Recherche en temps de crise sanitaire : débats éthiques et respect de l’intégrité scientifique

CNRS
Dans un message commun, le Comité d'éthique du CNRS et la Mission à l'intégrité scientifique du CNRS rappellent les principes inhérents à la recherche scientifique et biomédicale dans ces temps de crise sanitaire : le respect des règles éthiques humanistes et une démarche garantissant le caractère fiable, rigoureux et honnête des recherches.

Face à la pandémie du coronavirus COVID-19, la recherche scientifique se trouve confrontée à trois exigences en tension les unes avec les autres. D’un côté, la recherche biomédicale se doit de respecter des principes éthiques humanistes, tout en agissant dans l’urgence afin de trouver au plus vite des solutions thérapeutiques pour mettre fin à la pandémie. D’un autre côté, dans sa communication avec le grand public, elle doit répondre aux questionnements légitimes de la population, tout en évitant les effets d’annonce et en demeurant sobre, prudente, didactique et précise. Enfin, dans sa quête inconditionnelle de vérité, la recherche scientifique doit fonder sa démarche sur des principes d’intégrité scientifique qui paraissent, parfois, difficilement compatibles avec l’urgence. Pour autant, cette situation n’autorise pas que l’on s’affranchisse d’aucun de ces principes. 

Rappelons que l’intégrité scientifique recouvre l’ensemble des règles et valeurs qui régissent l’activité scientifique et en garantissent le caractère fiable, rigoureux et honnête. Leur observance est indispensable ; elle seule assure la crédibilité de la science et justifie la confiance que lui accorde la société.

Rien ne justifie qu’au nom d’un pragmatisme de l’urgence, on contourne les exigences de la démarche scientifique et les procédures usuelles, en particulier la fiabilité et la transparence des méthodes utilisées, l’évaluation critique des publications par les pairs et l’absence de conflits d’intérêts. Nous avons quelques raisons de rester optimistes dans la situation de crise actuelle. D’une part, la mise à disposition mondiale des données permet d’alimenter le débat sur la fiabilité du travail réalisé ; d’autre part, l’ouverture des publications par les revues traditionnelles et la mise en ligne de preprints permet une diffusion rapide de l’information et une réactivité immédiate à un article soumis et à son analyse critique.

Face à une situation exceptionnelle à bien des égards, la communauté scientifique doit se rappeler, et rappeler à tous, que son rôle est de pratiquer, sans compromis, une recherche honnête et responsable. 

Les questions éthiques que pose la recherche biomédicale peuvent faire débat, tout particulièrement dans le contexte de la crise actuelle. Elles ont été récemment analysées par Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’Université Paris Saclay dans un article intitulé « Recherche biomédicale : quels principes éthiques en temps de pandémie ? » (The Conversation, 27 mars 2020). Nous reprenons ici certains de ses propos.

  • Le recours à un traitement non validé en période de crise sanitaire pose des questions d’éthique 
  • Il y a un devoir moral de mettre en œuvre des essais rigoureux et à respecter les critères internationaux de bonne pratique des essais cliniques
  • L’éthique de la recherche en situation de pandémie est une éthique de la responsabilité, de la rigueur, mais aussi de la prudence. Son cadre d’exercice est inspiré par des valeurs d’humanité, de préservation de la dignité, du respect de la personne, d’intégrité et de loyauté
  • La transparence sur tous les aspects des soins, le consentement éclairé, la liberté de choix, la confidentialité, le respect de la personne, la préservation de la dignité » mais aussi, afin d’évaluer les effets du traitement, l’« obligation morale de collecter et de partager toutes les données générées, y compris à partir de traitements fournis pour un “usage compassionnel” (accès à un médicament non approuvé en dehors d’un essai clinique) ».
  • Les promesses de la recherche, dans un contexte où l’on en espère tant, sont d’une importance telle qu’il nous faut ne pas les trahir. Il est nécessaire de les préserver des polémiques, car celles-ci risquent de susciter, au-delà d’une défiance qui déjà menace notre cohésion nationale, une difficulté à développer des stratégies médicales dans un contexte favorable aux meilleures avancées.

Nous faisons nôtres ces remarques de bon sens qui expriment très clairement les principes essentiels d’éthique en situation de pandémie
 

Comité d’éthique du CNRS (COMETS)
Mission à l'Intégrité Scientifique (MIS) du CNRS