"Nous accompagnons nos agents à l'étranger"

International

Philippe Gasnot, à la tête de la Direction de la sûreté du CNRS, nous explique comment l’organisme accompagne ses nombreux agents à l’étranger pendant la crise du COVID-19.
 

Combien y-a-t-il à ce jour d'agents CNRS en poste ou en mission à l'étranger ?
Philippe Gasnot1  :
 À l’heure où nous parlons, il reste un peu plus de 300 agents CNRS à l'étranger, sans compter les étudiants partis avec des ordres de missions. Il faut savoir en effet que le CNRS effectue chaque année environ 55 000 missions dans quasiment tous les pays du monde. Toutefois, obtenir un instantané à une date précise demande du temps, car nombre de ces informations sont gérées par les laboratoires directement, et ne sont pas centralisées par ma direction lorsqu’il s’agit de déplacements dans des pays qui ne sont pas considérés comme à risques2 . La crise que nous traversons, et qui n’épargne aucune région, est inédite.

La difficulté du recensement était donc que cette crise affectait des agents en déplacement dans des pays pour lesquels aucune procédure préalable de l’évaluation des risques n'avait été nécessaire auprès de votre direction.
P. G. : En effet, la Direction de la sûreté du CNRS a pour mission la protection contre les atteintes volontaires aux personnes, aux biens et aux agents. J’émets près de 8 000 avis chaque année sur des missions à l’étranger, mais uniquement concernant des pays ayant des zones classées orange (déconseillées sauf raison impérative) ou rouges (formellement déconseillées). Pour celles-ci, le directeur d'unité ne peut signer d’ordre de mission sans une analyse des risques conduisant à un avis positif. Quant aux vertes (vigilance normale) et jaunes (vigilance renforcée), les agents doivent simplement appliquer les consignes générales : se déclarer sur le site Ariane du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) pour se signaler, avoir un téléphone portable et être constamment joignables, respecter le déroulé de la mission... C'est important car un pays non classé à risques n'est pas à l'abri d'une crise, comme nous avons pu le constater lors des attentats de 2017 en Belgique, lors desquels nous avons dû appeler nos agents dans le pays pour prendre de leurs nouvelles et les aider le cas échéant. 

La France organise désormais le retour de quelques milliers de ressortissants bloqués à l'étranger par la pandémie de COVID-19. Quelles sont les consignes pour les agents du CNRS qui se trouvent hors du territoire français ?
P. G. : Aujourd’hui, toutes les missions du CNRS sont suspendues en France, en Europe et dans le reste du monde. Nous demandons très fortement au personnel à l’étranger dont les missions se terminent avant le 30 juin de rentrer, sauf raisons motivées et impérieuses. Pour les autres agents - ceux en mission longue durée ou en poste - nous leurs donnons le choix. Mais dans les deux cas, il ne s’agit pas de rapatriements : les agents sont invités à rentrer en fonction des moyens proposés par les transporteurs, et les frais engendrés sont, bien entendu, pris en charge par le CNRS. Cette demande est faite directement, par les directeurs d'unités lorsqu’il s’agit de missions, ou par la délégation régionale du siège du CNRS pour les personnes en poste à l’étranger - environ une centaine, surtout dans nos International Research Laboratories (IRL)3

Mais la situation reste complexe : la fermeture des frontières d’un grand nombre de pays - en Amérique du sud, par exemple - s'est faite de manière assez rapide, et les mesures de confinement de la population sont déjà instaurées dans de nombreux États, touchant plus de 3 milliards de personnes aujourd’hui. Pour ceux qui doivent rentrer mais n’ont pas de moyens de le faire par vol commercial, ils sont priés de contacter immédiatement l’ambassade de France du pays qui répertorie ces souhaits, et peut être en mesure de les placer sur des vols spéciaux organisés.

Comment s’effectue la communication entre l’agent, le directeur d’unité, vous-même, le directeur du bureau du CNRS à l’étranger, le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ou l’ambassade de France sur place ? Cela fait beaucoup d’interlocuteurs…
P. G. : …Qui sont tous essentiels. Ainsi le délégué régional va recevoir les orientations du CNRS (de contacter tous les agents), qui va les transmettre aux directeurs d’unités qui connaissent le mieux leurs collègues et pourront trouver les mots justes pour les convaincre de rentrer si nécessaire. De par leur visibilité particulière sur l'ensemble des activités de recherche en cours sur leur zone de compétence, les chefs de bureau du CNRS à l'étranger ont un rôle clé. Lors du tremblement de terre survenu au Mexique en 2017, le directeur du bureau du CNRS à Washington, en charge de l’Amérique du Nord, avait immédiatement eu une liste de nos agents sur place, et sa connaissance des relations académiques et diplomatiques avaient permis de les contacter très rapidement. Cet ancrage régional, ainsi que les liens entretenus avec les ambassades locales, les consulats et les ministères, constituent une force incomparable qui permet parfois de débloquer des situations délicates comme actuellement lors d’aide au retour de nos agents. Dans certains cas, je peux être amené à contacter le centre de crise du MEAE avec un dossier bien précis (les noms des agents, leurs numéros de téléphone, la ville où ils se trouvent, la composition de la famille…) pour faciliter leur traitement.  

  • 1Nommé fonctionnaire de sécurité et de défense du CNRS en septembre 2012, Philippe Gasnot occupe également les fonctions de directeur de la sûreté depuis janvier 2014.
  • 2Le MEAE établit une classification des pays en fonction des risques qu’ils présentent : rouges pour "formellement déconseillés", orange pour "déconseillés sauf raison impérative", jaunes pour "vigilance renforcée" et verts pour "vigilance normale".
  • 3Ces outils structurent en un lieu identifié la présence significative et durable de scientifiques d’un nombre limité d’institutions de recherche françaises et étrangères (un seul pays étranger partenaire).