Quelle est l’ampleur de la pêche illégale ? Les albatros répondent

Environnement

Grâce à des albatros équipés de balise, des chercheurs du CNRS et de La Rochelle Université, associés à l’administration des Terres australes et antarctiques françaises, gestionnaire de la réserve naturelle des Terres australes françaises, peuvent apporter une première estimation du nombre de bateaux de pêche naviguant sans système d’identification dans l’océan Austral : plus du tiers des bateaux rencontrés par les oiseaux dans les eaux internationales n’étaient pas déclarés. Les résultats du projet Ocean Sentinel sont publiés dans PNAS la semaine du 27 janvier 2020.

Les albatros, « vastes oiseaux de mer », n’inspirent pas que les poètes. En effet, des scientifiques du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS/La Rochelle Université)1 se sont appuyés sur ces « indolents compagnons de voyage » pour détecter les bateaux de pêche qui n’ont pas de système d’identification automatique (AIS) dans tout le sud de l’océan Indien.

Ces oiseaux présentent deux caractéristiques très intéressantes pour leur mission : ils couvrent de larges distances en vol et sont particulièrement attirés par les bateaux de pêche. De bons candidats pour le programme Ocean Sentinel, mis sur pied par les chercheurs en collaboration avec les équipes de la réserve naturelle et la société néo-zélandaise Sextant Technology.

Avec près de 170 albatros équipés de balises durant six mois, le projet Ocean Sentinel a permis de surveiller plus de 47 millions de km2 de l’océan Austral, offrant la première estimation de la proportion de navires de pêche non déclarés opérant dans cette région. Les chercheurs ont ainsi observé que plus du tiers des bateaux rencontrés dans les eaux internationales n’étaient pas identifiables.

Les balises d’Ocean Sentinel reposent sur un système Argos, un GPS et un détecteur de radar miniaturisé unique au monde. Car même si les pêcheurs illégaux ne sont pas équipés d’AIS, ils ont besoin d’un radar pour naviguer. Lorsqu’un albatros s’approche d’un bateau, sa balise détecte le signal radar émis et indique directement sa position aux scientifiques. Si elle ne correspond pas à celle d’un navire identifié par l’AIS dans une zone économique, le bateau est probablement impliqué dans une activité illégale.

Développé dans le cadre d’un programme européen ERC Proof of Concept, avec le soutien de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor, Ocean Sentinel encourage le développement d’innovations rendant possible la récolte de données de conservation indépendantes grâce aux animaux. Déjà en phase de test en Nouvelle-Zélande et à Hawaii, la technologie développée pourrait également être adaptée pour d’autres espèces marines comme les requins ou les tortues de mer.

Grand albatros équipé d’une balise au large des Kerguelen
© C. Matheron/TAAF
Zone de prospection dans l’Ocean Indien des albatros (ligne bleue) et localisation des navires déclarés (points verts) et non déclarés (points rouges) dans les eaux internationales et dans les zones économiques (lignes jaunes)
© Weimerskirch et al./PNAS

 

  • 1Ont également participé à ces recherches des chercheurs de l’Université de Liverpool.

Contact

Henri Weimerskirch
Chercheur CNRS
Alexandre Corbeau
Doctorant CNRS
Cédric Marteau
Directeur de la réserve naturelle des Terres australes
François Maginiot
Attaché de presse CNRS