Le recrutement du protecteur Sgo2 par la kinase Mps1 assure la bonne qualité des ovocytes

Résultats scientifiques

L’équipe de Katja Wassmann à l’Institut de Biologie Paris-Seine, en collaboration avec les équipes de Jan van Deursen à la Mayo Clinic à Rochester (USA) et José Sujà à l’université de Madrid, dévoile un mécanisme essentiel pour maintenir les chromatides soeurs ensemble pendant la première division méiotique et assurer la ségrégation des chromosomes dans l'ovocyte des mammifères. Cette étude qui ouvre de nouvelles perspectives pour la compréhension de l’augmentation des erreurs de ségrégation avec l’âge de la femme, a été publiée le 25 septembre 2017 dans la revue Nature Communications.

 

Chez la femme, plus de 20 % des ovocytes sont aneuploïdes, c'est à dire avec un nombre incorrect de chromosomes. A l'approche de la ménopause, ce chiffre augmente de manière très importante. Après fécondation, ces ovocytes donneront des embryons aneuploïdes, qui seront le plus souvent avortés spontanément, car seules quelques trisomies (avant tout, la Trisomie 21) sont viables. L'équipe MOM (Mammalian Oocyte Meiosis) de Katja Wassmann cherche à élucider les mécanismes moléculaires qui conduisent à la formation des ovocytes fécondables chez les mammifères, pour mieux comprendre comment les erreurs de ségrégation surviennent.

Les gamètes mâle et femelle fusionnent pour créer la première cellule de l'embryon. Les cellules eucaryotes contiennent deux copies du matériel génétique sous forme de chromosomes, elles sont donc diploïdes. Chaque chromosome est constitué de deux chromatides sœurs. En mitose, lors de la génération de deux cellules filles identiques chacune reçoit une chromatide de chaque chromosome. Comme il y a deux chromosomes, l'un provenant du père, l'autre de la mère, chaque cellule fille aura deux chromatides homologues, elle reste donc diploïde. Par contre les gamètes doivent avoir un nombre de chromosomes réduit par deux - ils sont haploïdes. Les deux divisions cellulaires successives qui conduisent à la réduction du nombre des chromosomes s'appellent méiose I et II. Au cours de la méiose I, les chromosomes homologues s'apparient et se recombinent, ce qui mélange le patrimoine génétique du père et de la mère. Les chromosomes sont ensuite séparés dans deux cellules filles. Cette séparation, spécifique de la méiose, est possible grâce à l’enlèvement en deux étapes de la Cohésine, une protéine qui "colle" les deux chromatides sœurs d'un chromosome ensemble: la Cohésine est d’abord enlevée en méiose I des bras des chromosomes qui ont recombiné, afin de permettre la séparation des chromosomes.  Dans une seconde étape, en méiose II, la Cohésine est enlevée d’une région spécifique, le centromère, afin de permettre la séparation des chromatides sœurs comme lors d’une division mitotique. Pour une séparation correcte des chromosomes il est donc essentiel que la Cohésine centromérique ne soit pas enlevée trop tôt, et elle est protégée grâce au recrutement de la protéine Sgo2 au centromère.

Les chercheurs montrent que la kinase Mps1 est requise pour localiser le protecteur Sgo2 au bon endroit au niveau du centromère et assurer la protection de la Cohésine centromérique. La microscopie confocale proche de la super-résolution a été utilisée pour montrer que deux sous-populations de Sgo2 sont localisées au centromère, dont l’une seulement est requise pour la protection. Contrairement à ce qui avait été proposé dans d’autres études, le recrutement de Sgo2 par Mps1 se déroule indépendamment de la phosphorylation de l'Histone H2A par la kinase Bub1. La perte de l'activité kinasique de Mps1 dans l'ovocyte de souris conduit à la ségrégation précoce des chromatides sœurs en méiose I, et en conséquence, à la génération d'ovocytes aneuploïdes.

Ces résultats sont pertinents, car le recrutement de la protéine Sgo2 au centromère est diminué avec l'âge maternel, ce qui pourrait être dû à une baisse d'activité de Mps1, expliquant ainsi l'augmentation de la proportion d’ovocytes aneuploïdes avec l'âge chez la femme. 

 

Image retirée.
Figure : Visualisation de la protéine Sgo2 en méiose I dans l'ovocyte de souris. La localisation en méiose I de Sgo2 (immuno-marquage, en rouge) par rapport au centromère (révélé grâce à l’antisérum CREST, en vert) sur un chromosome (marqué avec Hoechst, gris) est analysée par microscopie confocale et traitement de l'image avec Arivis Vision 4D. Sgo2 co-localise avec CREST, et on peut distinguer la sous-population de Sgo2 à l'extérieur du centromère, et la sous-population entre les deux chromatides sœurs, à l'intérieur du chromosome. Mps1 est nécessaire pour le recrutement de la sous-population de Sgo2 localisée vers l'extérieur.

© Katja Wassmann

 

 

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Contact

Katja Wassmann
Directrice de recherche CNRS à l'Institut Jacques Monod (CNRS/Université Paris Cité)