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La plupart des milieux
aquatiques ont été profondément remaniés
par lhomme, parfois depuis des temps fort anciens. De nombreux
aménagements de cours deau ont été réalisés
: dragage (approfondissement du lit), canalisation (bétonnage
des berges et parfois du fond), endiguement (augmentation de la
hauteur des berges pour éviter le débordement des
eaux), mais aussi rectification du cours (recoupement des méandres)
et recalibrage (augmentation de la capacité du lit en modifiant
sa profondeur et sa largeur).
Ces aménagements répondaient souvent à des
objectifs légitimes : protéger des inondations les
terres cultivables et les habitations, lutter contre lérosion
des berges, faciliter la navigation fluviale, produire de lénergie,
irriguer, alimenter en eau potable les hommes et le bétail,
et, beaucoup plus récemment, créer des bases de loisirs.
Mais ils ont longtemps été conduits dans lignorance
des fonctionnements hydrologique et écologique des systèmes
fluviaux, dont la compréhension repose aujourdhui pour
lessentiel sur des résultats obtenus au cours des deux
dernières décennies.
Or, ces aménagements modifient de façon durable les
composantes physiques des cours deau : pente, profondeur,
vitesse du courant, forme des berges. Ils ont donc des répercussions
sur le fonctionnement des écosystèmes
qui ne sont pas toujours prévisibles à long terme.
En général ils induisent une diminution de la diversité
naturelle des habitats et des espèces présentes. En
outre, lenfoncement du lit dun cours deau abaisse
le niveau de sa nappe
daccompagnement, ce qui nuit aux boisements riverains.
Le Rhin : un exemple édifiant daménagement
ignorant du long terme
Jusqu'au milieu du XIXe siècle, le Rhin était
un fleuve libre, peu perturbé par laction des hommes.
Ses bras multiples formaient un réseau enchevêtré
qui abritait de nombreuses îles couvertes de forêts
alluviales foisonnantes, parmi les plus riches d'Europe occidentale
Ses eaux hébergeaient une quarantaine despèces
de poissons, dont le saumon. Ses crues fréquentes inondaient
les forêts, entretenant une grande diversité animale
et végétale, et alimentaient la nappe
phréatique rhénane. Mais, lors de ses crues, le Rhin
devenait violent et causait des dommages importants aux villages
voisins, et la navigation y demeurait difficile.
On chercha à apprivoiser ce Rhin sauvage en édifiant
entre 1830 et 1936 un réseau continu de digues. Un chenal
permanent fut également construit pour faciliter la navigation.
Ces premiers aménagements réduisirent la largeur du
fleuve denviron 14 % et enfoncèrent son lit ;
en outre, en limitant son champ dinondation, ils appauvrirent
les forêts rhénanes. Malgré tout leurs effets
restaient limités et les saumons pouvaient encore remonter
le Rhin pour y frayer.
Mais la canalisation du Rhin, entreprise dès 1930 avec lédification
du Grand Canal dAlsace, eut des conséquences délétères
bien plus graves. Ses objectifs étaient daméliorer
la navigation et dexploiter lénergie hydroélectrique.
En réalité, les populations situées en aval
du secteur aménagé furent exposées à
un risque accru dinondation. En outre, plus de 50 % des
forêts furent détruites sur la rive française
et la dégradation de la qualité des eaux, dans les
années 1950 et 1960, fit disparaître les poissons migrateurs,
comme le saumon, et appauvrit considérablement la faune piscicole.
Enfin, la réduction des champs inondables du Rhin réduisit
lalimentation de la nappe phréatique rhénane
tout en la privant de ses filtres purificateurs naturels qui la
débarrassaient des nitrates et des phosphates.
Aujourdhui tous ces efforts paraissent désuets car
les deux objectifs de navigation fluviale et de production dénergie
hydroélectrique ont beaucoup perdu de leur intérêt.
On assiste donc à une multiplication dactions et de
projets nouveaux visant à concilier la gestion des crues
pour sécuriser les populations riveraines, la gestion des
milieux naturels pour restaurer leur biodiversité, et la
gestion de la nappe phréatique pour favoriser sa ré-alimentation
en eau de bonne qualité.
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