Année des mathématiques : rapprocher chercheurs et enseignants

CNRS

A l’occasion des 80 ans du CNRS et dans la continuité du rapport Torossian-Villani pour l’enseignement des mathématiques, l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions du CNRS lance l’Année des mathématiques.

Le rapport « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques », délivré par Cédric Villani, député de l'Essonne et ancien directeur de l’Institut Henri Poincaré, et Charles Torossian, inspecteur général de l'éducation nationale, était attendu dans les rangs des mathématiciens. Publié en février 2018, il a pour objectif de proposer un bilan des forces et des faiblesses actuelles de l’enseignement des mathématiques et diverses mesures pour le renforcer.

La mission Torossian-Villani a auditionné, au cours de l’automne 2017, des acteurs représentatifs de l’enseignement et de la recherche en mathématiques, dont l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI). « Nous voulons présenter les mathématiques, non pas comme une discipline ancienne, mais comme une science vivante. Les mathématiques ne sont pas une langue morte. Elles continuent de se développer. Il nous parait important de garder un lien fort entre la recherche et les enseignants du secondaire », rapporte Emmanuel Royer, directeur adjoint scientifique à l’INSMI, qui coordonne ce projet. Celui-ci sera assisté par Louise Nyssen, nommée chargée de mission « Année des mathématiques » à l’INSMI.

L’une des missions de l’INSMI est « d’animer et de coordonner la recherche en mathématiques » : c’est donc une évidence qu’il prenne part au déploiement des mesures proposées par le rapport. « La communauté de la recherche en mathématiques est essentiellement universitaire. Les formateurs des enseignants du secondaire sont aussi des chercheurs en mathématiques ! Nous faisons donc naturellement un lien, mais nous souhaitons le renforcer et le pérenniser. Notre message aux étudiants qui préparent les concours (CAPES, agrégation) est que la recherche en mathématiques est bien vivante. Il ne faut pas que ce message soit oublié une fois que ces étudiants deviennent professeurs du secondaire car ils sont notre relai vers les élèves donc vers l’avenir », explique Emmanuel Royer.

A l’origine du plan d’enseignement voulu par le ministère, on trouve notamment les difficultés des élèves du primaire et secondaire. « Le rapport pointe une dégradation des résultats des élèves lors des évaluations internationales. Parallèlement l’école mathématique française en recherche est à la pointe. Je dirais surtout qu’il y a une augmentation de l’écart entre les élèves qui peut être expliqué par l’intérêt qu’ils portent aux mathématiques. Très jeunes, certains sont braqués. Pour beaucoup, les mathématiques sont comme un dogme : elles sont présentées de façon sans doute trop linéaire. Il faudrait montrer les brouillons des chercheurs pour faire comprendre aux élèves qu’en mathématiques on cherche, on se trompe et on recommence ! »

L’INSMI a donc proposé d’organiser l’Année des mathématiques durant l’année scolaire 2019-2020 en partenariat avec le Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse afin d’encourager la mise en place des mesures proposées par le rapport Torossian-Villani, en particulier les mesures 15 et 16 concernant le développement professionnel des enseignants et la mise en place de « Labomaths ». Ces lieux, nouveau cœur de la formation continue et du développement professionnel des enseignants, permettront aux équipes pédagogiques des établissements de se réunir et de rencontrer les intervenants extérieurs. En nouant des liens plus forts entre enseignants et chercheurs, l’INSMI souhaite que la recherche en mathématiques soit l’occasion d’enrichir les cours des enseignants.

L’Année des mathématiques sera structurée autour de projets phares. Le premier est la tenue de journées de formation à destination des professeurs du secondaire et délivrées dans chacune des 41 unités mixtes de recherche de l’institut c’est-à-dire au sein des laboratoires. « Il est important que la formation se passe dans les lieux de la recherche pour que les professeurs gardent un lien avec les mathématiques vivantes. » Ces journées de formation, qu’il faudra planifier très vite, seront structurées autour d’une intervention de chercheurs ou enseignants-chercheurs le matin suivi d’ateliers de réflexion autour de la thématique présentée. L’enseignant pourra alors se réapproprier le sujet présenté par le chercheur et s’interroger sur la façon de l’utiliser en classe. « Il faut que les élèves se rendent compte que ce qu’ils font sert, que les mathématiques sont partout. »

Des outils de diffusion existent déjà et pourront être mobilisés pour les journées de formation, notamment le magazine en ligne « Images des mathématiques », porté par le Groupement de Recherche AuDiMath, qui a pour but, via des articles de vulgarisation, de rapprocher la recherche en mathématiques d’un plus large public. « Un point de départ pourrait être la présentation d’un article d’Images des mathématiques par son auteur et la réappropriation de cet article par l’enseignant. La réappropriation pourrait être considérée comme très réussie si elle menait à une réécriture par un couple enseignant du secondaire/chercheur. »

Il est important que les enseignants prennent l’habitude de venir dans les laboratoires : « Il faut qu’ils sachent qu’ils n’y sont pas des intrus et qu’ils ont sans doute des choses à y apprendre. Il faut en finir avec cette image du chercheur qui ne parle qu’aux chercheurs. Pour que ces journées fonctionnent, elles doivent être inscrites au plan académique de formation des enseignants d’où l’intérêt du partenariat avec le Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse. »

Un autre objectif est de créer un vivier de chercheurs et d’enseignants-chercheurs prêts à s’investir au sein des LaboMaths et des journées de formation. « Nous ne partons pas de nulle part. Au sein de beaucoup d’universités, il existe des groupements d’enseignants-chercheurs impliqués dans l’organisation de groupes de rencontre, notamment dans le cadre des Instituts de recherche en enseignement des mathématiques. Il faut cependant apporter du sang neuf à ces actions existantes afin que plus de chercheurs fassent de la diffusion. En effet, la multiplicité des points de vue aidera à la compréhension. » Les journées de formation ont donc aussi pour objectif de susciter des vocations au sein des laboratoires.

A ces journées de formation en soutien à la mise en place des LaboMaths s’ajouteront différents évènements. Notamment la journée d’ouverture de l’Année des mathématiques, à l’automne 2019, qui aura lieu au CNRS et qui donnera aux enseignants du secondaire et aux acteurs de la diffusion de la recherche en mathématiques une occasion de se rencontrer. Cette année des mathématiques se conclura lors du colloque final à la fin de l’année scolaire 2019-2020 qui permettra aux enseignants du secondaire de montrer les productions issues des journées de formation. D’autres actions avec d’autres partenaires sont en cours de construction. « Via toutes ses actions nous souhaitons allumer une étincelle. Le but est que des rencontres se fassent et que les collaborations perdurent au-delà de cette année spéciale. »

 

Laurence Stenvot