Pourquoi les moustiques Aedes peuvent-ils attraper et transmettre la dengue ?

Biologie

Plusieurs maladies virales telles que la dengue, Zika, le Chikungunya et la fièvre jaune sont transmises à l’Homme par un même intermédiaire : le moustique Aedes aegypti. Or, comme les autres insectes, ce moustique dispose de défenses antivirales reposant sur un mécanisme appelé interférence par ARN : de petites molécules d’ARN capables de dégrader spécifiquement le matériel génétique des virus et donc de bloquer leur multiplication puis leur dissémination dans l’organisme. Mais pourquoi ce système ne semble pas en mesure de stopper le virus de la dengue chez le moustique Aedes ?


Des équipes du laboratoire Modèles insectes de l'immunité innée (CNRS/Inserm) et de l’Université fédérale de Minas Gerais (Brésil) viennent de découvrir chez Aedes l’existence d’un gène appelé Loqs2, indispensable au bon fonctionnement de l’interférence par ARN de ce moustique, mais qui n’est pas fonctionnel dans son intestin ! Sans lui, les virus présents dans le sang dont se nourrit le moustique peuvent se multiplier et infecter par la suite ses glandes salivaires. Aedes transmet alors ce virus au cours de son repas suivant. Étonnement, Loqs2 n’est pas présent dans le génome d’autres moustiques proches, qui eux ne sont pas vecteurs de virus. Les chercheurs en déduisent que ce gène pourrait fournir une clé pour comprendre cette spécificité des moustiques Aedes.

Les moustiques Aedes aegypti sont vecteurs de plusieurs maladies virales telles que la dengue, Zika, le Chikungunya et la fièvre jaune. Après avoir piqué un humain infecté, les moustiques peuvent être infectés et devenir capables de transmettre la maladie à un autre être humain, ce qui maintient le cycle de transmission. © Roenick Olmo
Loqs2 est un élément de la défense antivirale des moustiques Aedes aegypti nouvellement découvert. Il joue un rôle important dans le contrôle du virus de la dengue et du virus Zika lors de leur dissémination systémique chez les moustiques, mais il n’a aucun effet sur l’infection de l’intestin. L’expression du gène Loqs2 provoquée artificiellement dans l’intestin des moustiques les rend plus résistants au virus de la dengue et au virus Zika en diminuant la réplication virale et la dissémination vers d’autres tissus. © Roenick Olmo

 

Bibliographie

Control of dengue virus in the midgut of Aedes aegypti by ectopic expression of the dsRNA-binding protein Loqs2. Roenick P. Olmo, Alvaro G. A. Ferreira, Tatiane C. Izidoro-Toledo, Eric R. G. R. Aguiar, Isaque J. S. de Faria, Kátia P. R. de Souza, Kátia P. Osório, Lauriane Kuhn, Philippe Hammann, Elisa G. de Andrade, Yaovi Mathias Todjro, Marcele N. Rocha, Thiago H. J. F. Leite, Siad C. G. Amadou, Juliana N. Armache, Simona Paro, Caroline D. de Oliveira, Fabiano D. Carvalho, Luciano A. Moreira, Eric Marois, Jean-Luc Imler and João T. Marques. Nature Microbiology, le 29 octobre 2018. DOI : 10.1038/s41564-018-0268-6

Contact

Jean-Luc Imler
Enseignant-chercheur Université de Strasbourg
Joao Marques
Chercheur CNRS - Université fédérale de Minas Gerais
François Maginiot
Attaché de presse CNRS