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Les bâtisseurs du sol
L'architecture du sol
La structure du sol dépend de l'assemblage des particules minérales et organiques en agrégats qui eux-mêmes peuvent former des mottes. Les bâtisseurs de cette structure sont les "ingénieurs du sol" (vers de terre, termites, etc.), membres de la macrofaune qui aèrent, stabilisent et permettent la bonne circulation de l'eau dans les sols.
Complémentaires, les fourmis, les termites et les vers de terre brassent la matière organique et façonnent le sol chacun à leur manière en creusant, grattant, mélangeant, retournant ou labourant la terre. Ils créent de nombreux pores, galeries et agrégats qui permettent une meilleure oxygénation du sol et entretiennent ses propriétés hydrauliques (infiltration et rétention de l'eau…). Ainsi, le travail des vers de terre est gigantesque : ils peuvent remuer 1000 tonnes de terre par an par hectare de savane africaine, et 500 à 600 tonnes en région tempérée, ce qui augmente considérablement la quantité d'eau du sol !
En parallèle et en interaction avec cette macrofaune, le travail des microorganismes, de la petite faune, des filaments de champignons et des racines, qui déplacent et organisent les particules minérales (argiles, limons, sables) et organiques est également considérable.
La matière organique (riche composant du sol qui provient de la décomposition de la matière végétale et animale), elle aussi, joue un rôle clé dans la structure du sol : elle influence sa perméabilité, son aération, ses propriétés chimiques (pH, nutriments minéraux) et permet une meilleure rétention de l'eau. Elle apporte ainsi les bonnes conditions nécessaires au travail des microorganismes, tout en maintenant la cohésion du sol, et en le préservant contre l'érosion.
© CNRS Photothèque / DEVEZ Alain R
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)
La composition en matière organique
D'où vient la matière organique ?

De couleur sombre, la matière organique - un des principaux constituants du sol - provient de la décomposition de végétaux (feuilles, racines, branches, restes de récoltes…) ou d'animaux morts, par la faune et la flore du sol. Elle se compose de carbone, d'oxygène, d'hydrogène et d'azote et fait partie intégrante du cycle du carbone, qu'elle stocke ou libère en fonction des activités des organismes du sol, mais aussi de la température, du pH, de l'aération et de la teneur en eau et en nutriments qui influencent l'activité des microorganismes.
© BIOEMCO / Cyril Girardin, Mercédès Mendez, Christophe Moni, Elsa coucheney, Alexis Marie, Haithem Bahri, Thomas Lerch, Marie-France Dignac, Claire Chenu, Naoise Nunan© Stephan Hättenschwiler
Les habitants du sol jouent le rôle primordial d'usines de recyclage de la matière animale et végétale : en surface ou sous terre, de la macrofaune à la microflore, tous agissent de façon complémentaire ou redondante et transforment la litière du sol (résidus de végétaux, carcasses d'animaux, excréments, etc.) en matière organique.

Les vers de terres, termites et fourmis par exemple fragmentent, broient, enfouissent la matière vivante. Ils orientent et stimulent sa décomposition en influençant l'activité de petits organismes tels que la mésofaune et la microflore qui viennent la décomposer. Pour tous ces organismes, à toutes les étapes la synergie bat son plein. Une petite faune nombreuse et variée (acariens, collemboles, enchytrées, oribates, etc.) continuent le travail de digestion, de décomposition, de perforation, de fragmentation, de déplacement des débris, ce qui réduit ainsi leur quantité et stimule la microflore, intervenant à chaque étape du processus de dégradation en étroite relation avec la faune du sol.
© Bruno Locatelli (www.locatelli1.net) © Amélie Rochedreux

Certains insectes par exemple pondent dans le sol des larves qui décomposent très activement et recyclent les débris végétaux, excréments, cadavres. Les acariens peuvent consommer jusqu'à 50% du poids de la litière en forêt. Certains iules, crustacés et mollusques, nombreux dans les endroits humides, participent aussi à la formation de l'humus (matière organique stabilisée).
Les microorganismes, eux aussi, sont indispensables dans le processus de formation de la matière organique (jusqu'à l'humification). Les protozoaires (animaux unicellulaires), en compagnie des bactéries, réduisent parfois 80% du total des débris végétaux ! La microflore (bactéries, champignons…) et la microfaune interviennent également dans la dégradation de la matière organique dont elles se nourrissent.
© CNRS Photothèque / DE FRANCHESCHI Dario© Stephan Hättenschwiler
A quoi sert la matière organique ?

C'est la matière organique qui fournit la nourriture et l'énergie aux végétaux et aux organismes vivants du sol. Elle stocke puis libère - sous l'action des microorganismes - des éléments essentiels à la croissance des plantes (azote, phosphore, soufre, oligo-éléments, eau…) (processus de minéralisation). Elle retient l'eau dans le sol, et la rend disponible pour la faune comme pour la flore.
© BIOEMCO / Cyril Girardin, Mercédès Mendez, Christophe Moni, Elsa coucheney, Alexis Marie, Haithem Bahri, Thomas Lerch, Marie-France Dignac, Claire Chenu, Naoise Nunan© BIOEMCO / Cyril Girardin, Mercédès Mendez, Christophe Moni, Elsa coucheney, Alexis Marie, Haithem Bahri, Thomas Lerch, Marie-France Dignac, Claire Chenu, Naoise Nunan
Elle agit de plus sur la rétention ou la dégradation des polluants du sol (pesticides, métaux lourds) et le stockage du carbone. Elle donne donc au sol un possible rôle de puits de carbone si important dans le cadre des changements climatiques. Enfin, elle participe à la structure même du sol.
En résumé c'est toute cette matière organique, créée par l'ensemble des organismes du sol, qui est responsable de sa richesse et sa fertilité.
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)
Les fertiles oasis de vie

© IRD Photothèque / Lévêque, Christian
Les ingénieurs du sol, vers de terres, fourmis et termites, outre leurs qualités de "bâtisseurs", enrichissent certaines parties du milieu en substances organiques via la création de structures particulières, dites "biogéniques" - parois des galeries, placages des termites, turricules (ou tortillons de terre), termitières - recouvertes de secrétions riches en polysaccharides par exemple. Ils conditionnent ainsi en partie l'activité et la diversité des autres organismes puisqu'ils modifient leur environnement.
Ce faisant, ils permettent la création d'oasis de vie (ou "îlots de fertilité") dans un sol globalement pauvre. Ces milieux, fugaces, permettent une grande activité des microorganismes car, pour un temps, ils offrent de nouveaux composés organiques. Bactéries et champignons remettent alors à disposition des racines des plantes les nutriments dont elles ont besoin. Ces oasis ont aussi un rôle clé dans la stabilisation ou la minéralisation de la matière organique et la résistance à l'érosion.
Véritable bioréacteur bactérien, le système digestif des termites ou des vers de terre transforme la matière organique. En effet, brassant et ingérant les particules de sol et de végétaux, termites et vers de terre vont permettre à des microorganismes du sol momentanément inactifs de se "réveiller" au contact de la matière organique remaniée, du mucus et des bactéries du tube digestif rejetés par ces véritables ingénieurs de la fertilité des sols. Au final, la fertilité du milieu s'en trouve accrue.
© Léon Fayolle / INRA
Illustration : de l'influence des termites sur les microorganismes
Les termites, particulièrement nombreux et diversifiés dans les régions tropicales, ont un régime alimentaire très varié qui leur permet d'assimiler la matière végétale sous différentes formes : bois sec (espèces xylophages), plantes, champignons (espèces champignonnistes), humus (espèces humivores). L'interaction termites / microorganismes varie selon les espèces de termites. Des études scientifiques ont montré que les structures biogéniques fabriquées par les termites (galeries souterraines, termitières, placages…) avec leur salive et leurs excréments sont différentes en fonction de la biologie de l'espèce. Elles agissent différemment sur la composition minérale du sol, la disponibilité des nutriments, et influencent chacune à leur manière la structure des populations microbiennes et le développement d'une microflore jouant un grand rôle dans l'utilisation des nutriments par la plante. Selon les espèces, les termites peuvent ainsi permettre une meilleure croissance des plantes, d'où l'importance de la présence de plusieurs acteurs différents dans le sol.
© IRD Photothèque / Lissalde, Claire
Rédaction :
Manuelle Rovillé, chargée de mission à la FRB
Validation scientifique :
Xavier Le Roux (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie microbienne, Inra-CNRS-Université Lyon1)
Patrick Lavelle (Directeur de recherche, Laboratoire d'écologie des sols tropicaux, centre IRD)