Mars ne s’est pas asséchée d’un coup

Univers

Alors que le rover Perseverance vient de se poser sur Mars, son prédécesseur Curiosity continue son exploration à la base du mont Sharp (ou Aeolis Mons), un relief de plusieurs kilomètres de hauteur au centre du cratère Gale. En utilisant le télescope de l’instrument ChemCam pour observer en détail les roches escarpées du mont Sharp dans le lointain, une équipe franco-américaine menée par William Rapin, chercheur CNRS à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/CNES)1 , vient de découvrir que le climat de Mars enregistré à cet endroit a connu des alternances de périodes sèches et d’autres plus humides, avant de s’assécher complètement il y a environ 3 milliards d’années. Jusqu’à présent, les sondes en orbite avaient donné des indices de la composition minérale des flancs du mont Sharp mais, depuis la surface, ChemCam a permis d’observer en détail l’organisation des couches sédimentaires, révélant les conditions dans lesquelles elles se sont formées. Et celles-ci changent radicalement sur l’épaisseur du relief exploré (quelques centaines de mètres) : au-dessus des argiles lacustres formant la base du mont Sharp, de larges et hautes structures entrecroisées sont le signe de la migration de dunes façonnées par le vent, lors d’un long épisode climatique sec. Plus haut, une fine architecture de couches alternativement friables et résistantes est typique de dépôts par une plaine d’inondation fluviale : c’est le retour de conditions plus humides. Le climat de Mars a donc vraisemblablement fluctué plusieurs fois à grande échelle entre des conditions sèches et des environnements de lacs et de fleuves, avant l’aridité générale que l’on connait aujourd’hui. Au cours de sa mission étendue, Curiosity devrait gravir les contreforts du mont Sharp pour réaliser des forages dans ces différentes couches. Il pourra tester ce modèle, caractériser avec plus de détails les évolutions climatiques passées, et peut-être comprendre l’origine de ces fluctuations majeures.

Ces travaux ont bénéficié du soutien du CNES la réalisation de l’instrument ChemCam, ainsi que son pilotage alternativement avec le Los Alamos National Laboratory aux États-Unis.

paysage martien et détail des couches sédimentaires
Vue des buttes martiennes en contreforts du mont Sharp montrant les terrains qui seront prochainement explorés par le rover Curiosity, et les environnements anciens dans lesquels ils se sont formés, d’après les structures sédimentaires observées sur les images du téléscope de ChemCam (mosaïques A et B).
© NASA/JPL-Caltech/MSSS/CNES/CNRS/LANL/IRAP/IAS/LPGN

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  • 1L’équipe de recherche comprend également des scientifiques de deux autres laboratoires français : le Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes, environnement (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1) et le Laboratoire de planétologie et géodynamique (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers).
Bibliographie

Alternating Wet and Dry Depositional Environments Recorded in the Stratigraphy of Mt Sharp at Gale Crater, Mars, William Rapin, Gilles Dromart, David Rubin, Laetitia Le Deit, Nicolas Mangold, Lauren A. Edgar, Olivier Gasnault, Kenneth Herkenhoff, Stéphane Le Mouélic, Ryan B. Anderson, Sylvestre Maurice, Valerie K. Fox, Bethany L. Ehlmann, James L. Dickson, Roger C. Wiens. Geology, 8 avril 2021. DOI : 10.1130/G48519.1

Contact

William Rapin
Chercheur CNRS
Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS