Le cerveau du primate en mouvement

Résultats scientifiques

Lorsque nous nous déplaçons, les images défilent sur nos rétines plus ou moins rapidement. Comment le cerveau gère-t-il ce "flux optique" qui permet de contrôler notre navigation, une capacité partagée, entre autres, par nos cousins primates ? Des chercheurs du Centre de recherche cerveau et cognition ont identifié le réseau cérébral qui traite le flux optique chez le macaque. Dans cette étude parue le 19 janvier 2017 dans la revue Cerebral Cortex, ils montrent des similitudes entre ces réseaux chez l’homme et chez le singe, et quelques différences qui reflètent leurs évolutions parallèles.

L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) est une technique majeure en Neurosciences pour appréhender l’organisation fonctionnelle du cortex cérébral chez l’Homme. Cette approche a permis notamment de mieux identifier le réseau des aires cérébrales impliquées dans le contrôle visuel de la navigation.

 

Dans ce domaine, les travaux menés par Andrew Smith et son équipe à la Royal Holloway University of London, ont permis d’identifier les aires cérébrales répondant plus spécifiquement à des stimulations visuelles présentant des mouvements proches de ceux reçus par nos rétines lorsque nous nous déplaçons. Parmi les régions sensibles à ces « flux optiques » chez l’Homme, certaines étaient attendues à la suite des travaux issus de la physiologie chez le singe macaque. D’autres, plus inattendues, n’ont pas d’homologue connu chez le primate non-humain. Ces différences reflètent-­elles l’émergence de nouvelles aires sensibles au flux optique chez l’Homme, ou simplement le fait que des régions correspondantes n’ont pas encore été identifiées chez le singe ?

 

Afin de répondre à cette question, les chercheurs de l’équipe ECO-3D du Centre de Recherche Cerveau et Cognition (CerCo) à Toulouse, en collaboration avec l’équipe anglaise à l’origine des travaux menés chez l’Homme, ont donc entrepris d’étendre ces travaux d’IRMf chez le singe macaque. La mise au point de cette approche a été effectuée sur la plateforme d’imagerie de l’Institut des Sciences du Cerveau de Toulouse, localisée sur le site de l’Hôpital Purpan, autour d’une IRM 3 Teslas dédiée à la recherche. Cette mise au point a nécessité l’entrainement de singes macaques à réaliser des tâches visuelles dans une machine IRM et ce, dans des conditions expérimentales identiques à celles utilisées pour les mesures chez l’homme. Il a également été nécessaire de développer des antennes et des séquences d’acquisition, ainsi que des outils d’analyses spécifiques à cette approche

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Les résultats obtenus révèlent un large réseau d’aires cérébrales impliquées dans le traitement des flux optiques chez le singe qui, comme chez l’Homme, s’étend dans les régions occipito-pariétale, temporale et frontale du cerveau. Une grande majorité de ces régions confirme largement ce que l’on connaissait de la physiologie chez le macaque. Mais au delà, cette étude met aussi en évidence l’implication d’une région localisée dans le cortex cingulaire, jusque-là passée inaperçue chez le singe, mais dont l’homologue probable avait été décrit chez l’Homme. Enfin, cette étude révèle des régions que l’on considérait classiquement comme homologues, mais dont l’implication dans le contrôle visuel de la navigation apparaît clairement différente entre ces deux espèces de primates.

 

L’approche IRMf chez le primate non-humain offre ainsi un outil unique pour mettre en évidence les similitudes mais aussi les différences entre les réponses cérébrales chez l’homme et chez le macaque. Elle permet ainsi de mieux comprendre l’évolution parallèle de ces deux espèces adaptées à leur environnement.

 

Image retirée.
Figure : Réseaux des aires cérébrales impliquées dans le traitement visuel de la locomotion chez le primate humain et non-humain. Certaines aires (en jaune) sont considérées homologues entre les deux espèces alors que d’autres apparaissent spécifiques au singe macaque (en rouge) ou à l’homme (en vert).

© Benoit Cottereau. Jean-Baptiste Durand
 

 

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Contact

Benoit R. Cottereau
Chercheur CNRS au Centre de recherche cerveau et cognition (CerCo)
Jean-Baptiste Durand