Pourquoi se rendre aux pôles pour y étudier le climat ?
Comment les recherches s’y organisent-elles ?
Quels sont les domaines scientifiques concernés ?
Comment vit-on aux pôles ?
Autant de questions auxquelles cette animation donne des éléments de réponse, de façon vivante et ludique,
à travers de nombreux films, photos, interviews et textes.
Les régions polaires sont au cœur du changement climatique qui touche l’ensemble de la planète, car c’est là où l’impact y est le plus fort. En effet, l'amplification polaire du changement climatique, qui conduit les hautes latitudes à se réchauffer près de deux fois plus vite que les régions tempérées, entraîne la diminution progressive de certaines zones englacées : dans l’hémisphère nord, l'inlandsis groenlandais et la banquise arctique estivale ; dans l’hémisphère sud, certaines zones de la calotte glaciaire antarctique. Dans le cas de la banquise arctique, la diminution en été est actuellement si rapide qu’on se pose avec pertinence la question de savoir si celle-ci disparaîtra complètement dans la prochaine décennie. Ce réchauffement touche également en permanence les sols gelés. En effet, un autre aspect inquiétant, et certainement moins connu, de ce réchauffement, sont les modifications très nettes constatées, en Arctique, sur les sols gelés. Ces sols, gelés sur plusieurs centaines de mètres, et qui dégèlent habituellement à la saison “chaude” sur un mètre de profondeur environ, présentent depuis quelques années des effondrements très nets, signes de dégel plus profond. Cette évolution qui entraîne la déstabilisation des sols a des conséquences économiques importantes : effondrements des constructions, difficulté de transport, les routes ou pistes devenant impraticables sur des périodes plus longues en sont quelques exemples.
Pour l’avenir, en ce qui concerne le réchauffement futur, l’ensemble des prévisions, établies à l’aide de modèles, annoncent que le réchauffement envisagé au cours du 21e siècle dans l'Arctique sera deux à trois fois plus fort que dans le reste du monde.
Dans l’Arctique, le réchauffement climatique récent, et son impact sur l’environnement, ont été observés avec une amplitude sans précédent depuis le début du 20e siècle. Au Canada, le réchauffement observé a été beaucoup plus important durant la période hivernale (+2,3°C) qu’estivale (+0,9°C) au cours des 60 dernières années. Malgré tout, et ceci est lié à la température seuil de fusion de la glace, c’est en été qu’on observe les plus grands changements.
Des prévisions récentes annoncent ainsi une possible disparition de la banquise arctique d’été d’ici à 2040. La réduction drastique de la banquise en 2007 laisse même envisager une date beaucoup plus proche. Certains modèles prévisionnels parlent ainsi d’une disparition dans les dix à quinze ans à venir. Des projets scientifiques comme le projet européen Damoclès sont là pour, entre autres, permettre de corriger les modèles et améliorer la fiabilité de ces prévisions. Une conjonction de facteurs pousse à s’inquiéter pour le devenir de la banquise arctique : la diminution de la surface et de l’épaisseur de la banquise, ainsi que celle de l’âge de la glace.
La banquise hiver a diminué de façon régulière, de 16 millions de kilomètres carrés dans les années 50 à 14 millions en 2006. La banquise d’été, elle, a diminué régulièrement, de 11 à 8 millions sur la même période.
En 2007, coup de tonnerre, la banquise d’été (surface moyennée sur 3 mois) perd 2 millions de kilomètres carrés par rapport à 2006. Le record de la plus petite surface de glace de mer arctique jamais enregistrée a encore été battu en septembre 2007, avec une étendue de près de 50 % inférieure à celle des années 1950-1960 : 4,13 millions de kilomètres carrés.
Le record de cette année 2007 a brisé le précédent enregistrement de 5,32 millions de kilomètres carrés du 21 septembre 2005. Avec cet enregistrement, l’étendue de la banquise de septembre décline maintenant à un taux de plus de 10 % par décennie depuis le début des années 1980.
L’épaisseur de la banquise est en moyenne comprise entre 2,5 et 3 mètres. Des sondages récents, effectués aussi bien par les sous-marins militaires américains que par des navires scientifiques, tendent à montrer une très forte diminution de l'épaisseur de la banquise, de l'ordre de 40 % au cours des trente dernières années.
En Arctique, une partie de la banquise est pérenne d'une année sur l'autre. Permanente en apparence, elle n'est pourtant pas immobile et l'on ne trouve guère dans ces régions de glace de mer ayant plus de 10 ans. La superficie de cette glace pluriannuelle diminuerait, elle aussi, d’environ 10 % par décennie. Les simulations issues des observations par satellite montrent un rajeunissement constant au sein même de la glace pérenne, celle-ci devenant de plus en plus jeune.
La géométrie et le volume de la glace des calottes sont régis par l'équilibre entre les quantités de neige tombées et les quantités évacuées. Le Groenland regroupe 10 % des glaces mondiales et donc des réserves d’eau douce de la planète. Les observations conduisent à estimer que la calotte groenlandaise est aujourd'hui en déséquilibre. Elle perdrait de sa masse, en raison de la fonte et d'une accélération de l'écoulement des glaciers. Son profil général serait d'ailleurs en train de changer pour devenir plus pentu.
