est chimiquement et physiquement hétérogène, le sol offre aux organismes vivants qui cohabitent et interagissent fortement avec lui des habitats très diversifiés. Ainsi, des plantes à la microflore, des animaux à la microfaune, il est le réservoir d'une vie extrêmement abondante : il existe par exemple 260 millions d'animaux en moyenne dans 1m² de sol de prairie permanente (1) (estimation qui varie fortement dans l'espace et dans le temps), et un hectare de sol forestier compte plus d'organismes vivants que d'êtres humains sur Terre ! La biomasse animale moyenne du sol est estimée à 2,5 tonnes par hectare (2), estimation qui varie également fortement dans l'espace (entre un sol forestier et de prairie par exemple) et dans le temps.
Hormis les plantes qui développent dans le sol leur système racinaire - lieu clé de vie de nombreux organismes - et des animaux vertébrés (renards, serpents, lapins, taupes, marmottes, campagnols…) qui le modifient par leurs terriers et leurs galeries, nous pouvons identifier deux grandes catégories d'organismes qui y vivent : les invertébrés et la microflore .
Les petits habitants du sol
Les invertébrés peuvent être classés en fonction de leur taille :
- la macrofaune (4 à 80 mm) : les annélides comme les vers de terre ; les insectes tels les fourmis, les termites, et certaines de leurs larves comme les larves de mouches, de cousins, de hannetons ; les arachnides comme les araignées, les mollusques tels les escargots ou les limaces ; les myriapodes comme les mille-pattes ou les scolopendres ; les crustacés isopodes auxquels appartiennent les cloportes par exemple.
- la mésofaune (0,2 à 4 mm) : les arachnides tels que les Acariens (oribates, gamases), les insectes aptérygotes comme les collemboles (insectes les plus nombreux du sol) et les diploures, les némathelminthes comme les nématodes, etc.
- la microfaune (moins de 0,02 mm) : les protozoaires (animaux faits d'une seule cellule) : amibes, flagellés, ciliés (paramécies), etc.
Cette faune est majoritairement représentée, en terme d'espèces, par les insectes (80%, principalement des coléoptères) et les arachnides (12%), qui sont les plus diversifiés. Les autres arthropodes (hors arachnides) (5%), les microinvertébrés (2%), les annélides (1%) et les vertébrés (< 1%) peuvent être abondants, comme c'est le cas des myriapodes et des vers de terre, mais ils ne sont représentés que par un nombre d'espèces relativement modeste en comparaison à la diversité des insectes et des arachnides.
© Thibaud Decaens© Stephan Hättenschwiler
Quant à la microflore, elle est nombreuse et mal connue : plus de 10000 espèces par poignée de terre. Sa diversité n'a été quantifiée que récemment et imparfaitement : bactéries (estimation de 10000 à 100000 espèces/g de sol avec une quantité de 108 à 109 par gramme de sol, soit bien plus que d'habitants en France !), champignons (actinomycètes), micro-algues… On estime que moins de 1% des bactéries et des virus a été décrit et seulement 4% des champignons (macroscopiques et microscopiques) ont été identifiés.
© Stephan Hättenschwiler
Répartition du petit peuple du sol
L'ensemble de ces microorganismes (microflore et microfaune) sont de loin les plus nombreux, bien que les plus petits. Ainsi, un sol de prairie renferme une biomasse constituée à 70% de microorganismes : dont 39% de bactéries et actinomycètes (microflore), 28% de champignons et algues (microflore) et à 5% de protozoaires et nématodes (microfaune). Cette biomasse se compose également de 22% de vers de terre, tandis que les autres animaux réunis (macrofaune et mésofaune) ne représentent que 6% des organismes vivants du sol. (3)
La biodiversité est encore un vaste terrain inconnu pour les chercheurs. Aujourd'hui, environ 1,7 million d'espèces ont été décrites sur Terre (4), dont 21% (360000 espèces) sont des animaux du sol (sans compter la microflore).
Notons enfin que chaque sol a sa spécificité et ne renferme pas la même densité d'individus, ni la même biodiversité ! Les sols pauvres en matière organique compteront par exemple bien moins de 100 vers de terre/m², tandis que les sols riches en matière organique peuvent atteindre jusqu'à 1000 individus/m². De même, un sol agricole pollué pourra contenir 20 fois moins d'espèces bactériennes que le même sol non perturbé (5).
© Christophe Maitre / INRA
(1) « Le guide illustré de l'écologie », B. Fischesser et M.-F. Dupuis-Tate, 1995. Editions de la Martinière
(2) « Le sol vivant », J.-M. Gobat, M. Aragno et W. Matthey 1998. Editions Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR)
(3) d’après http://www.bretagne-environnement.org/rubrique/le-sol-un-patrimoine-vivant, d'après Bachelier 1978
(4) 1 749577 espèces recensées en 2006 d’après « Classification phylogénétique du vivant » (3e édition), G. Lecointre et H. Le Guyader, 2006. Editions Belin Science
(5) V. Torsvik (1998) « Novel techniques for analysing microbial diversity in natural and perturbed environments"
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)