Les visages de peur sont perçus préférentiellement dès trois mois et demi de vie

Résultats scientifiques

La détection des expressions faciales de peur alerte de la présence d'un danger et représente un avantage de survie. Les visages de peur retiennent l'attention chez le nourrisson dès l'âge de cinq à sept mois. Grâce à une approche novatrice, des chercheurs du laboratoire de Psychologie et neurocognition et leurs collaborateurs, mettent en évidence un phénomène perceptif, présent dès trois mois et demi, qui pourrait être à l’origine de ce biais attentionnel. Ces résultats ont été publiés le 13 septembre 2017 dans la revue Proceedings of the Royal Society Part B : Biological Sciences.

Les expressions faciales de peur (yeux écarquillés, sourcils levés, bouche entrouverte, etc.) représentent un signal social important: les repérer chez les autres alerte de la présence d'un danger et représente donc un avantage de survie. Existe-t-il un biais précoce de détection des visages de peur ? Les visages de peur retiennent l'attention plus que d'autres expressions (comme le sourire) dès l'âge de 5 à 7 mois de vie. Comment les nourrissons apprennent-ils si vite à porter leur attention vers les visages de peur, étant donné que ces expressions sont relativement rares dans leur environnement?


Des chercheurs du Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition ( CNRS / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont-Blanc) en collaboration avec des chercheurs à l’Université du Delaware (USA), l’Université de Fribourg (Suisse), et l’Université de Toronto (Canada), viennent de montrer que les nourrissons, dès l’âge de 3.5 mois au moins, pourraient détecter plus facilement les visages de peur que les visages souriants. 
Les chercheurs ont présenté sur un écran d’ordinateur des visages bruités (plus spécifiquement, un bruit visuel phasique assorti d’une égalisation des fréquences spatiales et du contraste global de toutes les images) appariés à du bruit visuel pur. Dans ces conditions, l’on s’attend à ce que les nourrissons détectent le visage et regardent plus longtemps, plus souvent, etc., le visage que le bruit pur. C’est effectivement ce que l’on observe: plus le visage est bruité, moins les nourrissons semblent le détecter, et ceci dès l’âge de 3.5 mois (le plus jeune âge testé).


Les études de ce type utilisent en général une seule variable d’intérêt pour décrire le comportement des nourrissons: par exemple, la préférence visuelle pour un côté plutôt que l’autre. Ici, les chercheurs sont allés plus loin et ont utilisé une nouvelle méthode d’analyse multivariée pour quantifier, à chaque essai, à quel point le comportement du nourrisson (préférence visuelle, direction du premier regard, etc.) permet de prédire correctement la position du visage sur l’écran.


De manière à pouvoir tester l’influence de l’émotion du visage sur la capacité des nourrissons à détecter les visages, les visages présentaient soit une expression de peur, soit une expression souriante. Les nourrissons ont montré, dès 3.5 mois, un avantage pour la détection des visages de peur par rapport aux visages souriants.


Cette recherche suggère qu’une détection facilitée des visages de peur pourrait être un précurseur du biais attentionnel envers ces expressions observé dès 5-7 mois. En effet, cette détection facilitée pourrait permettre aux nourrissons d’apprendre rapidement à porter attention aux visages de peur, par exemple après seulement quelques rencontres avec ces expressions. Ces résultats amènent également à se poser d’autres questions : Quels aspects des visages (yeux, bouche) de peur permettent-ils leur détection facilitée chez les nourrissons ? Les nouveau-nés ou les adultes montrent-ils le même effet ?

 

 

Image retirée.
Figure. Niveau de détection du visage (versus bruit) chez les nourrissons en fonction de l'émotion du visage (peur, sourire), du niveau de signal du visage, et de la quantité relative de signal au niveau des yeux et de la bouche (yeux +, yeux -). Les résultats montrent un plus fort niveau de détection des visages de peur comparé à celui des visages souriants.

© Laurie Bayet et Department of Clinical Neuroscience, Section of Psychology, Karolinska Institutet, Stockholm, Suède.
 

 

En savoir plus

Contact

Olivier Pascalis
Rafael Laboissière