La cosmétique est une science complexe et multidisplinaire. La chimie y joue un rôle fondamental, tant dans la recherche de nouvelles molécules actives que dans la formulation de ces molécules. Autour de cette chimie gravitent de nombreux autres disciplines (biologie, physique, pharmacie, économie, sociologie …) ainsi que diverses technologies dans le but de répondre aux besoins et aux attentes des consommateurs dans des cadres socio-culturels variés.
Tel que la législation européenne le décrit,
le produit cosmétique est destiné à être
appliqué sur les parties superficielles
du corps (par exemple l’épiderme, le cheveu,
les ongles …). Il sert principalement à nettoyer
(produits d’hygiène …), à modifier
l’aspect (produits de maquillage principalement) ou
de protéger (filtres solaires …). Ainsi il n’a
aucune vocation thérapeutique :
il ne peut pas soigner mais tout au plus prévenir et
protéger.
Le Soleil : notre ami ?
En général on associe Soleil & Vacances, Soleil & Bronzage, Soleil & Bonne mine… Il est clair que la lumière et la chaleur qu’il nous apporte sont essentielles au bon développement de la vie sur Terre, notamment par la photosynthèse des plantes ou comme précurseur de synthèse de vitamine D dans notre organisme. Cependant il peut avoir des effets très néfastes sur la peau lorsque celle-ci est exposée de manière déraisonnable et répétée à ses rayons sans protection.
En fait le rayonnement solaire est composé de plusieurs types de rayonnements de longueur d’onde différentes, comme présenté dans la figure 1.

Figure 1 : Spectre du rayonnement solaire
Nous recevons un rayonnement de la composition suivante :
- 50 % d’Infra Rouge λ > 800 nm
- 40% de Visible 400 < λ < 800 nm
- 10 % d’Ultra Violet 200 < λ < 400
nm
L’énergie de
ce rayonnement est inversement proportionnel à sa longueur
d’onde λ : plus la longueur d’onde
est faible, plus le rayonnement est énergétique.
C’est en partie pour cette raison que la photoprotection
s’intéresse beaucoup aux UV car ce sont proportionnellement
les plus énergétiques.
Ce rayonnement ne nous arrive
pas de façon constante et uniforme. Son intensité
varie en fonction de la saison, de l’heure de la journée,
de la couverture nuageuse de la latitude ou encore de l’altitude.
Il est donc évident que les risques liés au
soleil vont également dépendre de ces facteurs :
on pourra définir des zones ou des périodes
à risques.
Rappels sur la peau ; effets du soleil
La peau est un ensemble de cellules constitué de trois couches superposées : l’épiderme, le derme et l’hypoderme (cf figure 2).

Figure 2 : Schéma d’une coupe de peau
Comme les filtres solaires sont des cosmétiques, ils
vont interagir uniquement avec la couche de surface, l’épiderme.
Cet épiderme d’environ 100 µm est constitué
de quatre types de cellules :
- les kératinocytes (95 %) formant la matrice de
base
- les mélanocytes responsables de la pigmentation
- les cellules de Langerhans
- les cellules nerveuses
La couche la plus superficielle,
appelée couche cornée ou stratum
corneum, (15-25 µm selon l’endroit) est
une couche de kératinocytes morts qui est en contact
direct avec l’extérieur et protège l’organisme :
elle a une fonction barrière imperméable et
calorifique. Elle est vitale et il est indispensable de la
protéger entre autres des effets néfastes du
soleil. Le rayonnement solaire ne pénètre pas
de la même façon dans la peau selon la gamme
de longueur d’onde considérée (cf figure
3).

Figure 3 : pénétration des UV dans la peau.
Les catégorie des ultra
violets possède trois types de rayons :
- les UVC entre 200 et 280 nm sont arrêtés
par la couche d’ozone
- les UVB entre 280 et 320 nm traversent la couche cornée
et l’épiderme
- les UVA entre 320 et 400 nm atteignent même le
derme
Ces UV peuvent interagir avec
les cellules de la peau et donc l’organisme pour provoquer
des phénomènes biologiques plus ou moins dangereux.
Cela peut aller de la mort de la cellule, au moindre mal,
aux changements biologiques pouvant influer sur la bonne reproduction
des cellules et dégénérer en cancers.
Effets des UVA et UVB
Chronologiquement, on voit apparaître différents phénomènes :
- Une pigmentation immédiate dans les quelques heures suivant l’exposition. Elle est déclenchée par les UVA par oxydation photoinduite des précurseurs de mélanine déjà présents dans la peau.
- Le coup de soleil, déclenchés principalement par les UVB, après 6 à 24 heures après l’exposition.
- Le bronzage après 3 à 4 jours. Il résulte
d’une surproduction de mélanine.
- Eventuellement des réactions phototoxiques, par
interaction avec un médicament, une plante …
- Le photovieillissement majoritairement causé
par les UVA qui attaquent les cellules du derme responsables
de la fermeté et de l’élasticité
de la peau (les fibroblastes). Ses effets sont visibles
après 30 à 40 ans après des expositions
répétées et intensives sans protection
adaptée.
- Les cancers de la peau. Ils peuvent être causés par les UVA et les UVB (ils donnent des cancers différents, dont le plus mortel est le mélanome).
Principe d’un filtre solaire
En fait lorsque l’on applique une formulation solaire sur la peau, elle va la protéger contre les agressions des UV. Le filtre absorbe le rayonnement à la place de ma peau. Ainsi pour savoir si une molécule est un bon filtre solaire, on étudie sa capacité d ‘absorption du rayonnement en fonction de la longueur d’onde. Il y a plusieurs gammes d’UV et il n’existe pas à ce jour de molécule unique qui absorbe de façon convenable dans toutes ces gammes. Donc les formulations solaires sont en général des associations de plusieurs filtres de domaines d’absorption différents, afin de couvrir aussi bien les UVB que les UVA courts et longs.
Ces molécules chimiques sont testées avant d’être introduites dans des formulations ; on étudie principalement la stabilité du filtre par rapport au soleil et aux autres constituants de la formulation, les paramètres physico-chimiques et évidemment la toxicité éventuelle par rapport à l’organisme.
La photoprotection de la peau
est très importante, spécialement pour les peaux
dites sensibles (essentiellement les phototypes I à
III). En effet au delà du simple coup de soleil, la
non protection de la peau peut avoir des conséquences
de santé publique dramatiques ; une exposition
assidue sans protection augmente beaucoup les risques de cancers
de la peau : le mélanome est le plus grave d’entre
eux et a causé 75 % des morts par cancers aux Etats
Unis en 2002, alors qu’il ne représente que 5
% des cas avérés de cancers. Par ailleurs il
accélère de façon notable le vieillissement
de la peau sur les zones surexposées.
Cet exemple de la photoprotection montre combien l’apport
de la chimie est essentiel dans le domaine de la cosmétique.
En effet comme les filtres solaires, tous les produits cosmétiques
nécessitent des recherches, aussi bien en synthèse
chimique qu’en extraction de substances naturelles,
et répondre à un cahier des charges contraignant
d'une formulation intégrant propriétés
physico-chimiques, toxicité et sociologiques pour adapter
au mieux le produit à la demande des consommateurs
dans le monde entier.
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