L’étude du corps humain n’échappe pas
à cet affligeant constat : l’ensemble de ses champs
d’investigation ressemble à une tour de Babel
d’un nouveau genre dans laquelle les hommes, tout en parlant
la même langue, ne se comprennent plus. Paradoxe absolu que
de voir chaque discipline des sciences humaines et sociales et des
sciences dures se préoccuper de sujets communs sans pour
autant comprendre le voisin… Car pour se comprendre il faut
se parler, entendre un langage compréhensible, mais aussi
s’écouter. Le pari de regrouper ces différents
professionnels, non seulement de manière interdisciplinaire,
mais aussi transdisciplinaire, est peut être risqué
puisqu’il ne correspond pas à
l’académisme, mais sera loin d’être
inutile s’il permet aux différents acteurs de
percevoir les variables disciplinaires. C’est là le
champ véritable de la disputatio que transcende la
confrontation disciplinaire, là où la démarche
mono-appartenante ne conduit, généralement,
qu’à de stériles querelles. Quel sujet plus
rassembleur que celui du corps ? Quel sujet plus cacophonique aussi
? Comme souvent, le hasard des rencontres – celle en
l’occurrence d’un juriste et d’un médecin
– a permis de voir éclore un projet un peu
idéaliste : celui de voir échanger ensemble, sur le
même thème du corps, des membres de communautés
souvent étrangères les unes aux autres,
médecins et juristes certes, mais aussi sociologues,
philosophes, théologiens, artistes… Aborder le
thème du vieillissement, parler du corps vieillissant, nous
engage à une réflexion sur le rapport au temps dans
notre société. Celui-ci se révèle
très différent de ce que l’on peut observer
dans la culture chinoise, dans le monde africain. Le corps
sénescent doit se confronter, certes, à ses pertes
progressives (physique, neurologique, sexuelle…) mais peut
tirer profit de sa maturité croissante, fuyant toute
tentation de jeunisme et ce, même si la chirurgie peut
l’accompagner parfois dans une meilleure acceptation des
stigmates du temps. Au-delà de cela, qu’en est-il de
cette notion de grand âge dans les textes sacrés ?
Quel est le pouvoir de la gérontocratie ? Existe-t-il des
encadrements juridiques spécifiques ? Partis du
phénomène de mort cellulaire et d’apoptose
à l’origine de la sculpture du vivant, nous
reviendrons à l’échelle de la cellule afin de
laisser naître, peut-être à travers les cellules
souches et leur pluripotence, un rêve
d’immortalité…