prospective mer 70 Focus Ecologie chimique marine L’écologie chimique marine est une science émergente susceptible d’apporter sa contribution à la compréhension des mécanismes de l’évolution de la biodiversité et des processus écologiques régissant l’organisation et le fonctionnement des écosystèmes marins1. Les métabolites secondaires, des médiateurs chimiques pour l’essentiel, constituent la voie principale de la communication et contrôlent des interactions écologiques complexes. Jusqu’à présent, les molécules produites par les organismes marins ont été étudiées principalement pour leur activité biologique et leurs possibles utilisations, notamment dans le domaine biomédical : plus de 18 000 métabolites ont été isolés et caractérisés chez des organismes marins. Ces molécules présentent souvent des structures originales sans équivalent en milieu continental, une caractéristique inhérente du métabolisme secondaire étant sa grande diversité et sa plasticité qui traduisent les adaptations des organismes aux contraintes d’un environnement changeant. Cependant, les études des voies métaboliques chez les organismes marins restent très nettement insuffisantes voire absentes, alors que chez les plantes terrestres et un nombre croissant de microorganismes, l’accession au génome complet a permis d’accélérer la compréhension des métabolismes et de leur évolution. De ce fait, la connaissance des fonctions écologiques des métabolites secondaires reste très limitée en mer et un pan entier de l’écologie chimique est en devenir. Les études du métabolisme secondaire peuvent constituer un niveau clé dans la compréhension des mécanismes de réponse aux changements environnementaux. Facteurs biotiques et abiotiques induisent des modifications de la production des métabolites secondaires d’un organisme, qui compte tenu de leur rôle majeur de médiateurs chimiques intra-spécifiques (e.g. phéromones sexuelles), peuvent conduire à une modification de la fitness, à la remise en cause d’une symbiose, ou provoquer l’émergence ou la virulence d’un pathogène. Les effets à plus long terme sur le fonctionnement des écosystèmes sont loin d’être établis, mais on peut comprendre aisément comment ils peuvent se manifester après des changements dans les processus allélopathiques. Parmi les substances allélochimiques, on distingue celles qui ont une action bénéfique et constituent un avantage adaptatif pour l’organisme émetteur (allomones répulsives, défensives), et celles qui procurent un avantage à l’organisme qui les perçoit (kairomones attractives, ou d’alerte). Les éléments chimiques participent ainsi aux réponses adaptatives des organismes et des populations, y compris dans le contexte actuel du changement global. Par ailleurs, la compréhension de l’importance des métabolites secondaires dans les processus adaptatifs n’est possible que s’ils sont aussi replacés dans l’histoire évolutive des espèces en tant que produits soumis à la sélection naturelle. En mer, les fonctions les plus étudiées sont celles de défense contre les prédateurs, contre les organismes colonisateurs opportunistes (fouling) et contre les microorganismes pathogènes. Il reste beaucoup à apprendre sur les fonctions des médiateurs chimiques au sein des écosystèmes marins, sur les modalités de transmission de l’information chimique, ou sur l’action de ces médiateurs sur le comportement et la physiologie d’autres organismes. Aujourd’hui, les collaborations établies entre chimistes des produits naturels marins et écologues ont montré que l’étude du métabolisme secondaire n’avait de sens que dans un contexte écologique. Pour progresser rapidement, l’écologie chimique marine doit s’appuyer sur la métabolomique qui offre aujourd’hui la possibilité de comparer un grand nombre d’échantillons par l’analyse de « signatures métaboliques » représentant des fractions beaucoup plus complètes du métabolome. Un atout majeur des approches de métabolomique est qu’elles sont applicables à des organismes non modèles. De nombreuses applications sont possibles en écophysiologie, en écotoxicologie, et en écologie chimique marine, quelques travaux ont 1 - L’écologie chimique a récemment fait l’objet d’une prospective INE (Prospective Ecologie chimique. Une prospective de l’Institut écologie et environnement. Hossaert M. et Barthes N. coordinateurs. 2012). Pour plus de détails et des références bibliographiques, se reporter à ce document.
prospectivemer2013
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