CNRS : vers des pratiques de recherche plus durables

CNRS

Le 24 janvier, le CNRS a organisé au siège de l’organisme le séminaire « Impacts des pratiques de la recherche sur l’environnement ». Une première pour ce dernier qui souhaite mettre en cohérence les pratiques de travail de la recherche avec le développement durable.

Dans un contexte d’urgence climatique et de protection des ressources de la planète, les actions des chercheurs pour une meilleure cohérence des pratiques de travail avec les objectifs de réduction de l’empreinte humaine sur l’environnement se multiplient aussi bien dans l’hexagone qu’à l’international. L’université de Copenhague a été l’une des premières institutions académiques à mener une étude grandeur nature dans l’objectif d’inciter son personnel à réduire ses trajets en avion. Le résultat : une baisse de 15% de son empreinte carbone ! Et la recherche scientifique publique semble le parfait espace pour soutenir de telles nouvelles pratiques sociétales.

Fortement impliqué, de par ses recherches sur l’état de la planète depuis des décennies, le CNRS s’est également investi dans la prise en compte des 17 Objectifs de développement durable (ODD) définis par les Nations-Unis en 2015. L’organisme s’est engagé dans des initiatives nationales et internationales1 pour relever les défis de développement durable et a créé sa Task Force « CNRS Agenda 2030 » pour traduire en questions scientifiques l’agenda politique des Nations Unies et promouvoir les découvertes et innovations qui s’inscrivent au sein des 17 ODD.

 « Le CNRS s’investit depuis longtemps sur les questions liées au développement durable. Cette approche est présente non seulement au sein des travaux des chercheurs en écologie et en environnement, mais également au sein de toutes les disciplines scientifiques représentées par les instituts du CNRS. Elle a dorénavant besoin d’être plus intégrée dans nos démarches professionnelles », affirme Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS qui a créé, en juin 2019, un groupe de réflexion sur « Les pratiques de la recherche et le développement durable ». Ce dernier avait pour objectifs i) d’explorer les actions en lien avec le développement durable dans l’écosystème de l’ESR ; ii) de proposer des axes, des initiatives qui permettraient de favoriser la compatibilité des activités de la recherche avec le développement durable ; et iii) d’identifier comment le CNRS peut intervenir et devenir un acteur du développement durable dans l’écosystème de l’ESR.

« Notre groupe de réflexion se compose de représentants de la présidence du CNRS, de la Direction des ressources humaines - pour leurs actions en termes d’élaboration des cahiers des charges des marchés de restauration collective, de la Direction de la stratégie financière, de l'immobilier et de la modernisation - pour leur intégration du critère de performance énergétique et environnementale dans le cadre de la politique immobilière au CNRS, de la Direction des systèmes d’information - pour leur vision sur l’aspect numérique, et de chercheurs issus de trois instituts différents, explique Virginie Boulanger, ingénieure de recherche spécialisée dans l’accompagnement et le pilotage de projets d’excellence opérationnelle, à la tête du groupe de réflexion. Nous collaborons également avec des collectifs tels que le Labos 1point5 avec qui nous partageons la démarche. »

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Le transport par avion est aujourd'hui le mode de déplacement le plus coûteux en termes d’émission de carbone par passager/kilomètre. Un grand nombre de chercheurs et enseignants prennent l'avion pour se rendre à des colloques, conférences, congrès, séminaires ou workshops. © Parabolstudio /Stock.Adobe.com

Au cours de l’année 2019, le CNRS a mené une grande enquête auprès de ses 1100 directeurs d’unité et de ses délégations afin d’obtenir une vision globale des initiatives réalisées pour le développement durable. « Nous avons eu un taux de réponses de 47% dont un peu plus de la moitié de réponses positives ou contenant des propositions d’actions », rapporte Virginie Boulanger. Parmi les retours, le groupe de réflexion a notamment identifié des actions de sensibilisation (séminaires, quizz, atelier, newsletter...), d’élaboration de guide de bonnes pratiques concernant l’informatique et le numérique, de suivi de la consommation énergétique, de renforcement de l’isolation des bâtiments, de mise en place de tri sélectif et de recyclage, de mesure de l’empreinte carbone et des actions directes sur la nature telles que l’écopâturage, l’interdiction de l’utilisation des pesticides, la pose de nichoirs à mésange, les ruches et la plantation d’arbustes et/ou arbres pour remplacer les espèces vieillissantes. 

 « Il existe de vrais questionnements sur nos pratiques de travail ; nos trajets en avion chaque année ou l’usage des technologies numériques…   Nous souhaitons partager les bonnes pratiques. Le CNRS doit être fédérateur. Notre objectif est de connaitre les bons indicateurs pour mesurer l’impact de notre activité afin de mettre en place des solutions pour la rendre plus écoresponsable », rapporte Alain Schuhl.

