Comment
comprendre une personne ne parlant pas, ou très
peu?
Une personne incapable de montrer les signes habituels de dialogue avec autrui?
Comment savoir si, pour communiquer avec elle, il vaut mieux lui dire quelques
mots, lui faire des signes de la tête, des gestes des mains ou un mime
avec le corps tout entier?
Peu de chercheurs travaillant dans le domaine de l’informatique se sont
penchés sur l’autisme, cette pathologie qui emprisonne certaines
personnes dans une vie mentale, toute intérieure, au point de les couper,
parfois, de la réalité extérieure.
Jean-Claude Martin, maître de conférence à l’IUT
de Montreuil (Université Paris 8) et chercheur au Limsi (LPR-CNRS
32-51) à Orsay, a décidé d’aider à l’analyse
de la communication avec les enfants autistes.
"Notre
projet appartient au groupe AMI (Architecture et Modèle
pour l’Interaction) monté au laboratoire,
explique le chercheur. Nous annotons des vidéos
d’enfants autistes, lesquelles ont été réalisées
lors de séances avec une orthophoniste qui collabore
au projet ".
Expressions du visage, gestes, mouvements de tête, regards, posture,
rapprochement avec la praticienne ou émission de paroles et de sons,
tout est méticuleusement répertorié manuellement à l’aide
d’un outil informatique adapté. Mais surtout, l’équipe
du Limsi a développé un logiciel de calcul afin d’établir
des statistiques sur ces différents gestes, paroles, etc. "Afin
par exemple d’identifier lesquels favorisent une meilleure communication
avec l’enfant, c’est-à-dire lorsqu’il réagit,
voire lorsqu’il imite ce qu’il a perçu", explique
Ouriel Grynszpan, en thèse au Limsi et travaillant sur le projet.
Les
orthophonistes visualisaient déjà leur séances
filmées en vidéo, prenant des notes manuscrite,
de-ci de-là, de ces gestes et postures, afin d’améliorer
la communication avec leur patient.
"Nous leur proposons un outil permettant une analyse
plus systématique, c’est une façon d’informatiser l’annotation",
précise Jean-Claude Martin.
"D’ailleurs, les premiers résultats
montrent que notre méthode et ses statistiques informatisées sont
susceptibles de les aider à déceler les nuances du comportement
imperceptibles par simple observation des vidéos". Un des
problèmes reste cependant le temps que prend l’annotation de ce
type de film.
Le projet vient de démarrer.
Pour l’instant, il s’agit seulement d’évaluer la méthode.
Et ensuite?
"Cela pourrait par exemple
aider le travail de développeur de logiciels éducatifs
spécialement destinés aux enfants autistes",
imagine Jean-Claude Martin. Tout simplement en analysant,
toujours à partir de vidéos, leurs réactions
face à des prototypes. Sinon, comment savoir si
telle façon de disposer les icônes, tel
choix de formes géométriques à cliquer,
tel signal sonore, etc. est efficace face à l’enfant
autiste? Ou au contraire le bloque?
" Cette analyse de l’interaction entre l’homme
et la machine est tout à fait dans les cordes de notre projet. D’ailleurs,
c’est une discipline qui devient de plus en plus importante en psychologie,
en ethnologie, et autres domaines des sciences humaines, notamment au sein de
projets européens ", conclut le chercheur.