Un nouvel outil pour la prévision des éruptions

Terre

Avec ses 78 % de diazote et ses 21 % de dioxygène, l’atmosphère terrestre est un mélange unique dans le système solaire1 . Le dioxygène a été produit par certains des premiers organismes vivants, mais d’où vient le diazote ? S’est-il échappé du manteau terrestre grâce au volcanisme ? Pour tenter de répondre à ces questions, Jabrane Labidi, chercheur du CNRS à l’Institut de physique du globe de Paris (CNRS/IPGP/IGN)2 et ses collègues ont prélevé des échantillons de gaz dans divers sites volcaniques sur Terre. Ils ont montré que le diazote provenant de magmas formés dans le manteau n’a pas la même composition isotopique3 que celui de l’atmosphère : ce dernier ne provient donc pas du dégazage du manteau, d’après leur étude publiée le 16 avril 2020 dans la revue Nature. Cependant, ces mesures ont permis à l’équipe de distinguer, dans les geysers, fumerolles et autres manifestations gazeuses des volcans, la contribution de l’atmosphère (sous forme d’eaux de pluie réchauffées) et celle du manteau terrestre (les gaz magmatiques) : de faibles quantités de gaz magmatiques ont ainsi été détectées dans les geysers de Yellowstone, signe d’un regain d’activité. Ces mesures de précision pourraient donc aider à prévoir le réveil des volcans. Les prélèvements continuent à Yellowstone, et d’autres vont être réalisés dans les fumerolles des îles de Mayotte, au large desquelles un nouveau volcan sous-marin est né récemment. Quant à l’origine de l’azote atmosphérique, son mystère demeure… pour l’instant.

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Des geysers dans le parc national de Yellowstone, manifestation de la présence d’un volcan géant pour le moment en sommeil.
Une éruption de ce volcan explosif aurait des répercussions sur la planète entière.
© P.H. Barry
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Ces résultats ont été permis par l’utilisation d’un spectromètre de masse de nouvelle génération, ici dans le laboratoire d’Edward Young à UCLA.
© Jabrane Labidi

 

  • 1Sur Vénus comme sur Mars, l’atmosphère est essentiellement composée de dioxyde de carbone.
  • 2Précédemment à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Outre l’Institut de physique du globe de Paris (CNRS/IPGP/IGN), ces travaux ont impliqué en France le Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS/Université de Lorraine).
  • 3Un élément chimique peut exister sous différentes versions, appelées isotopes, qui se distinguent par leur masse. Ainsi, trois variantes isotopiques du diazote existent dans la nature: 14N14N, 14N15N et plus rarement 15N15N. C’est l’abondance de cette dernière qui a permis de distinguer les origines mantellique et atmosphérique.
Bibliographie

Hydrothermal 15N15N abundances constrain the origins of mantle nitrogen, J. Labidi, P.H. Barry, D.V. Bekaert, M.W. Broadley, B. Marty, T. Giunta, O. Warr, B. Sherwood Lollar, T.P. Fischer, G. Avice, A. Caracausi, C.J. Ballentine, S.A. Halldórsson, A. Stefánsson, M. D. Kurz, I.E. Kohl, E. D. Young. Nature, 16 avril 2020. DOI : 10.1038/s41586-020-2173-4

Contact

Jabrane Labidi
Chercheur CNRS
Véronique Etienne
Attachée de presse CNRS