Cristallographie : la diffraction des électrons localise les atomes d'hydrogène

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Les méthodes d'analyse par diffraction sont très utilisées dans les laboratoires, mais elles peinent à étudier des échantillons de taille inférieure au micromètre. Des chercheurs du Laboratoire de cristallographie et sciences des matériaux (CNRS/Ensicaen/Unicaen), du Laboratoire catalyse et spectrochimie (CNRS/Ensicaen/Unicaen)1 et de l'Académie des Sciences de République Tchèque sont pourtant parvenus à utiliser la diffraction des électrons pour révéler la structure de cristaux nanométriques2 . Leur méthode est si sensible qu'elle localise même, pour la première fois, la position des atomes d'hydrogène, primordiale pour accéder à la morphologie des molécules ou à la taille des cavités dans les matériaux poreux. Ces travaux, publiés le 13 janvier 2017, font la couverture de la revue Science.

  • 1A l'origine de ce travail se trouve un projet de recherche financé par le Labex normand EMC3. C'est dans ce cadre que les chercheurs du CRISMAT (P. Boullay, O. Pérez et S. Petit), du LCS (S. Mintova et M. Zaarour) et L. Palatinus de l'Académie des Sciences de République Tchèque ont synthétisés puis résolus la structure de l'aluminophophate de cobalt.
  • 21 micromètre (µm) = 10-6 mètre (soit un millionième de mètre) et 1 nanomètre (nm) = 10-9mètre (soit un milliardième de mètre).

La diffraction des rayons X ou des neutrons permet d'obtenir la structure atomique des solides cristallins, essentielle à la compréhension des propriétés de la matière, des mécanismes réactionnels ou du monde du vivant. La technique nécessite cependant des cristaux de l'ordre du micromètre pour les rayons X et du millimètre pour les neutrons. La diffraction des électrons rend possible l'étude d'échantillons nanométriques, grâce à la forte interaction avec la matière de ces particules chargées. Revers de la médaille, des diffractions multiples se produisent et dégradent la qualité des résultats obtenus. En effet, dans le cadre de la théorie dite cinématique de la diffraction, on suppose que les particules diffractées ne subissent qu'un seul évènement de diffraction. Une approximation qui simplifie considérablement les analyses pour les rayons X et les neutrons, mais ne fonctionne pas pour les électrons. Il faut alors utiliser la théorie dite dynamique qui prend en compte le fait que les électrons peuvent être diffractés plusieurs fois avant d'être libérés. Elle demande en retour un traitement spécifique, une analyse longue et complexe.

Grâce à une nouvelle application de la théorie dynamique à l'analyse de données de diffraction des électrons, les structures d'un composé organique, le paracétamol, et d'un composé inorganique, un aluminophosphate de cobalt, ont pu être déterminées. La sensibilité remarquable de cette méthode permet de révéler jusqu'à la position des atomes les plus légers, ceux d'hydrogène. Leur position est primordiale pour accéder à la morphologie des molécules organiques, aux interactions faibles dans la matière, ou à la taille des cavités dans les matériaux inorganiques poreux. Les structures des nombreux composés ne formant que de très petits cristaux pourront maintenant être déterminées, y compris avec les positions des atomes d'hydrogène. Ces travaux ouvrent la voie à une large utilisation de la diffraction des électrons pour déterminer la structure de ces cristaux inaccessible par diffraction des rayons X et des neutrons.

CRISMAT

© P. Boullay – CRISMAT (CNRS/Ensicaen /Unicaen).

Représentation de la structure d'un aluminophosphate de cobalt superposée à la carte montrant les maxima (en jaune) associés aux positions d'hydrogène après analyse des données de diffraction des électrons.


 

Bibliographie

Hydrogen positions in single nanocrystals revealed by electron diffraction. L. Palatinus, P. Brázda, P. Boullay, O. Perez, M. Klementová, S. Petit, V. Eigner, M. Zaarour and S. Mintova, Science, 13 janvier 2017.

Contact

Philippe Boullay
chercheur CNRS
Alexiane Agullo
Attachée de presse CNRS