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prospective mer Tant les zones profondes de l’océan que les domaines polaires sont encore largement inconnus et sous-explorés du fait de leur éloignement et de leur accès difficile. Corrélativement ceci suppose la mise en oeuvre de moyens lourds d’exploration, d’étude et de suivi dédiés. Pris dans son volume comme sa surface, le biome profond constitue le plus vaste habitat de la planète (75% de la surface océanique est comprise entre 1000 et 6000 m de profondeur). Pourtant les connaissances fondamentales le concernant sont encore très lacunaires à l’heure où les pressions anthropiques s’y exercent de manière de plus en plus prégnante (pêcheries en eaux profondes, exploitations pétrolières et minières, stockage de déchets…) de même que les effets du changement global via la circulation des masses d’eau. On perçoit désormais que les écosystèmes profonds sont beaucoup plus divers qu’on ne le pensait (marges continentales, canyons, plaines, dorsales sont autant de contextes qui participent à cette diversité) et que leur fonctionnement et leur dynamique ne répondent pas nécessairement aux rythmicités connues pour d’autres régions de l’océan. Ils peuvent être à la fois beaucoup plus stables (plaines abyssales par exemple) et beaucoup plus instables (caractère éphémère et imprévisible de l’activité hydrothermale des fumeurs ou de l’accès aux carcasses de grands mammifères). L’importance patrimoniale de certains points chauds de biodiversité profonde (tels que les monts sous-marins, canyons), les services écosystémiques qu’ils assurent commencent à être reconnus, même si leurs mécanismes restent à élucider. En revanche, les conditions permettant le maintien et le fonctionnement de la biodiversité profonde dans des habitats instables et fragmentés sont mal cernées : la science n’est pas encore en situation de répondre sur la vulnérabilité de ces systèmes ou sur leur capacité de résilience et ainsi de contribuer efficacement à leur préservation. Les stratégies proposées pour la conservation de ces habitats offrent ainsi l’opportunité de développer ces connaissances, en profitant des nouveaux outils disponibles pour observer et étudier directement en grande profondeur (capteurs, caméras, dispositifs expérimentaux) ou dans des conditions simulées (aquarium sous pression). Même les environnements abyssaux « ordinaires » constituent des réservoirs de biodiversité largement ignorés. Les submersibles habités comme les robots rapportent des images d’organismes totalement inconnus et l’on commence seulement à percevoir les rythmes biologiques qui y prévalent et la diversité qui s’y trouve (parfois estimée à plusieurs millions d’espèces). Plus loin encore, la zone hadale, au delà des 5000 m, et, dans l’épaisseur du plancher océanique, la biosphère dite « profonde » représentent aujourd’hui une nouvelle frontière des connaissances. En l’absence de lumière, la biodiversité profonde exploite une variété de sources d’énergie : fluides riches en composés dissous tels le méthane, l’hydrogène ou le sulfure ou encore débris de plantes et carcasses atteignant les grands fonds avant d’être totalement dégradés. Au cours de l’évolution, les espèces animales et des microorganismes capables d’utiliser ces ressources se sont diversifiés et adaptés à des contraintes environnementales variées. La mosaïque des habitats profonds riches en énergie offre un éventail d’espèces modèles, capables de tolérer des températures extrêmes, des conditions corrosives, toxiques ou pauvres en oxygène, dont l’étude nous renseigne sur la réponse au stress, de l’échelle des organismes à celle des communautés, et sur les capacités d’adaptation des espèces. Les circulations hydrothermales profondes permettent le transport d’une multitude de composés chimiques des roches vers le plancher Des situations aux extrêmes de conditions environnementales VIII.3.1 Les environnements profonds VIII.3 162


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