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Des colorants naturels, d'origine végétale ou animale, étaient connus depuis l'Antiquité. On connaissait par exemple l'indigo, teignant en bleu, ou la pourpre tyrienne, qui donnait un beau rouge. Cependant ces composés étaient rares et chers, à tel point que la pourpre était symbole de royauté ("revêtir la pourpre"). Elle était en effet extraite du Murex et il fallait 12 000 de ces coquillages pour obtenir 1,5 g de colorant. Aussi la découverte des colorants artificiels au XIXe siècle a-t-elle eu une importance économique considérable. Le premier colorant industriel fut découvert par hasard. Pendant les vacances de Pâques de 1856, le jeune W. H. Perkin (1838-1907), qui était l’assistant de A. W. Hoffmann à l’Université de Londres, s’amusa à oxyder l'allyl-toluidine (C10H13N) par le bichromate de potassium, espérant obtenir… la quinine (C20H24O2N2) par la réaction suivante : 2 C10H13N + 3O
L’expérience fut évidemment un échec, la quinine et l’allyltoluidine ayant des structures sans aucun rapport ! Mais la quinine ne fut probablement qu’un prétexte à l’étude de l’oxydation des amines aromatiques car Perkin recommença sa cuisine avec le sulfate d'aniline, plus facile à se procurer, mais dont la formule ne pouvait absolument pas conduire à l'alcaloïde rêvé. Le précipité noir obtenu donnait cependant une solution alcoolique violette pouvant servir à teindre les tissus.
Ce "mauve Perkin" était
en fait un mélange de pseudo-mauvéine, dérivée
de l'aniline, et de mauvéine, qui résultait de la condensation
d'ortho- et de para-toluidines qui étaient des
impuretés de l'aniline commerciale. En 1857, contre l'avis de Hoffmann,
Perkin quitta son poste d'assistant et fonda avec son père et son
frère une compagnie pour commercialiser ce mauve. Pendant que se
construisait l'usine, Perkin mettait au point la préparation industrielle
du colorant et découvrait par la même occasion de nouvelles
techniques de teinture. Le tout fut fait en six ou sept mois dans une
buanderie !
Une retombée bénéfique et quelque peu inattendue du développement de la chimie des colorants a été la création de la chimiothérapie par Paul Ehrlich (1854-1915, Prix Nobel de Médecine 1908). Ehrlich définissait la chimiothérapie comme la destruction sélective de germes pathogènes chez le malade par des produits chimiques. Le sens du mot a été élargi et inclut maintenant également le traitement chimique du cancer. Mais comment trouver des substances qui attaquent les microbes et les cellules cancéreuses sans toucher aux cellules saines du malade ? Jeune étudiant en médecine, Ehrlich s'était beaucoup intéressé à la coloration des coupes de tissus et des cultures de microbes, en vue de leur examen sous microscope. Il avait même découvert un certain nombre de colorants encore utilisés en bactériologie. Mais teindre les bacilles et les bactéries revient à les attaquer sélectivement par les colorants. Ehrlich eut donc l'idée de chercher des agents bactéricides dans cette famille de composés. Son premier succès (1907) fut l'utilisation d'un colorant, le rouge trypan, dans le traitement des trypanosomiases (maladie du sommeil). Ce fut là le premier médicament résultant d'une recherche planifiée.
Attribuant l'efficacité du rouge trypan à la fonction azo N=N, Ehrlich prépara de nombreux composés contenant le groupement analogue As=As. Ces recherches furent aussi guidées par les travaux sur l'atoxyle, un composé que Ehrlich avait initialement écarté car inefficace in vitro contre les trypanosomes. Quand Thomas signala que des trypanosomiases chez les souris sont guéries par l'atoxyle et quand Koch rapporta des résultats analogues chez l'homme, Ehrlich reprit le problème. Il montra qu'in vivo l'atoxyle est réduit en oxyde de p-aminophénylarsine, très efficace mais aussi très toxique. Ehrlich pensa que le groupement As=As qui contient des arsenics trivalents comme dans l'oxyde de p-aminophénylarsine serait aussi efficace et peut être moins toxique. Il prépara donc l'arsphénamine à laquelle il attribua la structure A et prouva en 1909 que le composé est actif contre les trypanosomes et les spirochètes. Le produit fut commercialisé l'année suivante sous le nom de Salvarsan (littéralement : "l’arsenic qui sauve"), pour le traitement de la syphilis. En 1961, il fut montré que le Salvarsan a en réalité la structure B et ne contient pas de groupement -As=As-. Ehrlich a ainsi fait une belle découverte en partant d'une hypothèse incorrecte.
Pendant la première moitié du XXe siècle, et jusqu’à l’avènement des antibiotiques, presque tous les médicaments nouveaux (dont les sulfamides) furent trouvés dans les colorants.
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