Que deviennent les nanoparticules magnétiques dans les cellules ?

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Bien que de plus en plus utilisées pour l'imagerie cellulaire ou la bio-ingénierie tissulaire, le devenir à long terme des nanoparticules magnétiques au sein des cellules souches restait à documenter. Des chercheurs du CNRS, de Sorbonne Université, et des universités Paris Diderot et Paris 13, ont mis en évidence une dégradation importante de ces nanoparticules, suivie dans certains cas par une « re-magnétisation » des cellules. Ce phénomène est le signe d’une biosynthèse de nouvelles nanoparticules magnétiques, à partir du fer libéré dans le milieu intracellulaire par la dégradation des premières nanoparticules. Publiés dans PNAS le 11 février 2019, ces travaux pourraient expliquer la présence d’un magnétisme « naturel » dans les cellules humaines, tout en permettant d’envisager de nouveaux outils pour la nanomédecine, grâce à ce magnétisme produit par les cellules elles-mêmes.

Les nanoparticules magnétiques sont aujourd’hui au cœur de la nanomédecine : elles servent d'agents de diagnostic en imagerie, d'agents thermiques anti-cancéreux, d’agents de ciblage de médicaments, ou encore d’agents pour l’ingénierie tissulaire. La question de leur devenir dans les cellules, après accomplissement de leur mission thérapeutique, restait cependant à éclaircir.

Pour suivre le parcours de ces nanoparticules dans la cellule, les chercheurs du laboratoire Matière et systèmes complexes (CNRS/Université Paris Diderot) et du Laboratoire de recherche vasculaire translationnelle (Inserm/Université Paris Diderot/Université Paris 13), en collaboration avec des scientifiques de Sorbonne Université1 ont mis au point une approche originale de nanomagnétisme en milieu vivant : ils ont d'abord incorporé, in vitro, des nanoparticules magnétiques dans des cellules souches humaines, qu'ils ont ensuite laissé se différencier et se développer sur un mois, afin de les observer dans l'environnement intracellulaire sur le long terme et suivre leurs transformations.

En suivant « l'empreinte magnétique » de ces nanoparticules au sein des cellules, les chercheurs ont montré qu'elles commençaient par être détruites (l'aimantation des cellules diminue), ce qui libère du fer dans l'environnement intracellulaire. Ensuite, ce fer « libre » peut soit être stocké sous forme non magnétique dans la ferritine, la protéine responsable du stockage du fer, soit servir de base à la biosynthèse de nouvelles nanoparticules magnétiques, au sein même de la cellule.

Phénomène connu chez certaines bactéries, une telle biosynthèse n'avait jamais été mise en évidence dans des cellules de mammifères. Cela pourrait pourtant expliquer la présence de cristaux magnétiques chez l'homme, observés dans les cellules de divers organes, en particulier le cerveau. De plus, ce stockage du fer sous forme magnétique pourrait également être une façon pour la cellule de se « détoxifier » sur le long terme en cas d'excès de fer. Du point de vue de la nanomédecine, cette biosynthèse ouvre la voie à un possible marquage magnétique purement biologique des cellules.

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Synthèse de nanoparticules magnétiques au sein de cellules souches, à partir du produit de dégradation de nanoparticules précédemment internalisées. Ces nanoparticules « biologiques » sont produites in situ, au sein des endosomes (flèches blanches), et mesurent en moyenne 8 nm. © laboratoire MSC (CNRS/Université Paris Diderot)

 

  • 1En collaboration avec des chercheurs du laboratoire Physicochimie des électrolytes et nanosystèmes interfaciaux (CNRS/Sorbonne Université), de l'IMPMC (CNRS/Sorbonne Université/MNHN/IRD), du laboratoire Interfaces, traitements, organisation et dynamique des systèmes (CNRS/Université Paris Diderot).
Bibliography

Biosynthesis of magnetic nanoparticles from nano-degradation products revealed in human stem cells. Aurore Van de Walle, Anouchka Plan Sangnier, Ali Abou-Hassan, Alberto Curcio, Miryana Hémadi, Nicolas Menguy, Yoann Lalatonne, Nathalie Luciani, and Claire Wilhelm. PNAS, le 11 février 2019.

Contact

Nathalie Luciani
University of Paris Diderot researcher
Alexiane Agullo
CNRS press officer