« La médiation, une démarche pour dépasser les conflits »

CNRS

Le CNRS possède depuis 27 ans un service dédié de médiation interne pour tous ses agents, pouvant être contacté directement, à tout moment. Retour sur ses objectifs avec sa médiatrice, Pascale Beyma. 
 

Vous occupez la fonction de médiatrice interne du CNRS depuis juin 2021. Quelles sont vos principales missions ?
Pascale Beyma1  : Le CNRS, comme beaucoup de grands organismes de recherche et d'entreprises possède un service de médiation qu'il a mis en place il y a 27 ans. Cette pratique demeure assez mal connue ou peu utilisée au sein de l'organisme. Sa mission est de prévenir et gérer de façon amiable des conflits interpersonnels, individuels ou collectifs entre agents CNRS ou avec des personnes exerçant leurs fonctions dans un laboratoire/département/service du CNRS, ayant des répercussions sur la relation de travail. Elle peut ainsi intervenir dans le cadre de difficultés de communication ou de tensions entre deux scientifiques d'une unité, les agents d'une unité et le DU, un doctorant et son encadrant, au sein d'une équipe administrative, etc. Il s'agit d'un espace confidentiel d'écoute et de dialogue entre agents vivant un différend relationnel qui permet la co-construction de solutions adaptées aux besoins de chacun. Les agents peuvent me contacter directement, à tout moment, qu’ils aient ou non tenté d’autres recours internes au préalable. Ma mission inclut également un rôle de conseil et de facilitatrice qui peut m’amener à intervenir comme intermédiaire en cas de difficultés administratives entre un agent et des services du CNRS.

Comment est géré un conflit ? 
P. B. :
Lorsqu’agent me contacte concernant un conflit interpersonnel avec un autre agent, je lui propose un entretien individuel en visioconférence afin d’échanger et de comprendre le contexte et la situation, et de lui expliquer mon rôle et celui de la médiation. S’il souhaite entamer une démarche de médiation, je lui demande son accord pour contacter la personne avec laquelle il est en conflit, afin de lui proposer à son tour un entretien individuel. Le second agent est entièrement libre de refuser le rendez-vous ou la démarche de médiation, car la médiation est basée sur le volontariat. Il serait contreproductif d'obliger quelqu'un à effectuer une démarche de médiation. Les entretiens individuels, tout comme la rencontre de médiation, sont confidentiels, c’est essentiel. La confidentialité permet de libérer la parole. Si les deux agents sont partants pour se parler en médiation, j'organise une rencontre commune, en ma présence, rencontre qui va leur permettre de s’exprimer sur ce que chacun vit et de s’écouter. Car la médiation tient à cela : il faut vouloir faire cesser le conflit, être capable de parler à la personne en face et d'écouter ce que l'autre a à dire. C’est ce qu’on appelle en médiation le « pas de côté ». Mon rôle est de faciliter cet échange et cette écoute. L'objectif est que ces personnes, au bout d'une ou deux rencontres, parviennent à trouver des solutions pour faire cesser le conflit et travailler plus sereinement.

Comment se gèrent des situations de conflits au sein de collectifs ?
P. B. :
La démarche est à peu près la même. Cependant, je dois être mandatée par une personne extérieure au conflit. Cela peut être le délégué régional ou le service ressources humaines par exemple. Cela ne peut pas se faire par une personne qui est au cœur du conflit, car elle serait juge et partie. Dans une situation de conflit collectif, j’interviens systématiquement avec un autre médiateur – je fais donc appel à mes réseaux de médiateurs internes, comme celui de l'enseignement public et de la recherche. Nous proposons tout d’abord une réunion d'information à l’ensemble du collectif, suivie d’entretiens individuels avec les personnes volontaires. À l’issue des entretiens individuels, nous faisons une analyse de la situation et regardons si la médiation nous semble appropriée et si une majorité de personnes sont volontaires pour la médiation, ou si, au contraire, un autre moyen nous semble plus adapté pour favoriser une sortie de conflit.

Combien de temps cela prend-t-il, et comment sait-on si le conflit est résolu ? 
P. B. :
Cela peut se faire en quelques mois. Lorsqu'on me contacte – de préférence par mail –, je réponds sous 48 heures. Je réalise les entretiens individuels. Le plus long va être de trouver une date pour une rencontre commune. La rencontre de médiation en elle-même peut se faire rapidement et, si besoin, il y a une deuxième rencontre, chacune durant deux à trois heures. Au bout de deux rencontres, il est possible de savoir si les personnes réussiront à parvenir à un accord ou pas. La procédure individuelle est donc assez rapide, un à deux mois. Pour les conflits collectifs, le processus peut être un peu plus long en raison du nombre de personnes concernées.

Y a t il des conflits particuliers liés au monde de la recherche ?
P. B. :
Les conflits sont inhérents aux relations humaines car nous sommes tous différents. Au travail, les personnes s’opposent en raison de divergences sur la vision qu’elles ont du travail ou du management, parce qu’elles ne partagent pas les mêmes valeurs ou le même mode de communication... La médiation permet à chacun de mettre des mots sur son ressenti. Il est très difficile de faire des typologies. Il me semble que le monde de la recherche présente les mêmes problématiques de conflit que l'ensemble du monde du travail. 

Contact de Pascale Beyma, médiatrice du CNRS :
la-mediatrice@cnrs.fr 

  • 1Formée à la médiation auprès du Conservatoire National des Arts et Métiers, Pascale Beyma a été préalablement juriste pendant une vingtaine d’année auprès d’entreprises innovantes très présentes dans le milieu de la recherche.