Nouméavirus, un nouveau virus d’amibe, contrôle le noyau de son hôte à distance

Résultats scientifiques

Des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale, en collaboration avec le laboratoire de Biologie à grande échelle, ont caractérisé un nouveau virus géant d’amibe, Noumeavirus, dont le mode de réplication original remet en cause la dichotomie traditionnelle entre les virus « nucléaires » et les virus « cytoplasmiques ». Cette étude a été publiée le 21 avril 2017 dans la revue Nature Communications.

 

Les microorganismes eucaryotes se distinguent des procaryotes (les bactéries et les archaebactéries) par la compartimentation stricte de leurs cellules qui sépare le noyau, où se déroulent la réplication de l’ADN et sa transcription en ARN messagers, du cytoplasme où les ribosomes décodent les ARN messagers pour synthétiser les protéines correspondantes.

 

Pour initier leur multiplication, les virus à génome ADN qui infectent une cellule eucaryote (comme une amibe) doivent surmonter ce cloisonnement. Jusqu’à présent, on leur connaissait deux stratégies différentes : soit directement transporter leur génome dans le noyau et y utiliser la machinerie cellulaire (ce sont les virus dits « nucléaires »), soit mettre en œuvre leur propre machinerie de transcription et de réplication au sein du cytoplasme (virus dits "cytoplasmiques"). Dans ce dernier cas, le complexe transcriptionnel codé par le génome viral ne peut initier le cycle infectieux sans être aussi embarqué dans la particule sous la forme de protéines prêtes à l’emploi. C’est cette prédiction, jusqu’alors validée pour toutes les familles de virus cytoplasmiques testés (Mimivirus, Vaccinia virus, Pithovirus), que vient de contredire cette étude.

 

Alors que Noumeavirus se réplique dans le cytoplasme et code bien pour ses propres ARN polymérases, les chercheurs, en analysant le contenu protéique des particules, ont eu la surprise de ne pas en trouver la moindre trace dans la particule virale. Noumeavirus ne peux donc pas initier son cycle infectieux sans l’aide de la machinerie de son hôte, pourtant confinée dans le noyau. Cette anomalie les a poussés à reprendre l’étude détaillée du cycle infectieux dans une amibe dont le noyau a été rendu fluorescent. Ils ont alors observé que l’infection par Noumeavirus déclenchait une perméabilisation temporaire du noyau dès les premières minutes, rendant possible le recrutement des enzymes nucléaires nécessaires à la transcription des gènes précoces du virus. Phénomène étonnant observé pour la première fois, le noyau cellulaire reprend son apparence normale après quelques heures, alors que la multiplication des particules virales bat son plein dans le cytoplasme.

 

Noumeavirus (et probablement la famille des Marseilleviridae dans son ensemble) inaugure donc un nouveau mode de réplication, intermédiaire entre celui des virus nucléaires et celui des virus se répliquant entièrement dans le cytoplasme. Plutôt que de transporter son génome dans le noyau (un processus complexe), Noumeavirus a évolué la capacité d’attirer dans le cytoplasme les enzymes nucléaires temporairement nécessaires à l’expression de ses gènes les plus précoces.

 

Cette découverte d’un mécanisme de contrôle à distance du noyau a plusieurs conséquences. Elle montre d’abord que l’analyse du contenu protéique des particules virales, en complément de leur séquence génomique et de l’observation microscopique, est essentielle à la compréhension de leurs modes de réplication. Ensuite, elle ouvre de nouvelles pistes quant au mode d’infection mis en œuvre par d’autres grands virus à ADN dénués d’appareil transcriptionnel (comme les Chlorovirus) mais dont le passage par le noyau n’a jamais été mis en évidence. Enfin, elle conforte le modèle d’évolution réductive des grands virus à ADN privilégié par les auteurs, en suggérant un mécanisme par lequel des virus initialement cytoplasmiques ont pu s’engager dans la perte progressive de leur autonomie vis-à-vis du noyau, en attendant d’évoluer la capacité d’y transporter leur génome.

 

Image retirée.
Figure : Noyau (fluorescence verte, GFP) et « usine à virion » (bleu, DAPI) dans une amibe à un stade tardif d’infection par Noumeavirus. Après avoir diffusé dans toute la cellule, la fluorescence verte se retrouve confinée dans le noyau qui a retrouvé son intégrité structurale.

© IGS. CNRS-AMU.
 

 

En savoir plus

  • Noumeavirus replication relies on a transient remote control of its host nucleus.
    Elisabeth Fabre, Sandra Jeudy, Sébastien Santini, Matthieu Legendre, Mathieu Trauchessec, Yohann Couté, Jean-Michel Claverie, Chantal Abergel. 
    Nature Communications. 8, Article number: 15087 (2017). doi:10.1038/ncomms15087

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Chantal Abergel