prospective mer L’approche stoechiométrique de la dynamique des communautés et des écosystèmes permet d’identifier certains mécanismes clés en analysant les contraintes et les conséquences associées au transfert et à la conservation des éléments chimiques dans les interactions entre être vivants. Elle s’applique à tout élément qui entre dans la composition des organismes, que ce soit les éléments majeurs (C, N, P, S, Si) ou des éléments traces comme les métaux. Les organismes qui peuplent les communautés ont des compositions élémentaires diverses. Le bilan de leurs constituants élémentaires fournit une signature du fonctionnement de la communauté. Par exemple, lorsque les déséquilibres stoechiométriques entre groupes trophiques sont importants, cela traduit un recyclage des éléments et une dissipation de l’énergie élevés, ainsi qu’une cascade d’effets directs et indirects sur le fonctionnement de l’écosystème. Les pressions anthropiques sont une source majeure de déséquilibre, et l’approche stoechiométrique permet d’évaluer les répercussions potentielles de ces déséquilibres sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes marins soumis à des perturbations. Ainsi, les règles de la stoechiométrie offrent désormais un cadre théorique permettant d’aborder de nombreuses questions en fort développement. Par exemple, quelles sont les conséquences de la variabilité des ratios entre éléments sur la physiologie du phytoplancton, la limitation de la production primaire par la ressource ou encore les échanges de CO2 à l’interface océan / atmosphère ? D’autres recherches doivent aussi se développer sur les stocks de carbone, leur degré de mobilité, et les paramètres impliqués dans leur immobilisation, paramètres tant biologiques (nature des composés carbonés, caractère réfractaire, dégradabilité, labilité), que climatiques (température, pH), physiques (piégeage) ou chimiques. A ceci s’ajoute la manière dont les pratiques anthropiques sont susceptibles d’interférer avec les processus écogéochimiques. Certains écosystèmes marins ont la capacité de transférer du carbone de la surface océanique vers l’océan profond où ce carbone est minéralisé ou sédimenté. C’est l’une des voies par lesquelles l’océan stocke sous forme de carbone organique une partie des émissions anthropiques de CO2. De tels écosystèmes sont par exemple les zones océaniques très productives des grands upwellings côtiers sur les marges occidentales des continents, les systèmes de fronts hydrologiques à la limite des zones de moyenne et de haute latitude, les systèmes oligotrophes (peu productifs, mais très étendus). Les conditions du transfert du carbone vers l’océan profond sont encore mal connues et posent de nombreuses questions qui s’adressent à la fois aux champs de la physique, de la biogéochimie et de la biologie. l Quel rôle joue, dans ce transfert, la compétition entre organismes producteurs primaires utilisant les nitrates ou la fixation de l’azote N2 ? l Quels rôles jouent les micronutriments dans cette compétition ? l Quels rôles jouent la circulation océanique, les phénomènes turbulents et le climat dans les advections de nutriments vers les zones productives ? l Quels rôles jouent les réseaux trophiques dans l’efficacité de l’exportation vers les zones profondes (par exemple par la production d’agrégats mucilagineux ou de pelotes fécales) ? l Qu’est-ce qui contrôle les sorties du carbone ou d’azote de ces réseaux trophiques (respiration, dénitrification, formation de matière organique dissoute réfractaire) ? l Quel est le rôle du recyclage microbien, à la fois en surface (zone de mélange) et en profondeur (activité dénitrificatrice dans les couches à minimum d’oxygène ou dans les sédiments anaérobies) ? l Les changements globaux actuels ontils des impacts évolutifs dans ces écosystèmes ? Le recyclage des éléments (C, N, P, S…) est une fonction des écosystèmes où les organismes jouent un rôle essentiel. La capacité de réponse des écosystèmes aux perturbations dépend en partie du maintien de cette fonction, dont les déséquilibres peuvent induire des changements de régime lorsque des points de basculement sont franchis. Par exemple des phénomènes répétés d’eutrophisation liée à un excédent de nitrate en milieu littoral peuvent conduire à des modifications importantes (e.g. les marées vertes qui induisent des effets en cascade sur tout un réseau trophique, mais dont les conséquences peuvent s’étendre à l’ensemble de la flore et la faune). Classiquement, la biogéochimie marine appréhende cette fonction de recyclage à partir des réseaux trophiques et des réservoirs de ressources disponibles, avec pour objectif de modéliser les flux d’énergie, de carbone et de nu- 108
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