Un objectif que le séminaire du 24 janvier, mis en place par le CNRS pour ses directeurs d’unité et référents, soutient. Lors de cette journée d’échanges, des laboratoires du CNRS sont venus présenter leurs initiatives pour la réduction de l’empreinte de la recherche. Des collectifs tels que Labos 1point5 sont également intervenus pour donner leur avis sur les axes de travail à lancer et la Conférence des grandes écoles a présenté l’outil d’autoévaluation DD&RSO, pour la mise en place de la Responsabilité Sociétale des Organismes.  

 « Le séminaire du 24 janvier va nous permettre d’enrichir le plan d’action du CNRS en termes de développement durable, de délimiter des axes de travail », assure le directeur général délégué à la science. Parmi les pistes de travail, trois axes ressortent : le bilan Empreinte carbone et les plans d'actions à mettre en œuvre pour sa diminution, avec une réflexion sur les missions et les trajets par avion ; le recyclage et l’élimination des déchets des matériaux utilisés dans la recherche ; et enfin la diminution de la consommation énergétique notamment sur les aspects liés aux bâtiments et aux usages du numérique. « Je crois beaucoup à cette dynamique. Il existe une ampleur dans la prise de conscience grâce à laquelle nait une vraie richesse de réflexion aussi bien en laboratoire, qu’en campus et instituts », s’enthousiasme Alain Schuhl. Le tout pour une nouvelle éthique de la recherche avec une activité scientifique toujours aussi forte, mais plus respectueuse de l’environnement.

  • 1Le CNRS est membre de l’Observatoire national sur le changement climatique, il accueille le pôle européen du Urban Climate Change Research Network….

Le groupe Climaction du Locean

Directeur de recherche au Locean1 , laboratoire spécialisé dans l’étude des processus physiques et biogéochimiques de l’océan et leur rôle dans le climat en interaction avec les écosystèmes marins, Xavier Capet monte en octobre 2018 avec un trentaine de ses collègues un groupe Climaction au sein du laboratoire. Ensemble, ils décident de réaliser une estimation de l’empreinte carbone du Locean sur un an. Ils comptabilisent dans cette enquête les déplacements (trajets en avion, train… dédiés aux missions scientifiques et réunions), les campagnes en mer (pour l’observation in situ de l’océan), le calcul numérique (par exemple, les travaux de modélisation de l’océan) et le fonctionnement du laboratoire (c’est-à-dire le chauffage, le matériel, les équipements…). Les résultats de cette enquête ? Une empreinte par personnel de 9 tonnes de CO2 par an – un Français à une empreinte totale de 12 tonnes de CO2 par an - dont la moitié sont liées aux déplacements et un tiers aux campagnes en mer. Sur la base de ces résultats, le groupe Climaction du Locéan a imaginé des propositions d’amélioration, à la fois de la précision de l’empreinte carbone, et de mesures de réduction de l’empreinte du laboratoire, par exemple pour les déplacements, l’obligation pour chaque personnel de suivre son empreinte CO2 puis l'instauration d'un quota individuel annuel décroissant dans le temps. Des réflexions que le chercheur viendra présenter et discuter au cours du séminaire « Impacts des pratiques de la recherche sur l’environnement », ce 24 janvier. 

  • 1MNH/CNRS/IRD/Sorbonne université

Institut Écologie et Environnement

En 2019, un des dix instituts du CNRS, l’Institut Écologie et Environnement (INEE) lance une enquête pour connaitre l’empreinte carbone de sa direction qui compte 21 personnes. Il comptabilise trois grands domaines : les missions (les trajets en avion, train, voiture et transports en commun), l’informatique (les mails envoyés inférieurs à 10 Mo – les autres étant déposés sur des serveurs externes et ne pouvant être comptabilisés par l’INEE) et le fonctionnement (copies, impressions et fournitures - l’électricité, le chauffage ou encore le recyclage des déchets relèvent de la direction régionale et ne sont donc pas comptabilisés). Les résultats de cette enquête menée par Fabienne Coumert, chargée des affaires générales de l’INEE, démontrent que le principal poste d’impact carbone est tenu par les missions - avec 94% des émissions de CO2 provenant des trajets en avion, ces derniers ne représentant pourtant que 39% du nombre des missions. « Concernant les autres postes, des améliorations peuvent être facilement réalisées, par exemple en évitant les images jointes dans les signatures de mail ou encore en s’abstenant de doubler des documents dématérialisés par des versions papiers », indique Stéphanie Thiébault, directrice de l’INEE.