Des études récentes sur le Groenland auraient montré un amoindrissement significatif de la calotte, entre 1992 et 2002, diminution qui paraît encore s'accélérer. Les résultats fournis par l’altimétrie révèlent que le Groenland aurait perdu environ 50 milliards de tonnes par an. La mesure des flux, flux entrant (accumulation de la neige) et flux sortant (ablation et rejets vers l’océan), fournit une estimation plus importante de cette perte de masse, qui atteindrait environ 100 milliards de tonnes par an. La température moyenne d’été à la surface de la calotte de glace a augmenté de 2,4°C entre 1979 et 2005. La surface maximale du Groenland fondant au moins un jour par an a augmenté de 42 % durant la même période, ce qui représente une surface supplémentaire de fonte en 2005 équivalente à un tiers de la surface de la France. On estime que, au-delà de 20 % de perte, ce mouvement serait irréversible. Le point de non-retour serait atteint avec un réchauffement global de 3°C, réchauffement probable au cours ou à la fin du 21e siècle.
La calotte glaciaire, qui s’est formée grâce à l’accumulation et au compactage de la neige pendant des milliers d’années, s'écoule sous l'effet de la gravité vers les plaines côtières. Parvenue à la côte, cette calotte continue de s'étendre en flottant sur la mer et forme ces rebords massifs de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur que l'on nomme “barrières”. La dynamique naturelle de la calotte antarctique entraîne régulièrement le détachement de ces immenses plaques d’icebergs tabulaires. Ce mécanisme semble s’étendre à de nouvelles régions et ont donné lieu à des dislocations spectaculaires de cette barrière. Ce phénomène inhabituel est attribué au réchauffement climatique récent qui touche sans conteste certaines zones de la calotte.
Tandis qu'une augmentation de température est observée à l’ouest du continent antarctique sur les trente dernières années, le reste du territoire présente une évolution beaucoup moins marquée. En raison de l'isolement et de l'inertie thermique du continent, couvert presque entièrement par une calotte de plusieurs milliers de mètres d’épaisseur, le réchauffement ne peut pas avoir un impact rapide sur l'Antarctique. L'évolution du climat en Antarctique est donc moins marquée qu’en Arctique.
Dans la Péninsule Antarctique, la région la plus au nord du continent, on a assisté à la dislocation de la barrière de Larsen-B, en mars 2002. Cela a entraîné, les années suivantes, une accélération des icebergs vers la mer car le “bouchon de glace” qui retient habituellement l’évacuation de la calotte avait été modifié.
La barrière de Wilkins est une vaste plaque de glace flottante bordant la Péninsule Antarctique au sud de l'Amérique du Sud. En février-mars 2008 une surface d'environ 400 km2 de glace s'est désintégrée en moins de 24 heures. Le reste de la barrière, qui représente une surface d'environ 14 500 km2 n'est donc plus retenu que par une bande de glace de 6 kilomètres.
Les barrières de glace de la Péninsule Antarctique sont prises en “sandwich” entre un air dont la température augmente rapidement et un océan qui se réchauffe, ce qui en fait des indicateurs majeurs du changement climatique actuel. Ces deux événements, dislocation de la barrière de Larsen-B et de celle de Wilkins, ont été suivis par le satellite européen Envisat.
Aux deux extrémités de la planète on peut observer une perte de masse des calottes polaires sur leurs parties côtières, perte qui n’est que partiellement compensée par un gain de masse sur les parties centrales situées à haute altitude. Dans le contexte d’un réchauffement climatique des anticipations peuvent être faites en se basant sur ces constatations. Les masses d’air chaud contiennent plus d’eau que les masses d’air froid et sont donc susceptibles d’apporter plus de précipitations, ce qui explique le gain de masse constaté dans les parties centrales. Sur le pourtour, partie la plus chaude, le phénomène dominant serait l’augmentation de l’ablation de surface. L’amincissement des régions côtières ne relève pas entièrement de cette augmentation de l’ablation, mais également d’une accélération de l’écoulement. Ainsi, la plupart des grands glaciers du Groenland au sud de 66 degrés de latitude Nord s’écoulaient plus rapidement en 2000 qu’en 1996. Cette accélération s’est intensifiée et étendue à 70 degrés Nord en 2005.
Un des problèmes déterminants, qui rend critique la caractérisation et le suivi de ces changements climatiques en régions polaires, réside dans le manque de stations de mesures au sol (mesures de température, hauteur et densité de la neige…). L’observation spatiale apparaît comme une alternative nécessaire pour mieux analyser ces changements, en offrant une couverture régulière, systématique et relativement homogène de l’ensemble des zones polaires. Bien que des archives satellitaires existent maintenant depuis plus de 25 ans, la quantification de ces observations pour le développement d’indicateurs fiables et précis des changements de surface observés reste un problème scientifique majeur.