L’Europe de la science, notre espace commun

International

Chers collègues,

Les résultats du referendum du 23 juin et la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union Européenne soulèvent de graves inquiétudes dans l'ensemble des communautés scientifiques européennes, et dans la communauté française en particulier.

En tant que président du premier organisme mondial de recherche fondamentale dans toutes les disciplines, et dans le respect de l'expression des citoyen.ne.s britanniques, il me paraît à la fois urgent et nécessaire de m'adresser à vous.

Nous sommes ensemble confrontés à un paradoxe : le risque de voir, sinon se rompre du moins se dévitaliser une coopération scientifique de haut niveau au moment même où, en grande partie grâce aux instruments européens, cette dernière n’a jamais été aussi active, dense, diverse et productive. Pourquoi se priver d'une telle réussite ? La coopération scientifique avec les Britanniques, nous le savons tous, représente une contribution décisive à l'espace européen de la recherche. Et cet espace participe au rayonnement international de l'esprit européen.

Pour la science, l’éloignement de la recherche britannique de l’espace européen de la recherche ouvre un période d’incertitude qui présente un double danger : la fragilisation des investissements du passé et des investissements dans le futur qui font la vie scientifique. Le CNRS ne peut accepter, sans faillir à ses missions, de mettre en cause des collaborations inscrites dans la durée et par là d'hypothéquer l'avenir de la recherche fondamentale.

La recherche européenne, notre bien commun, s'est construite avec les chercheur.e.s et universitaires britanniques : pour le CNRS, pour tout le système de l’enseignement supérieur et de la recherche français, cette recherche n'a pas à se faire sans eux.elles, sous peine d'un appauvrissement intellectuel et culturel dont nous serions redevables devant les générations futures.

Comment œuvrer, dans un temps court et avec pragmatisme, au maintien des liens forts qui unissent la communauté scientifique britannique à la communauté scientifique européenne, et au CNRS en particulier ? Comment préserver la place, la circulation et les positions des chercheur.e.s des universités britanniques au sein de l'espace européen de la recherche ? Doit-on privilégier un renforcement des relations bilatérales en dotant ces relations de nouveaux moyens d'action ? Convient-il d'imaginer de nouveaux partenariats scientifiques multilatéraux associant plusieurs pays européens au Royaume-Uni ?

Afin de réfléchir collectivement aux réponses à ces questions, je vous propose d'organiser ensemble une rencontre académique au plus haut niveau, un sommet scientifique franco-britannique qui serait accueilli par une grande université du Royaume-Uni. L'ambition est claire : faire preuve d’imagination et d’innovation pour aboutir à des propositions concrètes nous permettant de continuer à travailler ensemble.

Il nous incombe de participer activement à la configuration de l'espace de la recherche européenne de demain, que ni les universitaires ni les jeunes chercheur.e.s britanniques n'ont de raison de quitter, puisqu'il est l'environnement naturel de leur activité et notre espace commun de travail et de pensée.

Aujourd'hui et demain, c'est ensemble que nous défendrons l'excellence de la recherche européenne au niveau international.

Croyez-moi très sincèrement vôtre.

Alain Fuchs
Président du CNRS