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151 Focus Risques liés à la mer et au changement climatique : le cas des îles coralliennes Les espaces insulaires et, parmi eux, les îles coralliennes, constituent des territoires particulièrement pertinents pour analyser l’exacerbation des risques naturels dans le contexte du changement global. Premièrement, comme les régions polaires et les déserts, les îles coralliennes (atolls), dont certaines forment des pays indépendants (Kiribati, Tuvalu, Maldives), se trouvent en première ligne des impacts du changement climatique en raison de leurs caractéristiques propres : une situation hyper-océanique ; un territoire émergé de surface réduite et très bas (< 4 m d’altitude) ; des ressources naturelles et économiques limitées et sensibles aux variations environnementales, qu’il s’agisse de l’élévation du niveau de la mer (e.g. salinisation des lentilles d’eau saumâtre et des sols) ou de la modification du régime pluviométrique, des températures et des courants marins de surface ; une forte sensibilité des écosystèmes (récifs coralliens et mangroves, en particulier) aux pressions naturelles ; et une forte exposition aux cyclones et autres tempêtes (Tuvalu, Maldives) ou à la variabilité climatique que traduit le phénomène ENSO (Kiribati). C’est par conséquent l’habitabilité de ces territoires sous l’effet de leur submersion définitive ou temporaire, de l’érosion de leurs côtes et de la dégradation de leurs ressources vitales (eau, sols, services écosystémiques), qui est en jeu. Deuxièmement, ces systèmes sont depuis quelques décennies soumis à de fortes pressions anthropiques dues à une croissance démographique accompagnée d’une urbanisation massive et spontanée exacerbant les pressions sur les ressources, ainsi qu’à l’émergence de nouvelles formes d’exploitation de ces ressources (monétarisation de l’économie, extraction de sable et de corail, ouverture des eaux territoriales aux flottes étrangères), sur lesquelles les dirigeants ont de fait peu de prise. Cette situation tout à fait particulière, mais néanmoins représentative d’évolutions majeures en cours dans la zone intertropicale, fait de ces territoires des « laboratoires » naturels dynamiques, dans lesquels se manifestent déjà les impacts du changement climatique et les rétroactions que le changement global est susceptible d’engendrer. De surcroît, le fait que le changement climatique menace ici des nations entières dont la capacité de réponse est considérée comme étant réduite, au regard de leur statut de pays en développement, a pour effet d’enrichir et de rendre plus complexes les questions à propos des relations qui peuvent exister entre puissance économique et/ou politique et capacité de réponse aux pressions globales. De fait, les questions cruciales et délicates que soulèvent aujourd’hui ces territoires en termes de risques et de menaces associées au changement global concernent en réalité une large partie de la planète : l Quelles sont précisément les pressions naturelles et anthropiques les plus dommageables pour le maintien de ces socio-écosystèmes et de leur résilience ? Et comment ces pressions sont-elles susceptibles d’évoluer dans les décennies à venir, pour autant que l’on puisse prévoir leur évolution ? l Quelles sont les capacités de réponse des systèmes physiques face aux pressions naturelles et anthropiques qu’ils subissent ? Autrement dit, en quoi la résilience des récifs coralliens et des mangroves est-elle susceptible de maintenir les services écosystémiques à un niveau suffisant pour que les communautés humaines puissent continuer de vivre sur ces territoires ? En quoi ces écosystèmes sont-ils notamment susceptibles de contribuer à l’ajustement des îles à l’élévation du niveau marin par exhaussement et à la compensation de la perte de surface que produira leur submersion au moins partielle ? l Les sociétés insulaires en situation d’urgence climatique possèdent-elles, au regard des rapports qu’elles ont construits avec leur environnement, des capacités à s’adapter aux changements en cours ou la pression démographique est-elle d’ampleur à réduire fortement


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