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prospective mer VI.3 Interactions biodiversité, environnements marins et océan Les enjeux sont à la fois de comprendre la productivité marine, sa variabilité dans l’espace et dans le temps et sa prévisibilité (et à terme celle des ressources biologiques), et ceux du rôle de la vie marine et de sa complexité dans les interactions avec le CO2 atmosphérique (pompe biologique à carbone). Cet objectif ne peut s’envisager que dans une optique résolument écosystémique, comprenant à la fois les habitats, dont la caractérisation se diversifie (stabilité de la colonne d’eau, caractéristiques bio-sédimentaires, fertilisation variable et via différents processus, contaminations) et les relations biologiques (transferts de nature trophique, énergétique, voire génétique par prédation ou interactions durables entre les espèces). Alors que la complexité des interactions biotiques (prédation, compétition pour l’espace, médiation chimique) est de mieux en mieux prise en compte, les propriétés chimiques et physiques de l’environnement marin sont le plus souvent considérées comme des contraintes externes. Pourtant, loin d’être extérieures au système écologique, les contraintes chimiques (ou physiques) et leurs effets sont fortement dépendants de l’activité des organismes et de la structuration des communautés. Les assemblages d’organismes modulent en effet les conditions de l’habitat et peuvent ainsi atténuer ou au contraire amplifier ces contraintes, voire même générer localement d’autres contraintes fortes, comme les phénomènes d’anoxie. L’approche biogéochimique de l’océan néglige souvent la physico-chimie de l’habitat, les réactions chimiques abiotiques étant considérées, à tort, comme lentes aux échelles caractéristiques du vivant. Les mécanismes de catalyse enzymatique mis en oeuvre par le vivant pour l’acquisition d’énergie (chimioautotrophie ou hétérotrophie), l’assimilation ou la remobilisation des éléments essentiels et la détoxification restent toutefois contraints par les lois de la cinétique chimique, autant que par les caractéristiques thermodynamiques et stoechiométriques des réactions. Les communautés d’organismes marins jouent un rôle crucial dans la composition chimique des océans et de l’atmosphère terrestre, à travers l’incorporation de la matière inorganique et organique dans les organismes, sa transformation par les réactions d’oxydation/réduction, et sa redistribution écologique entre les compartiments biosphériques de l’atmosphère, des masses d’eaux océaniques, et de la lithosphère. Ici, le plancton marin joue un rôle prépondérant (Figure VI.9). Occupant plus de 98% du volume biosphérique, il est essentiellement composé d’organismes microscopiques aux cycles de vie rapides, qui produisent ~50% de l’O2 planétaire dans les eaux de surface et qui contribuent à l’enfouissement d’une partie du CO2 incorporé par le vivant, notamment dans les sédiments profonds (en réalité, l’enfouissement du CO2 lié au vivant dépend de tous les organismes qui gouvernent la reminéralisation partielle de cette biomasse). Ce mécanisme, dit de « la pompe biologique », est un des piliers de la physiologie globale du système Terre. Au cours des temps géologiques, la photosynthèse oxygénique dans les couches de surface de l’océan a eu non seulement pour conséquence la formation d’une atmosphère oxydée bien avant l’apparition des plantes terrestres, mais a aussi déterminé en grande partie la composition des nutriments essentiels (C, N, P) de l’eau de mer (rapport de Redfield). La plupart des études du changement global océanique établissent des modèles prédictifs des modifications physico-chimiques du milieu (réchauffement, stratification, oligotrophisation, acidification, pollution, etc.), et étudient les réponses des organismes marins – plus rarement des communautés – à ces forçages environnementaux du futur. Or on oublie souvent que les changements de la diversité des communautés d’organismes vont eux-mêmes avoir des répercussions plus ou moins rapides sur la composition chimique du milieu et sur les cycles biogéochimiques. D’une manière générale, quels sont les effets de rétroaction de la perte de biodiversité vers le climat  ? La diminution de l’abondance des producteurs primaires peut réduire les capacités de stockage et d’exportation du carbone organique et donc restreindre 102


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