VIII.4.3 La Manche : une zone de transition biogéographique fortement exposée au changement global A l’échelle de l’Atlantique nord-est, la Manche et la Mer d’Iroise se situent à un carrefour biogéographique entre les provinces boréale froide au nord et lusitanienne plus chaude au sud. Elles hébergent à ce titre une diversité remarquable dont la distribution est fortement influencée par les gradients thermiques de température de sorte que de nombreuses espèces marines s’y retrouvent en limite d’aires de répartition (Figure VI.11). D’autre part, cette région héberge une exceptionnelle réserve de diversité génétique pour de nombreuses espèces d’algues et d’invertébrés qui pourrait trouver sa source dans une mise en contact secondaire de populations ayant trouvé des zones refuges au nord et au sud de la Manche lors des dernières glaciations. Ces originalités dans l’organisation de la biodiversité font de la Manche un véritable laboratoire naturel pour étudier sa dynamique en réponse au changement climatique à différents niveaux d’organisation. En dépit des incertitudes que nous avons à prédire les impacts attendus du changement climatique sur la biodiversité, les principaux questionnements qui peuvent être abordés plus particulièrement en Manche concernent la perméabilité relative des barrières biogéographiques sur la distribution de la biodiversité face au changement global. l A quelle vitesse les organismes marins sont en mesure de coloniser différents espaces en fonction de leurs traits d’histoire de vie ? l Quel rôle joue l’organisation des paysages marins sur les potentiels de colonisation, la Manche offrant sur des surfaces réduites des degrés de fragmentation des habitats extrêmement variables ? l La diversité des réponses spécifiques aux changements environnementaux devant conduire à la mise en place de nouvelles combinaisons d’espèces (i.e. communautés analogues), quelles seront la dynamique et les fonctionnalités de ces nouvelles communautés ? Figure VI.11. La gorgone Eunicella verrucosa, exemple d’espèce en limite d’aire de répartition. L’hétérogénéité des diversités génétiques observées en Manche selon les taxons considérés offre in fine des modèles biologiques multiples pour mieux appréhender les capacités d’acclimatation et d’adaptation des espèces aux modifications rapides des conditions environnementales. De manière comparable à ce qui est observé dans de nombreux sites du littoral nord-ouest européen, la région est une zone soumise à de nombreuses pressions anthropiques d’emprise variable. Ces activités regroupent à la fois des activités séculaires comme le trafic maritime intense, le développement d’infrastructures portuaires, la pêche et la conchyliculture, l’eutrophisation ou l’introduction d’espèces exotiques, et des activités nouvelles en pleine expansion comme le développement des énergies marines renouvelables. Ainsi, les deux premières hydroliennes pilotes en France sont situées en Mer d’Iroise et en Manche occidentale alors que trois des quatre futurs parcs éoliens en mer seront situées prospective de l’institut ecologie et environnement du cnrs 171
prospectivemer2013
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